13. Eléonore

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J'entendis la sonnette et me ruais sur la porte d'entrée mais c'était trop tard, mon frère venait d'ouvrir la porte.

-Bonjour. Tu es Kyle, je suppose?

Je vis mon petit frère hocher vivement de la tête.

-Chéri? Retourne à la table faire tes devoirs...

-On est pas censé les faire ensemble? me demande Jason en souriant.

Je levais les yeux au ciel devant sa petite blague et l'invitait à entrer. Il ébouriffa les cheveux de mon petit frère d'une main et garda l'autre derrière son dos.

-Tu viens? Nous allons étudier dans ma chambre. Kyle, je compte sur toi pour ne pas faire de bêtises.

-Papa m'a dit de te prévenir que tu ne pouvais pas fermer la porte, répondit-il d'un air innocent.

Le rouge me monta aux joues et je me dirigeais vers mon sanctuaire sans oser jeter un coup d'œil à Jason. De toute façon, son sourire en coin était déjà imprégné dans mon esprit. Je l'avais tellement de fois au cours de ces dernier mois... Jason adorait m'embêter. Peut-être même un peu trop pour ma santé mentale.

Je m'assis sur mon lit et le vis prendre place sur le lit de mon petit frère.

-Bon, pour célébrer notre première séance de cours particulier ensemble, je t'ai amené un....

Sans finir sa phrase, il me tendit une petite boîte en forme de cube et j'en sortis le cadeau. Je restais quelque minutes en fixant la plante qu'il m'avait offert.

-Tu m'as confié que tu étais nulle en jardinage...

-Et donc, tu m'offres un cactus ?

-Et bien, tu ne risques pas de le déshydrater ! Et puis c'est beau, un cactus....

-Oui....Oui, ça a un certain charme, je suppose.....

-N'empêche, je te mets au défis de me tuer ce cactus!

Jason m'ébouriffa les cheveux, les yeux pétillants de malice et j'éclatais de rire.

***

Je faisais l'exercices qu'il m'avait passé et mon regard dérivait vers lui chaque fois que je le pouvais. C'était plus fort que moi: Jason était rarement concentré et pourtant, cela lui allait bien. Ses sourcils épais se fronçaient, ses yeux fixés sur mon cahier comme si un énorme Thalès viendrait lui expliquer son théorème... Il avait cet air sérieux que je ne lui reconnaissais pas. Le Jason raisonnable se cachait souvent derrière les 1000 autres facettes de son caractère.

Il mordait son crayon et lorsqu'il posait celui-ci, c'était pour jouer avec son bic. Je savais que c'était le genre de tic nerveux que l'on ne pouvait s'empêcher de faire. Mais j'avais des problèmes en science et au moins deux chapitres de biologie à rattraper. En plus, cette matière était loin d'être ma préférée et une migraine commençait, lentement mais sûrement, à poindre dans mon crâne. Alors même si ce n'était qu'un petit bruit.... Petit bruit qu'il faisait toutes les secondes.

-Est-ce que tu peux, s'il te plait, reprendre ton crayon?

-Hein?

-Si tu fait cliquer une fois de plus ce foutu stylo, je vais taper sur quelque chose.

-Toi? Me taper? Qui te dis que tu y arriverais?

-On joue au plus fort, Parker?

Et sans prévenir, il sauta sur mon lit et s'aplatit sur moi.

-Peut-être bien, Coop.

Jason était au dessus de moi. Dans ma chambre. Dans mon lit. Je sentis mon visage devenir écarlate au moment même où une bouffée de chaleur m'envahit. Quelques unes de ses mèches, un peu plus longues que les autres, pendaient entre mon visage et le sien. Et j'aurais pu, presque, les sentir sur mon visage.

Mais comment avais-je fait pour en arriver là?

Mes poings se serrèrent pour éviter que Jason ne remarque leurs tremblements mais c'était trop tard. Du moins, c'est ce que son petit sourire satisfait me faisait comprendre.

Mon Dieu, je haïssais ce putain de sourire. Surtout quand je savais que la cause de celui-ci, c'était de voir qu'il me plaisait.

Mais il ne me plaisait pas, n'est-ce pas?Mes yeux se fracassèrent contre son regard. Ses yeux bleu assombris par... Par quoi? Je n'aurais jamais su le dire. En réalité, si, je savais. Mais ça ne pouvait pas être cela. Ça ne pouvait pas être ce que je croyais....

Je n'avais plus été aussi proche d'un garçon depuis longtemps. J'étais restée célibataire pendant 3ans et Jason... Jason était mon ami. Rien que mon ami.

Ses doigts se mirent à me chatouiller et je faisais de mon mieux pour étouffer mes rires. Que dirais-je à mon père si Kyle lui rapporter qu'on faisait de drôles de bruits dans ma chambre? Je n'aurais plus eu de tête. Même si je jurais que ce n'était que mon ami.

Car les amis font ce genre de chose, non? Ils se taquinent. Tout était normal. Je devais retrouver mon calme pour ne pas me ridiculiser. Il fallait que je me reprenne avant qu'il n'essaye de me faire parler. Parce que j'étais si qu'à l'heure qu'il était, j'aurais été complètement incapable de sortir une phrase cohérente. Quand il s'enleva enfin, sa chaleur, son contact, me manquait. J'aurais aimé pouvoir tiré sur son sweat-shirt pour l'entrainé de nouveau contre moi.... Mais quelle horreur! Où mes pensées divaguaient-elles?!

-Je vais devoir y aller.... Merci, pour la trigonométrie et les théorêmes. On se revoit la semaine prochaine?

-O-Ou-Ouais....

-Au revoir, Rouquette, dit-il en me laissant une bise sur la joue. Il s'y attarda juste un peu plus longtemps que nécessaire.

Il quitta l'appartement et se tourna une dernière dans le couloir pour m'adresser un clin d'œil qui finit définitivement de me colorer. Il s'amusait de moi, de ma gêne... Il était redevenu le même garçon que celui qui m'avait poussé à bout sous la pluie. La différence était que, aujourd'hui, j'étais loin d'être fâchée....

***

Le soir, dans ma chambre, je repensais à ce premier cours étrange en contemplant le petit cactus que j'avais mis sur ma table de nuit.

Le mystérieux Jason avait encore frappé. Je ne savais jamais quoi penser de lui et c'était aussi exaltant qu'exaspérant. Je pouvais lui faire confiance, j'en était intimement convaincu. Il me l'avait dit lui-même : ce n'était pas le genre de garçon à faire des paris. Il ne jouait pas avec les sentiments. Il pouvait être si compréhensif...

Et pourtant, il pouvait être si.... Froid. Si intriguant. Comme le jour de notre réconciliation dans la ruelle. Est-ce que je m'imaginais ce regard remplis de désir? Est-ce que je faisais tout une histoire d'un évènements anodin?

Il me connaissait. J'avais été réellement surprise de voir à quel point il était capable de lire en moi. Il avait su que je serais stressée de le faire venir chez moi. Il connaissait tout de moi et je ne connaissais presque rien de lui. Et il avait su comment me mettre-à-l'aise. Je n'avais plus eu d'amis comme ça depuis longtemps. Je ne pouvais pas me permettre de le perdre à cause de scénarios stupides que j'inventais dans ma tête.

Je ne m'étais jamais posé ce genre de question avec Léo et Tyler. Je ne devais jamais me demander où se terminer l'amitié pour laisser place à autre chose. Je sautais sur eux, je dormais avec eux et je vivais contre eux, dans leur bras.Combien de fois avais-je embrassé leurs fronts, leur nez, leurs cous sans aucune arrière pensée? Combien de personnes avaient cru que j'étais en couple avec l'un ou avec l'autre? J'avais toujours été tactile avec mes meilleurs amis.....Avant. On avait cette complicité, on fusionnait à trois. Parce que je savais que je pouvais être libre avec eux. Qu'ils ne se méprendrait pas sur mes actes. Peut-être que Jason était juste comme cela. Comme mon ancienne moi.

Oui, c'était ça.

J'avais bien trop peur de le perdre pour m'autoriser d'autre pensées, de toute façon. Que l'ami qu'il était pour moi ne s'enfuit comme les autres. Parce que les meilleurs amis n'étaient pas éternels, comme je l'avais cru en étant enfant. Mais depuis, j'avais grandi. Et cette fois, je me tenais prête.

Je ne me briserais pas....

Timide (sous contrat d'édition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant