Chapitre 7 : Le quotidien d'une jeune trapéziste et de son frère : Susannah

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Quelques années en arrière :

- Pétasse, résonne une voix rauque dans mes oreilles. Si tu ne t'appliques pas, je te jetterai dans la fosse aux lions, ils sont affamés.

Je hoquète de surprise lorsque je découvre le visage de cet inconnu qui semble insatisfait de ma performance. Il me fusille du regard puis avec brutalité, fait abattre un fouet sur mes frêles jambes. Je sens la douleur m'électriser de toute part puis une désagréable chaleur étreindre mes jambes. Je me mords la lèvre inférieure afin d'éviter de hurler sous le poids de la souffrance.

- Désolée, bredouillé-je en reprenant tant bien que mal mon équilibre, horrifiée à l'idée de flancher sous le regard de mon bourreau.

Dépitée, je fais face à une boite en verre aux dimensions ridiculement minuscules. Cette boite me nargue, me défie de me contorsionner afin de me plier à ses cruelles exigences. Je suis incapable de réaliser ce numéro, il faudrait que je brise mes os un à un afin d'espérer ne serait-ce qu'entrer un pied dans cet espace confiné mais l'homme qui se tient en face de moi, un fouet à la main, ne semble pas enclin à négocier. Soit je le fais, soit il me punit, il n'y a pas d'entre-deux. Dans ce cirque, de toute façon, il n'y en a jamais eu.

Pourquoi m'infliger une telle torture ? Pourquoi payer pour assister à ces ignobles spectacles ? Comment quelqu'un pourrait-il débourser le moindre centime dans cet ignoble endroit, appréciant la vue d'adolescents pré pubères maigres, n'ayant plus que la peau sur les os ?

Si j'avais cet argent, je le dépenserai en nourriture sans compter, je mangerai à ma faim, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Je mangerai jusqu'à vomir, jusqu'à ne plus être capable de bouger. Je ne manquerai de rien, je ne serai plus jamais affamée et je ne penserai plus aux prochains repas. Non, dans un monde parfait, je serai rassasiée et je ne me poserai pas de questions en permanence.

Je vivrai, tout simplement.

Hélas, le monde n'est pas parfait. Il est infect, intransigeant, implacable, c'est un endroit où seuls ceux qui sont nés avec des privilèges s'en sortent. Les enfants illégitimes dans notre genre ? Non merci, on ne lui est d'aucune utilité.

Dame nature abominable. Aussi belle qu'amère.

L'homme s'approche de moi dans un angoissant silence. D'une démarche titubante qui témoigne de son état d'ébriété, il se saisit de ma longue chevelure et rapproche mon visage du sien. Son haleine, écœurante agresse ma peau, mélange peu flatteur d'alcool, de tabac et de drogue. Avec une assurance délusoire d'un pion qui se croit cavalier, il me charrie, me torture, resserre sa poigne de fer autour de mes boucles brunes, m'arrachant une plainte de douleur.

- Entre dans cette putain de boite et dépêche-toi, ordonne-t-il. D'autres attendent leur tour.

Pour accroitre sa domination sur moi, il introduit sa langue putride dans mon oreille et entreprend de lécher ce bout de peau. Un sentiment d'horreur explose dans mes veines et sous le coup de l'effroi, je me retrouve malgré moi à l'intérieur de cette fichue boite, le corps dans une étrange position, mes membres en feu, vibrant sous le coup de la douleur et de l'effort.

- Fiche-moi la paix maintenant, craché-je en me massant l'épaule droite. Je serai prête.

Je ferme les yeux tandis qu'il marmonne des ordres que je ne prends pas la peine d'assimiler. Je sais ce que j'ai à faire, je me contrefiche des détails. Ce numéro ne fait pas partie de ma spécialité, je suis trapéziste, ma place est dans les airs, capable d'exécuter les plus folles voltiges aériennes mais celle que je remplace est décédée une semaine plus tôt dans de sombres circonstances et il a été décidé que j'étais la candidate parfaite pour prendre sa place. Sur quel critère se sont-ils basés ? Ma maigreur angoissante.

Aime-moi (En Correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant