Sur un banc, dans un square

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Je me suis assis sur un banc l'autre jour.

Un banc sale, gris, à moitié délavé. Je venais de rabattre une mèche de cheveux derrière mon oreille puis j'avais allumé une cigarette ; une fumée opaque s'était échappée de mes lèvres sèches, puis elle avait disparue, très rapidement, emportée par une bourrasque.

Il faisait sombre dehors, des cumulus décrivaient des sortes de courbes dans le ciel, l'air était chargé d'humidité, et tout avait l'air plus lourd ; mon corps sur le banc semblait peser une tonne : je m'enfonçais dans la terre jusqu'à ce que la racine de ma tête ne soit recouverte.

Je sombrais dans le ventre de la planète, dévorée par la nature.

– Je peux t'en taxer une ?

C'était une voix suave, glissante, un courant de délicatesse qui avait fait frissonner mon échine. J'avais regardé mon interlocuteur...

Une impression de déjà-vu...

C'était lui.

Le jeune homme du métro.

La sensation était étrange, j'avais l'impression de le connaître pourtant je ne l'avais vu que quelques fois. Les deux mondes que j'avais séparé se mélangeaient l'un avec l'autre.

Il me fit un grand sourire ; je ne parvint pas à lui répondre (il faisait trop froid). Ce sourire me donna la sensation fugace d'être appréciée par quelqu'un, cela me flatta.

– Je t'en prie.

Je lui avais tendu mon paquet.

– On ne s'est pas déjà vu ? Demanda-t-il (je savais qu'il posait la question par convenance).

– Le métro.

– C'est ça.

Il n'avait pas besoin d'ajouter quoi que ce soit. Sa voix avait déjà conquis mon corps ; c'était une onde de choc qui s'était accordée à la mélodie de mon âme ; je me voyais victime d'un désir indescriptible, naissant comme un bourgeon timide au printemps ; un désir que l'on ne se permet pas de comprendre, le laissant nous traverser avec une  exaltation hors du commun.

Ses joues étaient rougies par ce froid mordant.

– Tu aimes quoi ?

– Le rose.

– Le rosé ?

– Non, la couleur. Enfin, le rosé aussi...

Je n'avais rien compris, mais j'avais aimé son rire gêné qui avait suivi ma phrase.

Sirop bleu [taekook] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant