En ce début du mois de septembre, je contemplais la route qui s’étendait à perte de vue, en face de moi. Elle me paraissait infinie, mystérieuse, symbolique. Les branches des arbres qui la longeaient semblaient vouloir lui priver des rayons du soleil. Lui donnant l’allure d’un secret qu’il fallait impérativement garder. Ce détail me fit sourire… Soudain, la voiture accéléra, écho à ma requête silencieuse.
Une chaleur inattendue se diffusa alors dans mes veines. Terrible poison, je la sentais progressivement remplacer mon sang, l’assécher. Elle s’appropriait mon corps, sans que je ne puisse l’en empêcher. Elle éveillait en moi une panoplie d’émotions qui me tétanisaient. Je peinais à déterminer si elles me faisaient du bien, ou du mal. Si je ressentais de la joie, ou une lancinante douleur. Ce volcan déferlait en moi avec une telle intensité qu’il m’était impossible de le combattre. Progressivement, je sentais ma volonté s’amenuiser, jusqu'à disparaitre.
Délivrance éternelle.
Mes pensées se mélangeaient, m’ôtant toute possibilité de réflexion. Cependant, je n’avais plus envie de lutter. Je voulais seulement être engloutie par ce sentiment de béatitude qui m’envahissait. Cette sensation d’abandon, je voudrais qu’elle soit éternelle. Ce sentiment que chaque cellule de mon corps respirait, se laissant absorber par le moment présent, aussi futile qu’il puisse paraitre…
Néanmoins, je savais qu’elle serait de courte durée. Tel un prisonnier, je profitais de ces quelques minutes de liberté, avant que la cage ne se referme sur moi.
La voiture accéléra davantage, et je sentis mon sang pulser dans mes veines. Je me retenais pour ne pas laisser mes lèvres s’étirer en un sourire béat.
Mon cœur, menaçait d’exploser. Mais je gardais les yeux fixés sur cette route, désertée de toute forme de vie. Figée dans le temps. Plus rien n’avait alors la moindre importance. Plus rien, a part cette vitesse qui m’enivrait, semblant me transporter dans un monde parallèle.
Semblable à l’énonciation d’une sentence, la voix grave du chauffeur résonna douloureusement à mes oreilles. Les vacances étaient terminées. C’est ce qu’il me fit finalement comprendre, d’une voix atone :
Nous arriverons dans une heure de temps.
Graduellement, je sentis mon exaltation s’attiédir. La réalité me rattrapait, malgré mes réticences. Gommant tout, ne laissant derrière elle qu’un vide déstabilisant. Désorientée, j’essayais de calmer les battements effrénés de mon cœur.
Les yeux clos, je peinais a maitriser les incertitudes qui me submergeaient .Mais, l’anxiété qui me tordait l’estomac persistait, s’intensifiait. Elle n’avait pourtant aucune raison d’être. Elle était aussi absurde que l’idée de voyager en bateau. J’avais beau le savoir, je ne pouvais empêcher cette peur irraisonnable de croitre jusqu'à me pétrifier. On croirait que j’aurais à livrer de terribles batailles, ou encore que je partais en croisade. Je rentrais simplement chez moi, après de longues vacances. Je retourne auprès de ma famille.
Nerveuse, je jouais avec la breloque que je portais au poignet. Elle n’avait aucune valeur, mais l’acheter m’a parue être la meilleure manière d’attirer l’attention du vendeur. En me remémorant la sensation de son toucher lorsqu’il m’avait serre la main, un sourire retors naquit sur mes lèvres.
Ses mains…
Elles étaient grandes, fortes, propres, en un mot, parfaites! Je suis certaine qu’elles pourraient faire des merveilles. Pour alimenter mes fantasmes congrus, je déverrouillai mon portable, enfilai mes écouteurs avant d’écouter en boucle ”Often” de TheWknd. Progressivement, ses paroles me transportèrent dans un monde de luxure, ou tout m’est permis. Je vois les mains de Mon vendeur caresser lentement mes courbes. Je l’imagine comme il aurait dû être a mon humble avis :Charismatique et charmeur, mais non hésitant et intimidé comme il l’était. Je perçois sa respiration saccadée dans mon cou, l’émotion qui grimpe en lui, marque au fer rouge par ma beauté.
Je ferme les yeux pour intensifier les images qui me viennent à l’esprit, et je fredonne les paroles que je connais dorénavant par cœur. Je renverse ma tête, imaginant la parfaite nuit de débauche que j’aurais pu vivre…
J’appuyai mon front contre la vitre teintée de la voiture, levant les yeux vers le ciel. Il était d’un gris pale. Les branches des arbres qui longeaient la route, dépourvues de feuilles, accentuaient ma morosité. Même la nature semblait contre mon retour. Je scrutai ma sœur, surprise de son silence prolonge. Soucieuse, elle était plongée dans ses pensées. Elle s’inquiétait toujours pour des futilités.
Tout va bien Licha ? tu as une tête de déterrée, questionnai-je.
Elle hocha la tète avant de fermer les yeux. En d’autres termes, elle ne désirait pas s’étendre sur le sujet. « Comme tu voudras », pensai-je, agacée. Apres un imperceptible haussement d’épaules, je décidai de vérifier mon maquillage. Miroir a la main, je scrutais mon visage pour m’assurer que tout soit impeccable. D’une main nerveuse, je jouai avec mes courtes mèches.
Je ne désirais pas rentrer chez moi. J’aurais voulu faire l’autruche plus longtemps. Il me paraissait déjà insoutenable de me retrouver dans la même ville que lui, constatai-je avec un léger cynisme.
Tu veux t’assurer d’avoir versé assez de peinture sur ton visage afin d’épater la galerie? Ricane Licha.
Je lui souris légèrement avant de lui faire un clin d’œil malicieux. Je savais parfaitement ce qu’elle essayait de faire. Et je n’avais nullement l’intention de la laisser déverser sa frustration sur moi. Qu’elle rumine tranquillement ses idées noires et qu’elle s’y enfonce, pensai-je.
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Les arômes de l'enfer
Художественная прозаLorsque tout s'effondre comme un château de cartes. Lorsque l'on se rend compte que les fantômes du passé ne nous ont jamais quitté. Lorsque le paradis et l'enfer se frôlent dangereusement, au risque de s'unir. Lorsque tous nos sentiments, nos émoti...