Chapitre 8 : Cauchemar : Alysson

5.7K 499 18
                                    

   Dans un noir abyssal et un profond silence, je me réveille, entourée de mes pensées. Je suis allongée sur un lit douillet, drapée sous une tonne de chaudes couvertures, protégée du froid aride de l'hiver new-yorkais. Pourtant, mon corps est glacé, à l'image d'une coquille vide, abandonnée ou d'un champ austère, déserté, perdu au milieu de nulle part.

Mes jambes tremblent de douleur, mon corps est secoué de spasmes qu'il m'est impossible de contrôler et j'ai tellement envie de hurler que des larmes de rage coulent sur mes joues, traitresses.

Un cauchemar, un souvenir d'antan revenu me hanter après toutes ces années à vainement tenter de l'enterrer. Je revois ma misérable jeunesse défiler devant mes yeux tel un vieux film mélancolique muet et sans couleur. Dans mon cauchemar se rejouent à l'infini ces scènes, encore trop réelles, trop douloureuses. Je pourrai même sentir l'odeur du sang sur mes lèvres, son gout amer sur ma langue.

Mes démons me dévorent la nuit lorsque je m'endors. Tel des charognes affamées, ils reviennent déchiqueter le peu de bon sens qu'il me reste. Où est la sortie ? Y en a-t-il seulement une ? Lorsque les portes du passé se referment sur moi, je suis condamnée à revoir cette jeunesse délusoire, cette souffrance regagner mon âme, je la ressens encore comme au premier jour, elle ne m'a jamais quitté, elle ne me quittera jamais.

Ce qui me fait le plus de mal dans cette histoire est le fait de savoir qu'envers et contre tout, je suis celle qui s'en est la mieux sortie d'entre mes vieux compagnons de route. Je n'ai pas pensé à eux, pas une seule seconde. J'ai pensé à moi, à mon avenir, à ma santé et j'ai décidé que c'était le plus important, la seule chose qui compte.

Parfois, c'est dans l'égoïsme que se trouve notre salut.

Je n'ai pas revu ces yeux azur et cette balafre depuis quelques temps à présent. J'ai espéré les oublier, les enfouir dans les tréfonds de ma mémoire, seule obstacle à mon bonheur. Je n'ai jamais réussi à le faire, je me souviens d'absolument tout, toutes nos conversations, je pourrai les réciter mot par mot.

Solal me hante le soir, il se matérialise devant mes yeux horrifiés et me reproche de l'avoir laissé seul dans ce trou paumé. Je suppose que c'est la morphine qui fait son effet mais cette voix torturée, ce regard haineux lorsqu'il crache son venin, cette expression de dégout sur son visage. C'est trop réel, j'ai peur de le toucher du bout du doigt si je tends le bras.

Je ne m'en remettrai jamais.

Je prends une profonde inspiration afin de me calmer. Je veux savoir où se trouve Solal, je vendrai mon âme au diable pour avoir le maigre loisir de le revoir et de le serrer si fort dans mes bras qu'il devra se débattre pour fuir mon étreinte. Je n'ai même pas la certitude qu'il soit encore en vie et cette pensée me tétanise.

A une époque lointaine de ma vie, Solal a été mon joyau le plus précieux au monde, la prunelle de mes yeux. Chaque bouffée d'air se résumait à lui, tout mon monde orbitait autour de lui. Je ne vivais que parce qu'il était avec moi, prêt à braver tous les interdits pour me protéger. Je l'aimais, je l'adorais, je l'adulais. Il n'y avait personne qui pouvait rivaliser avec lui, je l'admirais et j'aurai absolument tout fait pour lui.

J'ai grandi dans une famille dysfonctionnelle et l'amour que je lui portais était tout aussi sale, tout aussi toxique que l'environnement qui m'entourait. Je me serai tuée sans hésiter s'il me l'avait demandé et m'en rendre compte a été un véritable choc.

Je n'ai jamais su faire la part des choses. J'ai toujours été extrême, j'aime à en perdre la tête ou je hais à en avoir mal aux tripes. Il n'y a jamais eu d'entre-deux et j'aimais Solal à en perdre la tête.

Aime-moi (En Correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant