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Je suis repliée sur moi-même, appuyant encore plus sur mon estomac déjà retourné. Je ne sais pas pourquoi je me baisse autant... c'est peut-être parce que je n'ai aucune idée d'où je vais et dans quel milieu je me trouve. Je me sens tellement vulnérable que je me recroqueville quitte à disparaître. Mes pieds dévalent les petites marches raides et j'ai l'impression que je vais glisser dans un précipice.

Mais j'ai confiance en Isaac, avec ses doigts contre mon dos qui m'éclairent sur le chemin à suivre. Ils se referment soudain sur mon pull pour m'arrêter.

J'avance mes bras à l'aveuglette pour tâtonner autour de moi, et rencontre immédiatement une surface froide et humide. J'essaye de l'autre côté, idem. Un drôle de sensation gonfle en moi tel un ballon de baudruche prêt à éclater. Je lève les mains et me cogne contre le plafond.

Mon cœur s'emballe de nouveau, je me sens comme prisonnière d'une pièce toute petite, et la claustrophobie s'insinue par toutes les failles de mon être.

Je halète, je voudrais frapper les cloisons pour les éloigner, et ma terreur flotte autour de moi comme un nuage chargé d'eau et d'électricité.

C'est alors que les mains d'Isaac se referment sur mes poignets.

« Calme-toi, siffle-t-il tout contre mon oreille, on va se faire repérer sinon... »

J'ai à peine entendu ce qu'il vient de me dire. Je continue de respirer à toute vitesse, transpirant à grosses gouttes.

Puis, les connexions se rejoignent peu à peu dans mon cerveau et je réalise que je n'ai pas d'autre choix que de refouler ma panique.

Mes jambes me font mal, j'ai l'impression de peser une tonne, comme si les dimensions se déboîtaient pour créer un nouvel espace flou et ambigu.

Je dois m'asseoir.

Je glisse donc contre le mur, et le crépis m'érafle le dos. Ce petit picotement me rappelle que je ne suis pas totalement en train de devenir cinglée.

Je tente de visualiser des images positives à travers mes paupières closes, et me remémore des souvenirs amusants.

Mais quand je suis enfin parvenue à relativiser, le sol se met à trembler, et des hurlements, qui se rapprochent davantage d'un vagissement bestial, me glacent le sang. J'ai aussitôt l'image d'un château de cartes à la construction périlleuse qu'on vient de démolir, en un rien de temps, par un courant d'air.

Un réflexe me pousse à saisir le bras d'Isaac pour l'attirer contre moi. Il se rattrape de justesse pour ne pas s'étaler sur mes jambes.

Son souffle étonné frétille sur ma joue et me fait frissonner.

Les bruits de pas s'enflent.

Je me réfugie dans les bras du jeune homme, enfouis ma tête au creux de son épaule. Son étreinte se resserre et me procure une sorte de soulagement, mais il y a autre-chose...

Des portes claquent, les voix sont de plus en plus fortes.

Mes poings se referment sur le col du tee-shirt d'Isaac pour étouffer un cri.

Puis plus rien.

Aucune voix, aucun son.

Je ne m'attendais pas à ça. J'ai l'impression qu'ils sont partis.

Ne serait-ce qu'un espoir ? Et si c'était... une stratégie ? Mon instinct me souffle de ne pas bouger. De toute façon, je ne serais pas capable d'esquisser un seul geste.

On reste immobiles, figés tels deux statues de pierre.

Mais je préfère m'imaginer que nous n'en formons qu'une.

Virée nocturneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant