Sirop bleu [taekook]

A gauche d'une porte bleue

Ma sœur parlait avec ce jeune homme, devant notre immeuble :

« Ma mère, elle en a fait pleins des crises avant, mais jamais jusqu'au point d'aller à l'hôpital. Ma mère... c'est une femme bien j'pense. Elle a eu tout le temps des choses qu'elle voulait pas trop, tu vois. Pour exemple mon père. C'était un con celui-là, et un beau. Il était charmant, avec une aura, tu vois. Il dégageait un parfum que tout le monde aimait, un sourire que tout le monde aimait. Tout le monde l'aimait. Pourtant, dès qu'il rentrait à la maison il se mettait à picoler grave. Je le vois encore en train d'enchaîner les verres et ma mère qui venait me voir, moi et Jungkook pour nous dire d'aller faire dodo. Dans ces cas-là, on montait notre couverture jusqu'en haut des oreilles et on serrait les paupières très fort. Je sais pas comment il était ces soirs-là. »

Ma sœur s'arrêta un instant, et il lui demanda de continuer. Elle reprit :

« Une fois, j'avais très envie de faire pipi alors je me suis discrètement rendue aux toilettes. C'était juste la porte d'à côté de notre chambre. J'ai entendu des hurlements qui me font encore frissonner. Jamais j'aurais pu penser que mon père pouvait crier comme ça. Ma mère a perdu son boulot un peu après que mon père nous a quittés. En vrai, j'étais pas du tout proche de mon père. C'est pas que je l'aimais pas tu comprends, c'est juste que y a des gens avec qui ça passe, d'autre avec qui ça passe pas. Du coup on a vraiment galéré à cette période. Heureusement elle a rencontré cette dame, je me rappelle plus de son nom. Tu vois, dans la vie, y a des gens qu'on rencontre et on se demande pourquoi c'est nous qui avons eu la chance de les rencontrer. Ma mère c'est quelqu'un de bien j'pense. Elle est de ces gens-là. Mais, comme je disais, elle a pas vraiment eu de chance dans la vie. Je sais pas exactement ce qu'elle a mais elle est malade. Si tu veux vraiment savoir ce qu'elle a, faut demander à Jungkook, moi je sais pas, maman dit que j'ai pas à savoir. »

Je le voyais, d'un air angélique, sourire à ma petite sœur. Mon cœur battait la chamade. Il se tourna vers moi lorsque mes pas se firent de plus en plus pressants. Dans la prunelle de ses yeux, je remarquai une étincelle qui scintillait. Une de ces taches dorées qui irrigue une partie de l'iris.

Je m'approchai d'eux. Ma main vint enrober les épaules de ma petite sœur. Pour réponse, elle déposa un léger baiser dans mon cou puis s'échappa dans l'immeuble, le laissant seul avec moi.

Je peux te proposer un verre ? Aller danser dans un décor de rêve. Avec des paillettes partout. Tu vois, faire la fête. Tu comprends ? Je te vendrais du rêve, avec mon décolleté plongeant. Tu vois hein ? Ce que je veux dire ? Tu comprends tout ? Je serais beau. Une déesse peinte de rouge. Le rouge de tes lèvres que j'ai envie d'épouser.

Je ne disais rien. Ma bouche esquissa un mouvement, pourtant aucune parole ne daigna en sortir. Il me prit par la main. Je fermai les yeux en me laissant emporter par le contact de sa paume. Mes peines laissaient peu à peu ma poitrine respirer.

Nous valsions, seuls, dans cette rue vide encadrée d'arbres verts. Sa tête partit en arrière et son rire se déployait dans ma tête, il ricochait ; je restai sur place. Il s'arrêta ; je tournai autour de lui. Il se colla à moi puis me regarda.

– Appelle-moi Taehyung.