Chapitre 5 : Les retrouvailles d'une peste et d'un duc : Aaron

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Pressentiment, définition du dictionnaire : nom masculin, sentiment confus de connaitre à l'avance un événement, de savoir ce qui va se produire.

Et je sais pertinemment ce qui va se produire lorsque mon vieil ami m'ouvre la porte, me gratifiant d'un chaleureux sourire et d'une bourrade amicale que je lui rends volontiers. Je suis heureux de le voir aussi satisfait de sa vie de famille. Lorsque David m'a confié il y a quelques années qu'il souhaitait épouser Savannah, je n'ai pas été très surpris. C'est une ravissante jeune femme, quelque peu ennuyeuse sur les bords mais infiniment gentille et qui semble follement éprise de lui. Leur histoire est clichée, vue et revue mais je la trouve quand même touchante malgré les commérages dont ils font les frais. Le patron beau et sexy qui s'entiche d'une employée. Où est l'originalité ? Nulle part mais qui sommes-nous pour juger l'amour entre deux personnes enamourées l'une de l'autre ? A la fin de la journée, ils sont enchantés de se retrouver et c'est tout ce qui compte, alors au diable les préjugés, les gens auront toujours quelque chose à dire.

- Je suis ravi que tu sois là, me lance mon ami en m'invitant à passer le pas de la porte.

- Merci, répondis-je brièvement en retirant mes chaussures et mon manteau.

- Aaron ! s'écrie joyeusement Savannah en m'étreignant. Je suis tellement contente que tu sois là, tu ne viens jamais.

- Tu as l'air en forme, lui dis-je dans un sourire. Et félicitations.

- C'est un petit garçon et il adore manger, annonce fièrement David malgré son refus initial d'avoir un autre enfant.

- On l'appellera Chase, m'informe Savannah en me trainant jusqu'au salon. J'espère qu'il ne sera pas aussi énergique que sa sœur.

- Elle ne dort jamais, m'explique mon ami devant mon air suspicieux. Je ne sais pas d'où elle peut tenir cette énergie.

Je ricane, acceptant volontiers le verre d'eau fraiche qu'elle me tend. Je m'affale sur le canapé, étouffant un grognement satisfait puis inspecte ce vaste salon à l'affut de la moindre chevelure brune. Je suis aux aguets, sur mes gardes et j'ai la mauvaise impression d'être une pauvre proie observée, sur le point d'être dévorée par un fauve. Mes pensées me feraient presque rire tant elles sont grotesques mais ce calme est pour le moins angoissant. Le calme avant la tempête, ce foutu proverbe prend tout son sens dans cette invraisemblable situation.

Je plisse des yeux, serait-elle en train de jouer avec mes nerfs ? Pourquoi diable ne vient-elle pas me confronter afin d'en finir ?

- Pincez-moi je rêve ! s'écrie une voix enrouée, bien grave pour une jeune femme.

Je suis presque soulagé d'enfin voir mon ennemi émerger de la brume mais lorsque je me retourne afin de la confronter, je sens mon cœur s'arracher de ma poitrine, atterrir à mes pieds. Je reste interdit, incapable de bouger, médusé par l'affreuse réalité qui se dresse en face de moi et pendant un court laps de temps, il n'y a plus qu'elle et moi dans cette pièce soudainement étroite pour nous deux. Alysson se détache du décor, clouée sur un fauteuil roulant, elle se débat, se démène mais finit par cesser de se battre, incapable d'outrepasser la marche qui nous sépare.

- Ferme-la, se moque-t-elle. Tu vas avaler une mouche.

Bêtement, je ferme ma gueule et la regarde, éberlué tandis qu'elle rabat une chaude couverture sur ses jambes immobiles. Je prends le temps de la détailler, cette femme est abattue, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Ses longs cheveux bruns sont plus courts, gras, plaqués sur le haut de son crâne, sa peau pale, aussi blanche que celle d'un mort et ses cernes sont tellement creusées que ses yeux ont l'air de sortir de leur orbite. Que lui est-il arrivé bon sang ?

Aime-moi (En Correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant