Prologue : à un fil

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Il y a dans la vie des batailles qu'il est impossible de remporter, souvent c'est face à un ennemi si puissant que l'on est forcé de s'incliner, abattu. On se met alors à chercher des excuses à cette défaite, à accuser le sort, un dieu qui peut-être n'existe même pas, des forces occultes. On se cache derrière des barrières que l'on a érigées pour nous protéger sans même nous rendre compte que ces remparts là nous détruisaient de l'intérieur.

Il m'a fallu plusieurs années pour accepter ma cuisante défaite, bernée dans mon orgueil démesuré et noyée dans une fierté presque monstrueuse, j'ai rejeté pendant très longtemps l'aide qu'on me proposait, me jugeant trop forte pour être réduite à cela. J'ai alors été aveuglée par cette quête de domination et j'ai adopté une cruelle stratégie : je faisais souffrir les autres parce que je souffrais. Il m'était impossible de concevoir que je sois la seule à agoniser de douleur, à imaginer le monde continuer de vibrer alors que seule, tapie dans l'ombre, je me faisais dévorer par les démons de mon passé, bien décidés à annihiler tout bon sens qu'il pouvait encore me rester.

Je ne comprenais pas, je ne voulais même plus comprendre pourquoi la vie s'acharnait-elle autant à mon encontre. Je savais simplement qu'un jour je mourrais et que ce jour-là, je serai délivrée de toutes mes souffrances. Je ne croyais pas au paradis ou à l'enfer, je ne croyais même pas en dieu, je savais simplement que tôt ou tard j'allais cesser d'exister, que ma douleur allait s'évaporer et qu'envers et contre tout, j'allais mourir comme tout le monde l'avait prédit : seule, assassinée par une relique d'antan, venue réclamer son dût.

Pourtant, au moment où je devais atteindre cette ultime délivrance, quelque chose en moi s'est fissuré. Un moment de faiblesse sans doute, j'ai été incapable de m'abandonner aux bras de la faucheuse, même lorsqu'elle a esquissé son plus beau sourire, j'ai été confrontée à l'amère réalité de la mort : j'avais peur de disparaitre, de cesser d'exister, je n'avais aucune idée de ce qui allait m'arriver après.

Avec la force qu'il me restait, la force du désespoir, j'ai faussé compagnie à la mort, j'ai rebroussé chemin et j'ai livré mon ultime bataille, ma plus belle.

- Restez avec nous mademoiselle, s'est écriée une voix lointaine, résonnant au creux de mon être.

Je voulais répondre. J'en étais incapable.

Tout ce que je vis autour de moi fut un noir viscéral, glacial.

Je me suis retournée, effrayée par ce funeste décor, j'ai entendu parler d'une lumière blanche, j'ai essayé de la chercher : je ne l'ai jamais trouvée. Tout ce que j'ai vu fut une magnifique femme, avec son sourire de déesse, des yeux aussi envoutants qu'une pierre précieuse baignée de lumière, elle a tiré sur une corde et le rideau rouge s'est levé, le décor a changé et devant mes yeux, se jouait la tragique pièce de ma vie.

Je revoyais défiler mon enfance malheureuse, mon adolescence semée d'embuches et ma rencontre avec Savannah, la seule personne qui ait pu prétendre m'avoir rendue heureuse le temps que ça a duré.

Elle n'est pourtant plus là, Savannah est partie, folle amoureuse d'un homme avec qui elle a décidé de passer le reste de sa vie. Elle m'a quittée, m'a laissée seule à mon sort, condamnée à courir sans jamais atteindre ma destination, à m'accrocher, à glisser et à finalement abandonner, terrassée, vaincue.

Savannah m'a laissée combattre mon pire ennemi, elle m'a laissée me battre contre moi-même et j'étais en train de perdre...

-Son cœur a cessé de battre ! Procédez à la réanimation !

Parlait-on de moi ? De mon cœur ? J'étais pourtant sûre de n'en posséder aucun, je ne l'ai presque plus entendu cogner contre la paroi de ma cage thoracique ces dernières années, j'en avais conclu qu'il n'y était plus, qu'il n'y avait plus qu'un immense trou béant à la place.

J'étais confiante, je savais que je n'allais pas mourir, j'avais encore de quoi souffrir, la vie, cette garce cruelle et intransigeante ne m'a pas encore recraché, je savais qu'elle me réservait un sort pire que la mort.

J'ai alors souri et me suis mise face à la scène, au fond de la salle, la femme me fixait, je savais très bien qui elle était, j'ai alors pris une profonde inspiration et j'ai crié...

Aime-moi (En Correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant