Il y a neuf ans, alors que je passais mes vacances d'été, dans ma famille en Alsace. Ma tante eut la bonne idée de m'emmener dans un lieu, qui m'était totalement inconnu : un ancien camp de concentration. Elle l'avait visité, l'année passée avec son mari et ses enfants. Je n'avais que seize ans, à l'époque. Jeune et insouciante, je lui avais ri au nez à l'annonce de la sortie ; pour moi, ces lieux n'étaient que des histoires appartenant au passé pourtant nous devions aller de l'avant. À mes yeux, ils existaient à peu près partout en Europe de l'Est, mais pas sur le territoire français. Je savais bien que la France avait perdu l'Alsace au cours de la bataille de France, à la suite de la violation de l'armistice du 22 juin 1940. Armistice signé par la France et l'Allemagne. Mais en aucun cas, je savais que le chef de la Gestapo en compagnie du chef de l'économie SS avait décidé de l'emplacement d'un camp à proximité des carrières, pour une entreprise minière. Je ne l'ai appris qu'une fois arrivé, dans les parages. Je ne sais pas comment expliquer ce que j'ai ressenti, à cet instant : de la colère et de la tristesse, de l'émerveillement et de l'horreur. Tout était si mélangé, que je ne pourrais l'expliquer.
Avant de nous rendre à cet endroit, mon oncle par alliance m'avait prévenu : « Je ne te connais pas aussi bien que ta tante, mais quoi que tu apprennes et quoi que tu vois là-bas. Promets-moi de ne pas fouiller, dans le passé. ». Il avait visité ce coin, il savait quelque chose, dans son regard j'aperçus un éclat différent de celui que je lui connaissais auparavant. Le jour de la visite, il n'était pas avec nous... Quand nous sommes arrivés dans les environs du camp, la route montagneuse nous fait croire que nous montons vers le sommet, avec ces virages à droite, puis à gauche, de nouveau à droite. De quoi avoir le mal des transports. En arrivant, sur la départementale 130, nous tombons nez à nez avec un grand bâtiment noir, où il est inscrit Centre Européen de la Résistance et de la déportation, qui semble être le passage obligatoire avant de se rendre dans l'enceinte du camp, même si l'on effectue une visite simple.
À l'intérieur, on y trouve un espace avec une exposition permanente, ainsi qu'un espace forum où sont données des conférences. De l'autre côté, des bornes interactives sont mises à disposition des visiteurs, pour y effectuer des recherches, sur les différents kommandos du camp, une borne des noms est également mise à disposition, la curiosité a été plus forte que tout, j'ai tapé le nom : Gabriel Vagueret. Résultat : il a été déporté dans ce camp. Tout se brisa, mon monde se coupa, dans un vide sans fin. C'est seulement la visite terminée que l'on peut entrer dans l'enceinte du camp qui se présente en escalier. Une fois le double portail franchit, on a l'horrible impression de voyager dans le temps et l'espace. L'air devient froid, irrespirable ; quoique nous soyons en plein été. Les bruits environnants cessent brusquement, on sent la présence de la mort bien que toutes horreurs à prendre fin en mai 1944.
À peine, nous pénétrons dans la première baraque ; où l'on pouvait se rendre compte des conditions dans lesquels les déportés dormaient. Deux dortoirs prévus initialement pour cent cinquante détenus chacun, avec pour seule séparation des sanitaires insalubres. Personne n'est dans ma tête, mais à cet instant précis les cris en Allemands reviennent vivement ; les images de tout ce que j'ai pu voir en cours d'histoire au collège revient. Notre visite se poursuit dans les autres baraques ; avec toujours la peur et la haine de l'ennemi allemand. Voilà ce que j'ai ressentis, à la visite de camp mais en faire la liste en est impossible. Chacun est différent. À chaque changement de baraque, je ressentais une sensation étrange comme si une personne dont j'ignorais l'existence avaient connu ces lieux mais aussi les atrocités qu'il renferme ; bien que l'espace entre baraques me laisse le temps de reprendre mes esprits pour une courte durée. À chaque baraque, cette même sensation revenait... Des vertiges, la respiration oppressante.
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Never forget the past
Narrativa Storica"N'abandonne pas. Tu n'as pas le droit d'abandonner, tu t'es donné corps et âme pour me connaître et me sauver." Voilà une phrase bien encourageante, quand on se retrouve plonger dans une époque qui n'est pas la nôtre. Nathanaëlle, vingt-cinq ans...