Il regardait Orel qui contemplait avec une curiosité fascinante le plat qu'il lui avait posé devant les yeux, sur la table de la cuisine.
« Et bien ? Tu ne manges pas ? » demanda-t-il dans un rire, essayant de cacher grâce à ce dernier sa confusion.
Orel plongea la cuillère qu'il lui avait apportée dans son assiette et la bougea légèrement dans le potage, créant ainsi des symboles à l'intérieur de celui-ci.
« Qu'est-ce que c'est ? demanda le robot avec une curiosité enfantine en relevant la tête et en plongeant son regard dans le sien.
— Qu'est-ce que c'est ? rit Guillaume. Mais de la soupe, voyons. Tu n'en as jamais mangée de ta vie ?
— Non, répondit sérieusement Orel. C'est beau...
— Beau ? rit Guillaume encore une fois, attendri par l'innocence du robot. J'aurai pas choisi ce mot, moi. Mais c'est de saison. Il faut se réchauffer en hiver.
— Hiver ? répéta Orel en lui lançant un regard interrogateur.
— Oui, on est en cette saison. On est en hiver.
— Qu'est-ce que c'est... l'hiver ? lui demanda Orel d'un air hésitant et il fronça légèrement les sourcils devant sa question.
— Tu rigoles là, j'espère.» sourit Guillaume, troublé.
Est-ce qu'il n'avait vraiment pas les notions basiques des saisons ? Après tout, c'était un robot. Pas un être humain. Le robot secoua la tête d'un air hésitant pour lui dire qu'il était sérieux, un petit air perdu sur le visage, et il soupira.
« L'hiver c'est une saison de l'année. On en a quatre : le printemps, l'été, l'automne, et l'hiver. L'hiver vient en dernier et c'est la saison où il fait le plus froid. Tu comprends ? dit-il et le robot hocha lentement la tête en compréhension. L'hiver arrive juste avant que l'année recommence. Avec le printemps.
— Elle... recommence ? demanda Orel, confus. Qu'est-ce que ça veut dire ?
— Ça veut seulement dire que les saisons reprennent, expliqua-t-il. Printemps, Été, Automne, et à nouveau Hiver. On ne t'a pas appris ça ?
— Non, dit Orel en secouant la tête. Je n'ai jamais connu l'hiver. Je n'ai jamais mangé de... soupe, avant.
— Parce que tu as déjà mangé autre chose ? demanda Guillaume, véritablement intéressé. Comme quoi ? »
Orel réfléchit et se passa doucement une main dans les cheveux puis il le vit se lever et se diriger vers le plan de travail de la petite cuisine.
« Ça, dit-il en pointant une baguette de son doigt. Du pain, c'est ça ?
— Oui, une baguette. C'est du pain en effet, dit-il précipitamment en voyant son air confus.
— Et... Ça aussi, dit le robot en s'avançant vers sa panière de fruits qui était presque entièrement vide et en y attrapant la seule pomme présente à l'intérieur.
— Une pomme ?
— Une pomme, oui. J'aime beaucoup les fruits, sourit Orel.
— Et ben c'est pas chez moi que tu vas beaucoup en trouver, hein... rit Guillaume en pensant à son rythme alimentaire chaotique.
— En été, il y en avait là où j'étais, dit simplement le robot en revenant s'asseoir sur sa chaise et il le vit se remettre à jouer avec la soupe dans son assiette.
— De toute façon, c'est pas le problème... soupira Guillaume en prenant une cuillère de la soupe qu'il avait devant lui. Il faut que je te dise, Orel... »
Il releva la tête et sourit en voyant qu'il l'avait imité et que le robot avait porté la cuillère à sa bouche lui aussi afin de manger cette dernière. Il l'observa un instant souffler sur la cuillère, la tête baissée vers son assiette, et il remarqua à quel point il avait de longs cils pour un garçon. Ou pour un robot. Il l'observa mettre la cuillère avec hésitation dans sa bouche et il fronça les sourcils en le voyant se figer quand il avala le potage. Orel releva alors la tête, un grand sourire sur les lèvres :
« Ça fait du bien ! Tu as raison, ça réchauffe !»
Guillaume rit à son enthousiasme enfantin et lui sourit :
« Ah oui ?
— Oui, lui sourit le robot. J'ai l'impression que ça m'a réchauffé le cœur. C'est une sensation agréable.
— Réchauffé... le cœur...? » répéta Guillaume, stupéfait.
Est-ce qu'au moins il en avait un, de cœur ? Puis il sourit, se disant que ça importait peu. Ce robot était attendrissant avec ces remarques étranges.
« Mmh, dit Orel en avalant une autre cuillère de soupe. Qu'est-ce que tu voulais me dire ?
— Ah... Euh oui... bégaya-t-il en sortant de ses pensées. Rien, mange. Je te le dirai plus tard. Après manger.
— D'accord, dit simplement Orel en lui jetant un regard curieux. Merci Guillaume.
— Merci pour quoi ? s'étonna-t-il.
— Pour la soupe, c'est très bon.
— Ah... Ben de rien alors...» balbutia-t-il avant de se remettre à manger lui aussi.
Ça lui faisait un peu de peine de devoir lui dire la vérité alors qu'il avait l'air si heureux mais il ne pouvait pas lui mentir. Puis ça ne servait à rien de s'attacher après tout. Il fallait qu'il lui dise qu'il ne pouvait pas rester et que tout ça n'était qu'une erreur.
