L'accident

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Cela ne faisait que quelques jours que l'équipe travaillait. Le groupe s'autorisait parfois, un repas à l'extérieur d'I.G. Corp. Ils déjeunaient dans un des nombreux restaurants de la ville.

Ce jour était de ceux-là.

Jérémy conduisait le véhicule de la société, une Kibernia semi-autonome. Alicia et François quant à eux, discutaient à bâtons rompus sur des sujets divers. Le jeune homme sur le siège passager, la jeune femme sur la banquette arrière.

Torsten Westman le directeur de l'agence, les accompagnait de temps à autre. Cela avait permis à l'équipe d'apprécier la bonne humeur du dirigeant, par ailleurs actionnaire principal de leur aventure.

Assis à l'arrière avec Alicia, il lança une conversation sur les robots dont souhaitait s'équiper la police de Dubaï. Cela eut pour effet d'enflammer ses employés.

— Que pensez-vous de l'arrivée de ces robots policiers ?

Derrière son volant, Jérémy répondit du tac-o-tac :

— De bonnes choses évidemment Monsieur. Une aide précieuse pour les forces de l'ordre. Vous imaginez les économies sur les salaires et la disponibilité 24/7 de ces employés mécanisés ?

— Tu m'aurais dit autre chose, j'aurais sauté de la voiture, répondit François les sourcils froncés.

— Et vous Alicia, demanda Westman en se tournant vers elle.

— Ce n'est pas l'outil qui pose problème Torsten, ce sont les intentions de celui qui l'utilise. Même un drone armé ne me pose pas de problème tant qu'il a suivi les procédures pour éviter d'activer ses armes et que c'est un humain qui appuie sur la détente. Non, c'est l'automatisation de l'armement qui me pose problème.

— Carrément, enchaîna François. Quand tu vois qu'on ne sait toujours pas ce que fera un véhicule autonome quand un enfant traversera la rue en courant et aura le choix entre deux possibilités : sauver la vie de l'enfant en faisant un écart, au risque de tuer son utilisateur, ou écraser l'enfant pour sauver l'utilisateur.

Sans quitter la route des yeux, Jérémy ne se fit pas prier pour lui répondre :

— Évidemment qu'il sauvera son utilisateur. Personne ne paiera une voiture si c'est pour être tué à la place d'un gamin qui traverse sans regarder. Et puis quoi, c'est ça la sélection nat...

Soudain, alors que le conducteur venait d'emprunter la bretelle de sortie qui les faisait quitter la ville, la voiture freina d'un coup sec. Si fort que les pneus laissèrent une traînée noire sur le bitume dans un crissement saccadé et aigu.

— Jérém ! cria Alicia. Qu'est-ce que tu fous bordel ! T'as vu un truc sur la route ?

— J'sais pas c'qui s'est passé, me regardez pas co...

Jérémy s'était retourné pour faire face à Alicia et s'arrêta net dans sa phrase. Un camion arrivait à toute allure sur eux.

Derrière eux, la vitre se fracassa. Le poids lourd qui sortait lui aussi de la voie rapide, les envoya s'encastrer contre la glissière de sécurité, comme une boule de billard qui en percute une autre de plein fouet.

Les airbags se déclenchèrent immédiatement. Les appuis-tête empêchèrent la nuque du chauffeur et du passager de se briser.

La tôle froissée qui se déchirait violemment fit un bruit terrible tandis que le verre en explosant, envahi l'habitacle.

Le pare-chocs et la glissière de sécurité se mêlèrent l'un à l'autre comme deux blocs de pâte à modeler dans les mains d'un enfant. Ce second choc envoya les occupants, encore attachés par leurs ceintures de sécurité, contre les ballons blancs sortis du tableau de bord.

Des quatre occupants, seule Alicia qui ne s'était pas évanouie, les yeux mi-clos, vit le chauffeur du camion les bras levés au ciel s'agiter autour de la voiture en criant. Avant de sombrer dans l'inconscience, elle vit aussi la tête de Westman former un angle étrange. Puis ce fut le noir, pour elle aussi. Aucun d'eux n'entendit les secours arriver.

***

Assis sur un banc dans un des nombreux parcs urbains de la ville, un homme regardait le point rouge disparaître de l'écran de son smartphone.

Une notification lui confirma le virement de dix mille euros, son paiement pour avoir désactivé la sécurité informatique de la voiture des employés du Studio.

Il ne savait pas ce qui s'était passé, mais son travail était de pirater des systèmes informatiques, pas de s'occuper des conséquences.

Il sortit son sandwich de son sac et l'engloutit sereinement.

Avant de prendre la route qui le mènerait à son poste de travail, l'homme fit un détour et cassa son téléphone avant de le jeter dans une poubelle publique. Pas de traces.

— Bonjour Monsieur, le salua le gardien qui préparait ses affaires avant la relève. Vous n'avez pas déjeuné avec les autres ?

— Pas le temps, Séb... Trop de boulot.

Nouvelle conscienceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant