Chapitre 7 - Une jalousie excessive.

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Les semaines qui suivirent Guillaume se rapprocha de plus en plus d'Aurélien. Ils étaient presque toujours ensemble à présent lorsqu'ils étaient dans l'enceinte de l'école et il le ramenait presque toujours chez lui après les cours. Il passait le plus clair de son temps avec le plus jeune et il apercevait souvent les regards en coin que lui jetaient les trois demeurés de la classe. Lorsqu'il croisait leurs regards il leur lançait un regard menaçant qui les poussait à aussitôt regarder ailleurs. Ses potes à lui commençaient à comprendre que désormais Aurélien serait presque toujours de la partie et ceux-ci semblaient commencer à s'en foutre un peu. Au début ils étaient réticents, trouvant cela bizarre de traîner avec un garçon qui ne parlait pas, mais maintenant Guillaume savait qu'ils avaient fini par l'apprécier. Ce n'est pas pour autant qu'ils essayèrent d'apprendre la langue des signes afin de pouvoir communiquer avec Aurélien, contrairement à lui. Non, ses amis se contentaient simplement de demander à Guillaume de traduire lorsque le plus jeune signait quelque chose. Parce que lui s'y était vraiment mis. Aurélien lui apprenait petit à petit des mots entre chaque cours et dès qu'ils avaient un petit moment de libre. Il était même le premier à le lui demander dès qu'il y avait un trou dans son emploi du temps. Ou dès qu'il voyait un objet et qu'il se demandait Eh, comment ça se dit ça ? Au début, on ne va pas s'en cacher, c'était compliqué de tout retenir. Mais petit à petit il avait vu que sa mémoire devenait plus forte et qu'il avait moins de difficultés. La mémoire est un muscle qui a besoin qu'on l'entretienne, avait-il lu quelque part un jour. Et c'est ce qu'il faisait désormais. À part lorsqu'ils étaient avec Matthieu et Ablaye, Aurélien ne se servait plus du carnet, lui parlant directement et ne ressentant presque plus aucun embarras à lui faire entendre sa voix un peu hésitante autour des mots. Guillaume avait été étonné tout d'abord de voir qu'il parlait pratiquement normalement, avec seulement quelques petites hésitations dans les liaisons ou les intonations. Maintenant qu'Aurélien lui avait expliqué son accident et qu'il savait qu'il était né entendant, comme lui, ça lui semblait logique. Il ne pensait pas qu'un jour Aurélien puisse oublier comment on prononce les choses, ça ne lui paraissait pas possible. Mais qu'est-ce qu'il en savait au fond ? C'est pour ça qu'il voulait, comme le voulait Janine, qu'Aurélien parle le plus possible avec lui. Afin de pratiquer. Il lui demandait souvent de signer en même temps quand il lui parlait comme ça lui, il pouvait pratiquer de même de son côté. Aurélien refusait catégoriquement de parler devant ses amis, lui répétant qu'il avait honte de comment sa voix pourrait sortir. Il lui disait qu'il avait confiance en lui pour pas se moquer de lui mais qu'il ne connaissait pas assez ses amis pour faire pareil avec eux. Donc, lorsqu'Aurélien lui signait quelque chose au lieu de l'écrire et que ses potes lui demandaient ce qu'il venait de dire, il traduisait. Et d'autres fois, il ne le faisait pas. Ainsi, ils pouvaient discuter entre eux ou se faire passer des messages sans que personne d'autre ne les comprenne. C'était leur bulle à eux, leur jardin secret, et personne ne pouvait y entrer.

***

Guillaume s'était inscrit dans un cours de sport après les cours dans l'enceinte du lycée. Il faisait du football deux fois par semaine à présent et des fois, comme ce jour-là, Aurélien l'attendait en allant à la bibliothèque. Alors quand il sortait ils se retrouvaient devant la grille du lycée et il le raccompagnait chez lui sur son vélo. De temps en temps il restait même manger le soir chez le plus jeune avant de rentrer dormir chez lui. Il avait beaucoup parlé avec sa grand-mère depuis la première fois et avait appris d'autres choses sur Aurélien que ce dernier ne lui avait jamais dit. Comme le fait qu'il avait fait des cauchemars pendant de longues années, se réveillant inlassablement en sursaut et en pleurs avant que ceux-ci ne disparaissent petit à petit. Comme le fait qu'il avait refusé pendant longtemps de parler, même à elle, persuadé que ce qui sortirait de sa bouche serait ridicule. Comme le fait qu'il n'arrivait jamais à se faire de vrais amis malgré le fait qu'il essaye vraiment de s'intégrer ces dernières années à chaque rentrée des classes. Comme le fait que le directeur lui avait fait sauter une classe a la fin de la sixième en voyant à quel point il était en avance sur les autres. En fait, c'était dû au fait qu'il avait été scolarisé trois ans à la maison et avait déjà attaqué le programme de sixième. Il n'en avait pas eu envie mais le directeur avait insisté et Janine avait cédé. Bien sûr, Janine lui avait raconté tout ça lorsqu'Aurélien n'était pas là, s'absentant aux toilettes ou allant chercher quelque chose dans sa chambre...

Et Guillaume aimait Janine, il l'adorait même. Elle était toujours joviale et de bons conseils. Elle ne le considérait pas comme un gamin et rigolait souvent avec eux. Il voyait à quel point elle était importante pour Aurélien et à quel point elle l'avait aidé à se construire. À quel point elle avait fait de son mieux pour qu'il grandisse en ne manquant pas d'amour et d'attention malgré la perte de ses parents. Il le voyait dans ses yeux et à son comportement à quel point elle aimait son petit-fils. Et c'était pareil pour Aurélien. Il le voyait dans ses yeux à quel point il aimait sa grand-mère. Et des fois, juste des fois, il se disait que c'était ça ce qui lui manquait. Une personne qui l'aimerait à tel point que ça se verrait lorsque cette dernière le regarderait. Il n'avait jamais eu ce genre de relation avec ses parents et il se demandait si un jour il regarderait quelqu'un ainsi lui aussi, par amour. Il s'était même pris à se demander ce que ça lui ferait si Aurélien se mettait à regarder quelqu'un d'autre que sa grand-mère ainsi devant lui. Parce que là c'était normal, c'était sa seule famille. La personne qui l'avait accompagné dans la vie. Mais s'il se mettait à regarder une fille... ou un garçon, un beau jour ainsi ? S'il tombait amoureux et que la relation d'amitié qu'ils avaient construit petit à petit s'évanouissait alors dans les airs ? S'il se passait de lui au profit de quelqu'un d'autre ? La réponse qui lui était apparut lui avait fait l'effet d'une claque. Il en serait jaloux. Il se sentirait délaissé. Parce que oui, il était devenu dépendant d'Aurélien et il osait espérer, un peu inconsciemment sûrement, que ce dernier ressentait la même chose pour lui. Il osait espérer qu'Aurélien se sentait dépendant de lui de même et qu'il lui était devenu indispensable. Il s'était immédiatement sentit coupable de penser ainsi, se disant qu'il n'avait aucun droit de demander ça de lui, que ce n'était pas le fonctionnement d'une amitié réelle et qu'il ferait mieux d'oublier ces pensées étranges et cette envie de possession malsaine.

Et puis Aurélien se tournait vers lui, lui souriant d'une manière qui le faisait fondre intérieurement, et il se disait en ravalant toutes ses bonnes résolutions : Non. Je m'en fous. Je veux le partager avec personne.

Fiction OrelxGringe - A Silent Voice.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant