À partir de ce jour-là, Guillaume ramena souvent Aurélien chez lui en vélo. Ils avaient réussi à réparer celui du plus jeune mais il aimait bien la sensation qu'il ressentait lorsqu'Aurélien se tenait à lui pour ne pas tomber quand il le ramenait. Ils avaient décidé d'étudier chez ce dernier plutôt qu'à la bibliothèque du lycée et Guillaume se rappela en souriant du petit air gêné d'Aurélien quand il lui avait dit qu'ainsi il pourrait parler à son aise et que lui ça lui ferait plaisir d'entendre sa voix. Il l'avait rapidement invité à venir manger avec lui et ses potes et ceux-ci avaient été surpris au début. Ils lui avaient demandé une fois seuls à quoi il jouait et il avait répondu après avoir haussé les épaules À rien, j'l'aime bien c'est tout. Je vous l'ai déjà dit, non ? Il passait beaucoup de temps avec Aurélien et avait même commencé à l'appeler Orel, surnom qu'il avait trouvé et que ce dernier lui avait dit beaucoup aimer. Guillaume se mit à penser qu'il aimait en apprendre toujours davantage sur lui et cela lui faisait bizarre d'enfin se laisser approcher par quelqu'un d'autre que ses potes après tant d'années.
***
En ce moment, ils étaient chez Aurélien en train de revoir un exercise de maths et Guillaume se dit qu'il y avait encore une chose qu'il n'avait pas élucidé. C'était sa famille et plus particulièrement sa grand-mère. Il était perdu dans ses pensées lorsqu'il sentit la main d'Aurélien se poser sur son avant-bras avec douceur et quand il se tourna vers lui il croisa son petit regard soucieux.
« Ça ne va pas ? lui demanda Aurélien d'une voix inquiète.
— Si... Si, tout va bien, le rassura-t-il en lui souriant. J'étais seulement en train de penser à quelque chose.
— Quelque chose ? demanda Aurélien timidement. Tu veux m'en parler ?
— C'est que... C'est à propos de toi, dit Guillaume en se passant une main sur la nuque, espérant cacher ainsi son embarras.
— À propos de moi ? répéta Aurélien en fronçant les sourcils. Dis-moi alors. Tu peux tout me demander... Je te répondrai, dit-il d'une voix douce.
— C'est que... Je me demandais... pourquoi tu parlais avec ta grand-mère, balbutia Guillaume. Je veux dire... elle a l'air de comprendre la langue des signes, non ? Et... pourquoi tu vis avec elle...? Où sont tes parents ? »
Il vit un voile de tristesse recouvrir subitement le visage d'Aurélien lorsqu'il parla de ses parents et il se mordit la langue en le voyant baisser la tête.
« Orel, je... dit Guillaume précipitamment avant de se rappeler qu'il ne pouvait pas l'entendre alors il posa une main réconfortante sur son avant-bras afin de presser celui-ci légèrement. Orel, je suis désolé... Si tu n'as pas envie d'en parler il n'y a aucun problème, dit-il en lui souriant d'un sourire qu'il espérait bienveillant quand le plus jeune eut relevé la tête.
— Je... commença Aurélien en balbutiant. Je suis pas né comme ça, dit-il en montrant le dispositif dans son oreille gauche qui lui permettait de mieux entendre. Quand j'avais sept ans... j'ai eu un accident de voiture avec mes parents. Il y a eu un gros choc et la dernière chose dont je me souviens avant de m'être évanoui... c'est d'avoir entendu un bruit lancinant... qui me vrillait le cerveau. Je pense que c'était le choc dû à l'accident mais... quand je me suis réveillé à l'hôpital... mamie était là et quand elle m'a parlé je me suis rendu compte que j'avais du mal à entendre ce qu'elle me disait. Les médecins m'ont dit que... balbutia le plus jeune en fouillant dans ses souvenirs. Ils ont dit que j'allais devoir être un petit garçon très courageux... et ils m'ont expliqué que mes parents n'avaient pas survécu à l'accident... Et... »
Guillaume vit les larmes lui monter aux yeux et il pressa un peu plus fort son avant-bras alors qu'il ressentant son cœur se serrer dans sa poitrine.
« Ils m'ont dit qu'ils avaient appelé ma grand-mère et que j'allais aller vivre chez elle. Mamie m'a pris dans ses bras quand elle est arrivée et elle a pleuré... de soulagement... ou de tristesse, je ne sais pas... Ils m'ont fait faire des tests et ont compris que mon audition avait été gravement touchée. Ils m'ont expliqué que j'étais en train de perdre petit à petit le peu d'audition qu'il me restait et qu'un jour sûrement je perdrai complètement cette dernière. J'ai emménagé chez mamie et dès le départ, même s'il elle a appris à signer... comme moi j'ai dû l'apprendre... elle m'a demandé de toujours lui répondre en parlant en même temps que je signais. Pour pas que j'oublie. Elle, elle ne signe pas toujours afin que je me concentre sur la forme des mots quand elle me parle. Elle veut que je me rappelle de comment on prononce les mots. Mais... mais un jour, j'oublierai... dit Aurélien d'une voix paniquée, les larmes aux yeux. C'est à peine si je me souviens de ma voix... Des différentes intonations qu'il faut prendre pour faire passer une émotion... Je... J'y arriverai pas...
— Orel... dit Guillaume en plaçant ses mains autour du visage du plus jeune pour qu'il le regarde. Tu vas y arriver. Tu n'oublieras pas. »
Il le prit dans ses bras et le serra fort contre lui.
« Tu sais ce que j'aimerai que tu fasses ? lui dit-il à l'oreille et il le sentit secouer la tête dans son cou. J'aimerai que tu m'apprennes à signer. »
Le plus jeune se redressa à cette déclaration et lui jeta un regard interrogateur.
« À signer ?
— Oui. C'est pas avec les cours de dix minutes par jour de l'intervenante que je vais réussir à apprendre. Je veux être capable de te parler ainsi.
— Mais... C'est plus facile pour toi que je lise sur tes lèvres, non ?
— Oui mais pas pour toi. Et je veux être capable de te parler de toutes les manières possibles. Et toi, continue de me parler. Je veux entendre ta voix, ok ?
— D-D'accord, bégaya Aurélien et Guillaume lui sourit tendrement avant de passer ses pouces sous ses yeux pour sécher ses larmes.
— Ne pleure pas, s'il-te-plaît. Tout ira bien, je te promets. »
Aurélien lui sourit faiblement avant de se frotter les yeux et il glissa une main dans ses cheveux après avoir discrètement caressé sa joue :
« Voilà... murmura-t-il. Tu es vraiment un garçon très courageux, Orel... »
Celui-ci enleva ses mains de ses yeux et le regarda, lui demandant silencieusement s'il avait dit quelque chose. Guillaume sourit et secoua la tête. Rien, j'ai rien dit. Tout va bien.
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Fiction OrelxGringe - A Silent Voice.
De TodoLorsque le nouvel élève malentendant se fait embêter par ses camarades de classe, Guillaume, qui pensait au départ ne pas vouloir s'impliquer dans quoi que ce soit par rapport à lui, comprend qu'il ne lui sera pas possible de ne rester qu'un simple...