Il commençait à s'assoupir dans le canapé lorsqu'il entendit un bruit venant de sa chambre. Il se redressa brusquement et se leva en se rappelant le robot qu'il avait laissé dans sa chambre un peu plus tôt. Il se dirigea à pas lents jusqu'à celle-ci et en poussa doucement la porte d'un air hésitant pour jeter un œil discret à l'intérieur. Il fut surpris de trouver le robot – la poupée – assis au bord de son lit, les pieds au sol. Elle – Il, se reprit-il – s'était donc réveillée ? Mais comment ? La poupée avait l'air perdue, regardant ses mains et les retournant de nombreuses fois afin de les observer. Elle se leva ensuite et Guillaume la vit vaciller un instant sur ses jambes avant de sembler reprendre sa composition. Elle fit un pas hésitant en avant, observant la pièce dans laquelle elle était, et Guillaume se demanda si c'était la première fois de toute sa vie qu'elle marchait. Elle contempla – Il contempla, bordel... se dit-il en poussant un juron mentalement – avec une fascination étrange et presque enfantine les quelques photos qui étaient posées sur sa commode et Guillaume entra à ce moment-là dans la chambre, embarrassé que la poupée ne regarde quelque chose d'aussi intime que ses souvenirs. Le robot se retourna en l'entendant entrer dans la chambre et Guillaume crut apercevoir un mélange de surprise et de peur dans son regard.
« Hum... Salut. » dit simplement Guillaume en s'approchant de lui lentement, comme s'il avait peur de l'effrayer.
Le robot le dévisagea sans dire un mot et fit un pas en arrière lorsqu'il s'avança vers lui, une lueur d'incertitude dans les yeux. Il remarqua alors à quel point ceux-ci étaient sombres, tirant sur le marron foncé. Presque envoûtant.
« Euh... je m'appelle Guillaume, tenta-t-il en lui tendant la main pour lui prouver qu'il était inoffensif et qu'il ne lui voulait aucun mal. Et toi...? Tu as un nom ? »
Le robot le regarda encore un instant sans rien dire avant de détourner son regard du sien, un air paniqué sur le visage, et il le vit se remettre à regarder autour de lui.
« Rassure-moi, tu parles au moins ? » rit doucement Guillaume en récupérant sa main, essayant d'alléger l'atmosphère lourde qui pesait dans la pièce.
Le robot ne répondit rien mais se tourna vers lui pour le regarder d'un air inquiet et Guillaume allait soupirer de frustration lorsqu'il lui répondit enfin, en plongeant ses yeux dans les siens.
« Orel. »
Guillaume fut agréablement surpris qu'il lui réponde. Déjà parce que... enfin ! Il se sentait moins con à parler à un robot qu'il commençait à croire muet. Et puis... parce que sa voix était douce. Un peu tremblante, dû sans aucun doute à la panique qui l'avait assailli en se réveillant dans un endroit qu'il ne connaissait pas et en rencontrant un inconnu... Mais aussi si douce.
« Donc... Tu t'appelles Orel. C'est bien ça ? » demanda-t-il afin de lui demander de confirmer qu'il avait bien compris comment il s'appelait.
Le robot hocha doucement la tête en silence et remonta la manche du pull gris qu'il portait pour lui montrer un petit bracelet argenté autour de son poignet. Guillaume fronça les sourcils et s'avança afin de lire ce qu'il y avait écrit. Orel. Il avait donc son prénom écrit sur ce bracelet. Et il ne l'avait même pas vu tout à l'heure lorsqu'il cherchait le bouton pour le réveiller.
« Je vois, dit-il en se reculant. Et Orel, comment tu as fait pour te réveiller ? Je n'ai appuyé sur aucun bouton. Tous les robots en ont un normalement, non ? »
Il le vit se mordre légèrement la lèvre, hésitant à répondre à sa question, et en voyant une lueur de tristesse passer dans son regard il écarquilla les yeux et se demanda s'il n'avait pas fait une bourde.
« Attends, se précipita-t-il de dire. Tu sais que tu es un robot, hein ? Rassure-moi sur ce point... »
Le robot hocha la tête et il soupira de soulagement.
« Tu m'as fait peur, putain...
— Je suis un... prototype... un peu différent des autres...
— Tu es spécial, tu veux dire ?
— Spécial ? répéta le robot d'un air étonné. Non, pas spécial... Juste... différent...
— Et différent en quoi ? demanda Guillaume, intrigué.
— En cela que je n'ai besoin d'aucun bouton pour me réveiller du sommeil éternel, lui répondit le robot en plongeant ses yeux dans les siens.
— Le sommeil éternel ?
— Je veux dire... commença le robot en cherchant ses mots. Quand on m'a... fabriqué... apparemment je me suis réveillé... avant même qu'on ne me l'installe. Ce bouton...
— C'est un peu flippant, hein... rit doucement Guillaume pour évacuer son stress.
— Désolé. » dit simplement le robot en baissant les yeux.
Il fronça les sourcils en voyant qu'il avait pris sa blague au premier degré et s'avança vers lui afin de toucher légèrement son bras pour lui demander de le regarder.
« Pourquoi tu t'excuses ? »
Le robot releva la tête et le regarda d'un air triste, ne répondant rien, alors il décida de changer de sujet :
« Et sinon... dit-il en toussant et il enleva sa main du bras du robot. Tu sais pourquoi tu es ici ?
— Je suppose que... commença le robot en réfléchissant. Que tu m'as acheté ? À l'entreprise ?
— Ouais, rit Guillaume. En quelque sorte... D'ailleurs, faut que je te parle de ça... Tu manges ?
— Manger ?
— Tu sais... chercha à expliquer Guillaume en mimant. Mettre des aliments dans ton corps pour te nourrir.
— Ah oui... se nourrir, dit doucement le robot en hochant la tête. Oui, je peux manger. Ça ne me fait pas de mal et puis... c'est une sensation que j'aime bien. »
Guillaume le regarda d'un air perplexe et ne put s'empêcher de sourire. Une sensation que j'aime bien ? Quel drôle de numéro, celui-là alors.
« Alors viens, suis-moi. On va manger. » dit-il en lui faisant un signe de la main avant de sortir de la chambre.
Il se dirigea vers le salon et sourit lorsqu'il entendit le robot lui emboîter le pas après quelques secondes à peine. Il était étrange. Et ça lui plaisait bien.