Je dévale à toute vitesse les volées de marches des étages qui me séparent encore de la sortie de l'immeuble. Et enfin, je pousse la porte métallique et me retrouve à l'extérieur. Haletante, mon souffle forme déjà des petits nuages blancs dans l'air mordant automnal.
Je suis prête à avaler des kilomètres de bitume, sous mes foulées toujours plus grandes. Je m'engage dans des allées que je connais bien, et les devantures et les murs de béton émacié me rassurent un peu.
Il n'y a pas grand-monde ce soir. Mon esprit en ébullition se refroidît peu à peu dans les chuchotements des rues de la ville. Je rejette mon sac sur une épaule, me détends et observe les voitures qui s'éloignent dans des ronronnements de moteurs.
L'obscurité est presque totale. Je ne sais plus où je me trouve, c'est l'instinct qui me dirige, et une dose de hasard. Je déteste prévoir des itinéraires. Si même nos loisirs doivent être programmés, je ne vois pas l'intérêt ! Et au pire, si je me perds, il y aura toujours google map pour me sauver.
Je ne suis plus énervée. Je me sens pourtant nerveuse : j'ai la désagréable impression de n'être pas seule dans les parages. Pourtant, il n'y a personne.
Enfin, c'est ce que je croyais.
Un bruissement de tissu et une cavalcade me fige. Quelqu'un est en train de débouler juste derrière moi !
Je n'ai pas le temps de faire un pas qu'une main glacée saisit mon sac à dos, m'arrachant presque le bras, et qu'on me bouscule.
Hé! Je ne vais pas me laisser faire comme ça !
Je m'élance à la suite du voleur, et nous voilà filant comme le vent sur les trottoirs bossus du quartier.
Le vent glacé siffle contre mes oreilles, et mes cheveux volettent autour de moi.
Il tente de gagner du terrain mais je lui colle aux basques.
C'est alors qu'il bifurque brusquement dans une ruelle étroite. Je freine et dérape, mais parvient à garder l'allure. J'enrage, allonge mes pas. Je voudrais attraper ce gredin par l'oreille !
J'avise sa silhouette fine : il est grand et sacrément rapide, et bientôt il m'échappera. Avec un grognement, j'exécute alors un bond monumental qui comble les derniers espaces nous séparant, et referme mon emprise sur ses épaules, telle une chape de plomb. On s'écrase sur le côté et je le cloue au mur.
C'est bien un garçon. Il me regarde, ébahi. Des cheveux blonds s'échappent de la capuche de son sweat noir qui a un peu glissé, pareils à des filaments dorés en bataille. Je fixe ses yeux marron chaud tandis que nos souffles précipités se mélangent.
J'ai l'impression que le temps s'est arrêté.
Il n'a pas l'air d'un délinquant. Je suis un moment troublée et desserre un peu mes poings, et le tissu obscur de son sweat, étonnamment doux, se froisse sous mes doigts.
Mais il ne profite pas de cet avantage et reste muet à me contempler, un peu terrifié. Il me fait penser à un petit enfant pris sur le fait de sa bêtise.
Un klaxon furieux retentit tout à coup dans l'air lointain, nous sortant de notre torpeur. On cligne des yeux.
C'est alors que le garçon me tend mon sac à dos d'un geste d'automate, puis bredouille :
« Euh... je suis désolé... pardon, bonne soirée... »
Je hausse les sourcils, éberluée, tandis qu'il se dégage furtivement et détale dans la ruelle étroite et assombrie. Il a déjà disparu.
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Virée nocturne
Mystery / ThrillerV ous savez, ce que j'aime le plus dans la vie, c'est la nuit en ville. Je suis I ntrépide, comme le dit ma mère, car dès que le ciel prend des teintes de R ose et d'orangé, je me sens attirée par les ruelles et l'air frais, E t je ne peux m'empêche...