9. La dernière ligne droite

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Nous débarquons dans un tout autre monde. Une ville nouvelle, dernière étape avant notre arrivée à ce que nous appelons désormais avec Jeanne le Refuge.
La ville grouille de gens. Une grande horloge indique huit heures, le soleil s'est presque complètement levé.
Jeanne me lance un regard. Faire une pause. Manger. Trouver la gare. Refuge.
J'acquiesce. Nous nous arrêtons ainsi dans un petit parc publique, après avoir longtemps marché, et sans réellement savoir où nous allions nous retrouver. 

Dissimulées dans un coin, entre deux cabanes humides, nous retirons nos chaussures. Mon pied est violet, j'ai des ampoules et du sang partout. Je place un bandage acheté à la supérette - enfin, quand je dis acheté... - sur mes blessures et entreprend de les panser. Peu après, nous sortons de notre sac une bouteille d'eau, deux hot-dogs et une pomme, afin de nous remplir un peu l'estomac.
Mais je n'ai pas très faim, et Jeanne s'en aperçois immédiatement :

« Ça va ? T'es toute pâle.
« Oui, oui.
« Certaine ? Tu peux me parler si tu veux.
« C'est juste que...je me demande ce qu'on fera une fois qu'on y sera. Au Refuge, je veux dire.
Décontenancée, elle me lance un regard surpris :
« Tu...tu ne regrettes tout de même pas d'être partie ?
« Non ! Non, pas du tout. Simplement..., je soupire, je n'ai aucune idée de la façon dont on va survivre.
« On l'a bien fait, jusqu'à maintenant, non ? Marmonne-t-elle en mordant dans l'un des hot-dogs.
« Oui, mais c'est différent...on ne peut pas voler ainsi de quoi manger toute notre vie ! Et puis, où allons-nous dormir ? Un hôtel, c'est cher !
« Écoute, me dit-elle fermement, on va le faire.
On s'en est sorti pendant quatre jours, je ne vois pas pourquoi on ne s'en sortirait pas pendant quelques années encore. On a presque dix-huit ans, toi et moi. On va se trouver un bon job, on va économiser, et, oui, s'il le faut on volera un peu de temps en temps. Mais écoute, darling, c'est la vie. On galèrera quelques années, le temps de prendre nos repères, et ça sera tout ! Après, une fois qu'on sera familières à l'endroit, on s'en tirera sans soucis. Crois-moi, Vienne, on s'en tirera. »

Je laisse échapper un long soupir, et avale le reste de mon hot-dog. Puis, je sors un couteau-suisse et coupe la pomme en deux, tendant l'un des deux morceaux à mon accompagnatrice. Elle le saisit et mord dedans avec envie, puis en aspire le jus.
Enfin, après au moins deux dizaines de minutes de repos, nous décidons de nous remettre en route. Cette fois-ci, la frontière se passe à pied. Il va falloir être discrètes.

Et oui, maman, ta petite fille s'apprête à franchir une frontière clandestinement. Et son mascara est bien ancré sur ses joues, cette fois.

Mascara Où les histoires vivent. Découvrez maintenant