«Ma pauvre petite, tu ne devrais pas être là. Tu dois surmonter tant d'épreuves, tu en as déjà surmonté tellement.
-Gabriel ? -en relevant la tête, les yeux remplis de larmes. C'est vraiment toi ?
-Ne pleure pas, je t'en supplie. Tu dois être forte... Tu dois...
-Tu m'as abandonné, hier. Tu n'avais pas le droit. Je te...
-Calme-toi. Je ne t'ai pas laissé. Quand Marzel t'a jeté au pas de la porte, moi et cinq autres, on t'a ramassé et on a essayé de te monter à l'étage du châlit... Mais on a manqué de force. Javier a laissé sa place, pour qu'on t'y dépose.
-Qui m'a soigné ? Qui est Javier ? Tu sais pour Guerrick ? -en explosant de plus belle face à cette colère bouillante.
-Pardon, Gabriel. Laisse-moi passer, s'il te plaît. - en posant une main sur l'épaule de celui qui m'a aidé. Javier, c'est moi. Ne lui en veux pas, s'il serait resté avec toi, tu ne l'aurais probablement jamais revu. Marzel est l'un des pires gardes de ce camp, il n'aurait pas hésité à vous descendre tous les deux. »
Je sentais que les larmes montaient, mais il ne fallait pas que je craque. Pas encore une fois. Javier était l'un des plus anciens prisonniers du camp, il était petit mais grand par le cœur. Qui aurait laissé sa place pour soigner l'un dès leurs ? Probablement personne. Ces yeux étaient cernés par la fatigue, il était si maigre comme s'il se privait de manger sa ration quotidienne de soupe. Il me raconta pourquoi il avait fait prisonnier, pourquoi avait-il laissé sa place. Très vite, je compris qu'au contraire de Guerrick, il ne sympathisait pas avec les gardes pour obtenir des privilèges.
«Écoute, à partir de maintenant tu ne dois plus lui faire confiance. Si un jour, il a l'occasion de te faire du mal pour un peu plus de pain, il le fera sans hésiter. Tu peux me croire, j'en suis la preuve, tu vois le bleu sur ma cheville ? - en remontant son pantalon beaucoup trop grand. C'est lui, qui me l'a infligé, car je n'avais pas été assez rapide pour remonter en haut du camp. »
Pendant ce temps-là, Marzel remontait tranquillement dans les hauteurs du camp. Jusqu'à ce qu'il aperçoive un détenu qui tentait de reprendre son souffle après avoir fait des allers-retours, avec des brouettes entières de pierres. Le malheureux vit la colère de ce garde ressurgir aussi vite qu'elle s'était éteinte. Il fit la victime de plus, à ce bourreau qui comptait déjà plus d'une quarantaine de morts à son actif, depuis son arrivée dans le camp, en décembre 1942. Dans le camp, il était connu pour sa haine envers les prisonniers, mais surtout pour sa brutalité, quand il passait ces nerfs sur l'un des détenus. Un bruit courait, dans l'enceinte du camp, qu'il avait sombré dans la folie après la mort brutale de sa femme et son fils, à l'ouverture d'un colis piégé. Marzel s'époumona en pointant le pauvre homme du bout de son arme :
«Toi ! Oui, toi là-bas ! Viens ici dépêche-toi !
-Oui... -première chute en essayant de courir.
-Relèves-toi, maintenant !
-Tout de suite, monsieur... -seconde chute.
-Sale porc ! Tu le fais exprès de tomber, as-tu peur de moi ? Réponds !
-Oui, vous me faites horriblement peur. Je ne veux pas mourir ici.
-Mourir ? - en éclatant de rire. Tu crois vraiment que tu vas pouvoir sortir d'ici vivant ? Tant que je serai dans ce camp, tu peux avoir peur tous les jours, à chaque heure du jour et de la nuit. - en riant de plus belle. Pourquoi t'es-tu arrêté ?
-Je... Je suis épuisé. J'ai besoin de dormir un peu – tortillant son calot entre ces mains terreuses. »
Marzel regarda le miséreux tordant son calot dans tous les sens. Énervé par ces mouvements incessants, brandis sa matraque qui alla mourir dans l'estomac, de sa victime qui se retrouva à terre. Et continua à le frapper, en obligeant le misérable à compter le nombre de coups qui pleuvait sur lui. Un, deux, trois, quatre, cinq... Vingt-trois, vingt-quatre et vingt-cinq. Vingt-cinq coups plus tard, sa victime gisait dans une mare de sang. Une victime de plus à ajouter à la longue liste dont il était le détenteur.
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Never forget the past
Tarihi Kurgu"N'abandonne pas. Tu n'as pas le droit d'abandonner, tu t'es donné corps et âme pour me connaître et me sauver." Voilà une phrase bien encourageante, quand on se retrouve plonger dans une époque qui n'est pas la nôtre. Nathanaëlle, vingt-cinq ans...