Encore un entretien de raté. Quelle merde de vie.
Guillaume enfonça ses mains plus profondément encore dans les poches de sa veste, la mâchoire serrée de colère. Encore une fois, il avait vu dans le regard de son interlocuteur qu'il n'était pas la personne qu'il recherchait pour cet emploi. L'homme l'avait remercié en lui disant qu'il le rappellerait bientôt pour lui faire part de sa décision mais ça ne servait à rien... Il la connaissait déjà. Après tout, est-ce que c'était vraiment un mal ? Être demandeur d'emploi une fous passée la barre de ses 30 ans lui donnait l'impression que la vie lui criait défaite. Mais était-ce une raison pour aller s'enfermer dans un bureau et faire un travail minable et sans saveurs pour les 30 prochaines années ? Oui, sûrement.
Il soupira en montant les marches qui menaient à son petit appartement, situé au deuxième étage d'un immeuble gris de cinq étages. Même ce qui nous entoure est gris, je n'invente rien. Il secoua la tête d'un air affligé et se dit qu'il devait vraiment arrêter d'avoir sans arrêt ces pensées négatives. La vie suivait son cours, c'est tout. Il fut surpris cependant en tournant à l'angle du couloir qui menait à son appartement d'apercevoir un énorme carton devant le seuil de sa porte. En se rapprochant, il se pencha pour lire l'étiquette apposée au colis et rougit d'embarras en reconnaissant le nom de l'entreprise. Robotix. si quelqu'un d'autre que lui, un de ses voisins peut-être, l'avait vu... Quelle honte. Il se dépêcha d'ouvrir la porte de chez lui et s'y engouffra avec le carton sans grand ménagement. Il fut quand même vite essoufflé dû au poids du colis et le porta avec peine jusqu'à son lit afin de l'ouvrir.
« Eh ben... T'es pas une légère toi, hein ? » dit-il dans un rictus, essayant de reprendre son souffle.
Il alla chercher de quoi couper dans la cuisine et s'attela à ouvrir la boîte une fois revenu.
***
C'est pas ce qu'il avait demandé. Mais alors là, pas du tout.
Il regarda d'un air perplexe la silhouette endormie en position fœtale devant lui, dans la boîte. Déjà, il avait demandé une meuf et là, s'il n'était pas en train de perdre la tête, c'était bien un mec devant lui. Puis, blonde aux yeux bleus... on repassera. Il prit le robot délicatement dans ses bras afin de le sortir de la boîte et l'allongea sur son lit. Il contempla ses traits fins et se dit qu'il avait vraiment l'air plus vrai que nature. Il avait l'air... humain. Il ressemblait à un garçon de son âge, peut-être un petit peu plus jeune, et simplement endormi. Celui-ci avait des cheveux noirs et mi-longs qui lui arrivaient aux épaules et il remarqua dans ceux-ci une petite mèche blanche. Comme un personnage de manga, se dit-il en rigolant intérieurement. Qui avait bien pu le désigner ainsi ? Le robot avait de longs cils, noirs eux-aussi, et des pommettes roses. Sa bouche était entrouverte et s'il ne savait pas mieux, il aurait juré qu'il pouvait le voir respirer. Il passa une main hésitante devant sa bouche mais la recula en s'apercevant qu'il était ridicule. Bien sûr qu'il ne respire pas, idiot ! Il hésita de nouveau puis posa sa main sur sa joue pour se forcer à comprendre qu'il n'était qu'une poupée. Bien faite, mais une poupée quand même. Il frissonna en sentant à quel point sa peau était froide. Et douce. Il recula sa main de nouveau puis le regarda d'un air incertain. Sa peau avait été aussi douce qu'elle le paraissait, bien qu'un peu froide. Le garçon paraissait tellement réel... Il lui manquait seulement la chaleur qu'un véritable humain possède à l'intérieur de lui. Il se mit alors à chercher le bouton d'allumage sur lui, ayant lu que celui-ci était généralement à un endroit un peu caché comme la nuque ou sous le bras... Il ne le trouva pas malgré avoir bien regardé partout et soupira avant de se lever.
Décidément, il en avait de la chance aujourd'hui. Un enfoiré de patron qui mérite qu'on lui crache à la figure, une poupée – parce que vu la délicatesse de ses traits, il ne pouvait l'appeler que comme ça – qui était en tout point l'inverse de celle qu'il avait commandé, un bouton pour la réveiller inexistant... Et peut-être même des voisins qui le prenaient pou un pervers à présent !
Une meuf blonde et aux yeux bleus mon cul, marmonna-t-il en se dirigeant vers le salon.
C'était trop compliquée à comprendre ? Ça devait même être le modèle le plus demandé. Il s'assit lourdement sur le canapé et alluma son ordinateur, avec dans l'idée d'envoyer un mail de réclamation à l'entreprise qui lui avait envoyée le robot. Soit ils lui envoyaient la bonne poupée et reprenaient celle-là, soit ils le remboursaient. C'était bien joli de vouloir expérimenter les nouvelles technologies dans ces conditions mais complètement inutile avec ce modèle-là.