II,1

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Acte II : Discussion [Le Narrapwet se réveille en sursaut pendant qu'on change la scène, et il annonce ce qui précède]

Scène 1 : au self

Le Narrapwet : à la régie Envoie le brouhaha, c'est la scène du self ! Non, un peu moins fort, on s'entend plus briser le quatrième mur il fait un énorme clin d'œil au public en le désignant avec ses deux index. Voilà, comme ça. Le bruit des couverts à présent un temps. Ok, c'est parfait. Bon, ça ira, comme effet de réel. Du coup, Louise et Kenneth n'auront pas de nourriture dans leur assiette. Ça vous empêchera pas de croire que vous êtes dans un self crasseux, rassurez-vous !

Kenneth : Et que penses-tu de la trépanation en Ouganda ?

Louise : Du point de vue de l'hygiène, c'est pas fantastique.

Kenneth : Certes. Mais penses-tu que cela serait intéressant d'ajouter cette pratique aux autres rites religieux, comme cela se fait en Laponie ?

Louise : Eh bien... pourquoi pas... mais d'un point de vue sanitaire...

Kenneth : Mais saperlipopette de palsambleu ! Je n'ai cure de considérations propres aux sciences de la vie et de la terre ! Je ne suis pas scientifique !

Louise : aparté, petit cri de surprise Raphaël !

Le Narrapwet : Ah bah ça faisait longtemps, tiens, qu'on avait pas eu d'aparté. 'M'avait pas manqué.

Louise : L'inspiration venue d'en haut pourrait... venir plus facilement, j'imagine. Mais je suis athée.

Kenneth : Exactement. Les ougandais sont connus pour être des gens plutôt religieux (et c'est un euphémisme), d'où d'ailleurs leur devise : « For God and our country ».

Le Narrapwet : Pour les trois du fond qui parlent pas l'angliche, ça veut dire « pour dieu et la musique country ».

Kenneth : Alors je te laisse imaginer ce qui se passerait s'ils pouvaient entendre la parole de Dieu directement dans leur cerveau, sans passer par le filtre du crâne !

Le Narrapwet : En parlant de filtre, je me ferais bien un petit café ! Les actions qui suivent sont effectuées tranquillement, tout le long de la scène. Il dira ses répliques d'où qu'il soit. Le Narrapwet sort et revient avec une rallonge et une machine à café, puis se prépare un café. Lorsqu'il allumera la machine à café, il dira simplement « Désolé pour le bruit ! ».

Louise : Ils deviendraient des fanatiques, non ?

Kenneth : Que nenni ! Ils deviendraient des saints hommes.

Louise : Ah. Oui. Qu'importe puisque je suis athée ?

Kenneth : Et la sérendipité ?

Louise : À tes souhaits.

Kenneth : N'est-ce pas une chose extraordinaire ? Ne peut-on pas y voir la marque du Destin plutôt qu'un simple hasard ?

Le Narrapwet : Pluto, c'est le chien de Mickey !

Louise : Le destin est un salaud. Je préfère croire au hasard.

Kenneth : Un fieffé gourgandin, dis-tu ?

Louise : Oui. Pourquoi déciderait-il à l'avance de nos actes, de notre vie ? De quel droit ? Je préfère être libre, ou en tout cas le croire. Ainsi, notre rencontre fut le fruit du hasard. Tant mieux ! Nous aurions pu aussi très bien ne jamais nous rencontrer. C'eut été bien triste, mais c'est la vie.

Le Narrapwet : Mais la pièce n'existerait pas, et mon compte en banque s'en plaindrait, puisque je ne travaillerai pas ici ce soir. Et puis, la pièce a déjà été écrite, donc leur destin est tout tracé...

Kenneth : Je comprends ton point de vue.

Louise : aparté Il me comprend ! soupir sonore du Narrapwet.

Kenneth : Mais n'est-ce pas plus rassurant de se dire qu'une entité veille sur le déroulement de nos vies, et a voulu notre rencontre ? Qu'elle se nomme Dieu, Ahura Mazdâ ou Destin, d'ailleurs. Tout ferait alors sens...

Le Narrapwet : Là, en l'occurrence, c'est l'autrice qui veille sur eux. Il regarde autour de lui d'un air inquiet, puis dit, sur le ton de la confidence Et c'est une sacrée sadique !

Louise : Si, mais ça me semble trop simple. Ma mère est morte.

Kenneth : Condoléances.

Louise : Il est plus facile de se dire que c'est la faute du destin, plutôt qu'à pas de chance, car on peut l'insulter. Mais en réalité, sa mort aurait pu ne pas arriver.

Kenneth : Quand est-elle décédée ?

Louise : Hier. Non, elle vit encore, c'était pour l'exemple.

Le Narrapwet : Que tu crois...

Kenneth : Ah. On entend une sonnerie. Oula ! Comme le temps passe vite avec toi ! Dépêchons-nous de manger, nous allons être en retard ! Louise a un sourire béat après ''avec toi'' qu'elle ne quitte pas avant le noir.

Il n'en restera qu'unOù les histoires vivent. Découvrez maintenant