2

1.1K 98 21
                                    

Je regardais fixement cet étrange garçon, qui avait exactement le même âge que moi, comme s'il était venu d'un autre monde. Les Bakugo faisaient partie de notre histoire. Il est vrai que leur château, situé entre Kobe et Osaka, était en ruine et que ses tours détruites laissaient à nu le cône de la montagne, mais leur célébrité était encore vivace.

Et là, à quelque cinquante centimètres de moi, était assis un membre de cette illustre famille, partageant la même salle que moi, sous mes yeux observateurs et fascinés. Le moindre de ses mouvements m'intéressait : sa façon d'ouvrir son cartable ciré, celle dont il disposait, de ses mains blanches ( si différentes des miennes, maladroite et tâchées d'encre ), son stylo et ses crayons bien taillés, celle dont il ouvrait et fermait son cahier. Tout en lui éveillait ma curiosité : le soin avec lequel il choisissait son crayon, sa manière de s'asseoir et celle de passer sa main dans ses cheveux blonds cendrés. Je ne relâchait mon attention que lorsque, comme tous les autres, il commençait à s'ennuyer et s'agitait en attendant la cloche de la récréation entre les cours. J'observais son fier visage aux traits ciselés et, en vérité, nul adorateur n'eût pu contempler plus intensément ou être plus convaincu de sa propre infériorité. Qui donc était-je pour oser lui parler ? Que pouvais-je donc, moi, fils d'un chirurgien, petit-fils et arrière-petit-fils d'une lignée de petits commerçants et de marchands de bestiaux, offrir à ce garçon aux cheveux d'or dont le seul nom m'emplissait d'un tel respect mêlé de crainte ?

Comment, dans toute sa gloire, serait-il capable de comprendre ma timidité, ma susceptible fierté, ma peur d'être blessé ? Qu'avait-il, lui, Bakugo Katsuki, de commun avec moi, Kirishima Eijiro et mon alter de Durcissement, dépourvu d'assurance et de grâce mondaine ?

Chose étrange, je n'étais pas le seul à éprouver de la nervosité à lui parler. Presque tous les autres semblaient l'éviter. Généralement grossiers en paroles et en actions, toujours prêts à s'interpeller par des noms déplaisant ( Punaise, Saucisse, Cochon, Tête-de-lard ), se bousculant avec ou sans provocation, tous étaient silencieux et gênés en sa présence, lui laissant le passage chaque fois qu'il se levait et où qu'il allât. Ils semblaient, eux aussi, être sous un charme. S'il l'un de nous osé paraître comme Bakugo, il se fût exposé à un ridicule sans merci. On eût dit que Shota Aizawa lui-même craignait de le déranger.

Autre chose encore. Ses devoirs du soir étaient corrigés avec le plus grand soin. Là où Aizawa se bornait à écrire en marges de mon cahier brèves remarques, telles que "Mal construit", " Que signifie ceci ?" ou " Pas trop mal " , " Moins de négligence, s'il vous plaît ", son travail à lui était corrigés avec une profusion d'observations et d'explications qui devaient avoir coûté à notre professeur nombre de minutes de corvée supplémentaires.

Il paraissait ne pas se soucier d'être abandonné à lui-même. Peut-être en avait-il l'habitude. Mais il ne donnait jamais l'impression de morgue ou de vanité ni du moindre désir conscient d'être différent des autres élèves, à une exception près : à notre encontre, il était toujours extrêmement poli, souriait quand on lui parlait et tenait la porte ouverte lorsque quelqu'un désirait quitter la salle. Et pourtant, les garçons semblaient avoir peur de lui. Je ne puis supposer que c'était le mythe des Bakugo qui, ainsi que moi, les rendaient timides et les embarrassait.

Une semaine après son arrivée, je vis les " Caviar de la classe" l'approchait. Trois garçons, Todoroki ( Alter : Feu et Glace ), Midoriya ( Alter : One for All ) et Iida ( Alter : Engine ), étaient connus sous se nom parce qu'ils faisaient bande à part dans la conviction qu'eux seuls parmi nous étaient destinés à faire carrière dans le monde. Ils allaient au théâtre et à l'Opéra, lisaient Baudelaire, Rimbaud, parlaient de paranoia et bien entendu, s'admiraient mutuellement.

Le père de Iida était un riche industriel et ils se réunissaient régulièrement chez lui, où ils rencontraient quelques acteurs et actrices et on leur donnait la permissions de fumer et ils appelaient les actrices par leur prénom.

Après avoir décidé à l'unanimité qu'un Bakugo serait une aubaine pour leur coterie, ils l'abordèrent, non sans agitation. Iida le moins nerveux des trois, l'arrêta comme il sortait de la classe. Il bredouilla quelque chose à propos de " notre petit salon ", de lectures de poèmes et qu'ils seraient honorés s'il voulait se joindre à eux.

Bakugo, qui n'avait jamais entendu parler du Caviar, sourit poliment, dit qu'il était terriblement occupé " pour le moment ", et laissa les trois frustrés.

Une amitié impossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant