Ils avaient tenté de suivre les traces de Coline, mais ses pas dans la poudreuse s'estompèrent bien vite sous des flocons de plus en plus lourds.
Ayant abandonné les deux brigands quelque part, ils s'étaient enfoncés profondément dans la forêt, qui de plus en plus était dense et difficile à traverser.
De plus, le vent qui jusque là se contentait de gonfler de plus en plus était à présent si fort que le champ de vision des deux voyageurs ne dépassait pas les quinze mètres, aveuglés par la tempête de neige qui se formait.Le bras blessé de Taan était rendu inutilisable par le froid qui mordait à pleines dents sa chair nue et ouverte, la faible cotte de mailles ne protégeait pas non plus Xelios, boitant et titubant, des douloureux crocs de l'Hiver. De plus, il s'était brisé la voix à force de demander pardon à une Coline qui, de toutes évidences, ne l'avait pas entendu.
Le soleil se couchait, ce qui ne se traduisait dans leur cas que par des ténèbres se mêlant à la tempête. En un mot comme en mille: ils étaient perdus dans le froid, la forêt, et bientôt dans la nuit.
Ils errèrent ainsi, chacun épaulant l'autre, à la recherche d'un chemin, d'une grotte, d'une lampe, de quoi que ce soit qui pourrait leur être d'une quelconque utilité dans leur désavantageuse situation. Les branches noires giflaient leurs visages frigorifiés aussi bien que les éclats de glace qui fusaient depuis les cieux. Ils ne tenaient que grâce au soutien de l'autre, si bien qu'un dernier trébuchement de la jambe meurtrie de Xelios les précipita tous deux dans la neige, où la conscience les abandonna.
« Parlez-vous mes mots ? »
Les lourdes paupières de Xelios se rouvrirent, hésitantes et sensibles à la lumière, pourtant faible, d'une chaleureuse bougie. Le rustique luminaire éclairait les murs de bois recouverts de nombreuses tapisseries sobres de ce qui semblait être l'intérieur d'une caravane marchande. L'aventurier se sentait comme dans un étrange rêve, et crut un instant que le blizzard qu'il entendait à l'extérieur de l'abri était encore en train de l'éteindre lentement dehors.
« Vous êtres réveillé ? demanda un homme, manifestement le propriétaire du lieu ainsi que son généreux salvateur. Il y avait dans sa voix ainsi que dans les traits de son visage un fort accent étranger, sans doute venant des contrées du Sud.
Parlez-vous mes mots ? répéta-t-il, ramenant Xelios à lui.- Oui, souffla-t-il en se redressant lentement sur le lit aux draps rafistolés et très colorés dans lequel son hôte miséricordieux l'avait placé. Un lit double, d'ailleurs, mais il ne s'en rendit compte qu'en heurtant les lattes soutenant le matelas d'au dessus avec son crâne.
- Je pas bien parler mots de vous. », tenta de s'exprimer le miséricordieux avec de grands gestes pour accompagner ses paroles. Vêtu d'une tunique épaisse de fourrure noire, un large col de duvet blanc entourait son cou, et des manches bouffies donnaient à ses bras une allure à la fois forte et maladroite. Ses cheveux poivre et sel étaient lissés et plaqués en arrière, encadrant un visage fin marqué d'un nez aquilin et de deux petits yeux noirs et enfoncés.
Avant que Xelios n'aie le temps de le remercier ou de lui demander où était sa compagne, la porte de la caravane s'ouvrit, laissant entrer un instant le froid ainsi qu'une femme rousse et volcanique, qui enleva ses grosses bésicles d'hiver et déposa une petite pierre orangée sur un coffre plein à craquer de tissus divers.
Elle portait une robe lourde, en fait plusieurs robes les unes sur les autres pour contrer le froid, chacune d'une couleur différente. Une épaisse chevelure rousse dans laquelle de nombreux flocons fondants étaient prisonniers ondulait jusqu'en bas de sa taille.
Les deux étrangers s'échangèrent quelques mots dans leur langue, chantante et exotique, puis l'homme se leva et partit, non sans appeler du doigt une pie au plumage aussi noir et blanc que lui, qui se posa sur son poing fermé alors qu'il refermait la porte derrière lui.« Bonjour ! s'essaya également l'étrangère, d'une langue plus sûre mais toujours aussi marquée par la barrière des cultures.
Votre amie et vous avez eu de la chance que nous passions par là, ajouta-t-elle en déposant au sol un adorable renardeau qui logeait son museau dans la paume de sa maîtresse pour recevoir plus de caresses.
Encore quelques temps et ç'auraient été les lobos qui vous trouviez...- Mon amie, peina à articuler le secouru. Il n'eut pas besoin d'en dire plus, sa sauveuse pointa le lit d'au dessus avec un sourire réconfortant.
Merci, rendit-il avec un sourire également.- Mon esposo et moi allons à Roylébois, pour la fête. Vous aussi ?
- En quelque sorte...
- Vous pouvez faire sortir votre Alebrije, informa l'hôte sans expliquer ce qu'était un "Alebrirè". Elle se rattrapa, devant le regard confus du réfugié, et chercha le mot dans sa tête.
C'est vrai que vous avez un mot compliqué, vous autres de Frangallia... votre espíritu, votre...
Elle abandonna ses recherches pour ramasser son renardeau et le placer sur ses genoux. Xelios rassembla enfin les idées entre elles; elle devait sans doute parler des Totems.Il s'apprêta à faire sortir Tim, sa fidèle Xénope, mais le souvenir de la martre noire du hameau de Veille lui revint. Peut-être ces étrangers étaient-ils les sorciers qu'il traquait ?
Devant une hésitation un peu longue, la rousse soupira, puis afficha un petit sourire triste.
« Ce n'est pas grave, je sais ce que vous pensez. Una urraca ladrona y una zorra ? Comment vous dites... une... "Pied voleuse" ? Quels sont vos mots ? s'enquit la femme, perdue dans sa langue.- Une pie voleuse ?
- ¡ Sí ! Une pie voleuse et une zorra, ensemble ? Voilà des brigands ou des desperados ! Je vous comprends, même par chez nous, tout le monde a peur. On a des... des Totèms ? Des Totèms maudits, ils donnent la crainte.
Même si vous ne voulez pas le montrer, quel est votre Alebrije ? Je ne vous jugerai pas sur le vôtre, je sais ce que ça fait d'être comparé à l'image de son espíritu...Xelios tira son crapaud hors de sa cotte de mailles, qui se posa sur le drap en observant l'intérieur douillet avec ses yeux globuleux.
- Fantastique ! Et celui de votre esposa, en haut ?
- Ah, ce n'est pas ma... non, pas du tout. Elle est bien trop fière pour ça...
- Lo siento, je ne voulais pas...
- Non, ce n'est pas grave. Je dois vous avouer que j'aimerais bien lui dire, mais... je n'ai pas le courage.
- Ah, el Amor, el Amor ! gloussa-t-elle en se levant.
Je dois vous laisser vous reposer, il fait tard. Buenas noches, hum... votre nom ?- Xelios. Et vous ?
- Isadora, l'ami !
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Adventotem
FantasyDans le pays de Frangallia ainsi que dans les autres, tous naissent avec un animal Totem, qui lui donne sa force et offre sa magie. Certains naissent avec un rat, d'autres avec un lion; et là où certains sont accompagnés de chimères légendaires, d'a...