Beautiful Liar

5, Shelby

Comment ose-t-il me parler de cette façon ? Avant lui, jamais personne ne m'avait traité de la sorte. C'est humiliant.

Il s'amuse à mes dépends, il croit que tout n'est qu'apparences, il s'arrête à ce qu'il voit, au monde dans lequel je suis né. Mais il ne connait pas la moitié de ce que je peux bien traverser au quotidien.

Qu'aurais-je dû lui répondre ? L'insulter ? Répondre à ses provocations ? Pour quoi faire ? Ça ne m'aurait avancé à rien. Il croit tout savoir de moi, il s'est fait sa propre idée. Et puis, si ça, c'est le vrai Shawn, il est préférable d'en rester là. Il est odieux et tellement arrogant... mais je n'arrive pas à oublier la façon dont il s'est comporté avec ce petit garçon. Il semblait si gentil... et il a changé du tout au tout en ma présence. Je ne comprends pas ce que j'ai fait pour provoquer une telle haine en lui mais il n'a plus rien à voir avec le mec que j'ai connu il y a quelques semaines. C'est décevant. J'ai pensé qu'il m'avait cernée, qu'avec lui je n'aurai pas eu à faire semblant. Je m'étais lourdement trompée...

Cette vie finira par m'achever, je le sais au plus profond de moi. On devrait tous être autorisé à pouvoir choisir ce qu'on veut faire de notre vie, j'aurais aimé avoir cette chance, mais je suis enchaînée. Je ne peux pas piquer une colère comme une enfant de cinq ans, je ne peux pas m'enfuir, je n'ai nulle part où aller. Mes parents ont des moyens à leur disposition dont je ne soupçonne même pas l'existence. Je suis leur joyau, leur héritière, tout repose sur mes épaules. Au moindre faux pas, à la plus petite incartade, on m'enverra loin de New York dans un pensionnat privé remplit exclusivement de filles. Je ne sais pas ce qu'est le pire mais je n'ai pas envie d'essayer. Ma vie est ici, dans cette ville, remplie de faux jetons, de gens sans scrupules prêts à vendre hommes, femmes ou enfants pour un peu plus d'argent ou de « m'as-tu vu ». C'est le monde dans lequel j'évolue mais derrière ça, je ne désespère pas de parvenir à m'échapper de tout ça. Peut-être que ça prendra un certain temps mais je sais depuis longtemps que je ne suis pas faite pour toutes ces réceptions, ces diners mondains, ces faux-semblants. Au fond de moi, il y a une personne vraie, un être vivant qui a un cœur qui bat, qui ressens des choses. Mais pour le moment, je ne peux que subir cette situation, je n'ai pas d'autres choix.

Je m'essouffle, j'essaye de respirer mais ça devient de plus en plus difficile chaque jour. Personne ne fait attention à moi. J'ai envie de hurler « J'existe ! Je suis là, juste devant vous. Pourquoi ne me voyez-vous pas ? »

Quand je pénètre dans le parking sous-terrain appartenant à ma famille, je me gare à ma place mais ne sors pas tout de suite.

Mes mains se resserrent autour du volant, mon front s'y appose, ma mâchoire se crispe et dans un élan de folie, je me mets à hurler tête baissée. Je hurle tout ce que je peux : ma faiblesse, mon envie de fuir, les mots que je retiens, ma solitude. Quand les hurlements s'apaisent, je m'autorise à fondre en larmes, plus seule que jamais.

Au bout de plusieurs minutes, je finis par me redresser, mes yeux croisent le rétroviseur intérieur annonçant les dégâts mais malgré ça, je souris. Mon mascara a coulé sur mes joues, mon rouge à lèvres est parti depuis longtemps. J'observe mon reflet pendant de longues secondes avant de me décider à prendre une lingette démaquillante dans mon sac. J'efface toute trace de maquillage sur mon visage.

Même si ça peut paraître comique vu de l'extérieur, c'est une façon comme une autre de faire enrager ma mère.

***

En pénétrant dans ma prison dorée, j'entends directement les talons de ma mère claquer sur le sol. À tous les coups, Donovan les a déjà prévenus.

— Shelby, est-ce que c'est toi ?

Elle se plante devant moi, mains sur ses hanches presque inexistantes. Son air sévère qui semble ne jamais la quitter ne m'impressionne plus. Ça ne lui ferait pas de mal de se dérider un peu, une fois de temps en temps.