J-24

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Aujourd'hui, nous rentrons dans la période de l'Avent. Celle qui précède de vingt-quatre jours la fête de Noël. Celui qui fait rêver les enfants du monde entier, leur mettant des étoiles dans les yeux et les faisant se lever aux aurores pour ouvrir leurs cadeaux. 

Ma mère n'a jamais vraiment aimé Noël. Elle disait toujours que cette fête ne servait qu'à voir des personnes de notre famille dont nous avions oublié l'existence et réciproquement nous souhaiter du bonheur. Quand mon père est parti, il y a dix ans, en nous abandonnant, maman a cessé de préparer les fêtes. Plus de dinde, de bûche ou de sapin de Noël. Pourtant, maintenant que je n'ai plus de mère et de petite sœur, je n'ai pas plus envie de fêter Noël. Je recevais des cadeaux de ma mère avant, des livres, des bijoux, des vêtements. Cette année je ne recevrais rien de ma mère ou de ma sœur. Cette fête ne mérite pas sa réputation de joie. Je n'y vois que souffrance.

Après la mort de maman et Marilyne, j'aurais pu changer de lieu de vie, aller chez mes grands-parents. Mais je n'en ai pas eu la force. Ma famille, celle qui me reste, s'est donc rassemblée et a décidé qu'ils subviendraient à mes besoins en payant eau, électricité, nourriture. Je refuse encore de les voir, ils me rappellent trop ce que j'ai perdu. Ils comprennent parfaitement et m'ont d'ailleurs dit qu'ils attendraient le temps qu'il faut.

J'attrape mon mug et le remplit de chocolat chaud.

Quelques heures plus tard, je vérifie le courrier quotidien. Je vois une lettre. Une simple enveloppe avec pour inscription " Pour Abby".

Je rentre chez moi, prend l'ouvre-lettre que mon père nous a laissé quand il est parti - c'est à peu près la seule chose qu'il nous a laissé - et découvre un papier plié en trois. Je reconnais immédiatement l'écriture fine et régulière d'Emy. Emy est ma meilleure amie depuis longtemps. Elle sait tout de moi et je sais tout d'elle. Nous nous comprenons parfaitement et prenons soin de nous. Nous allons ensemble au lycée, en terminale scientifique.

"Chère Abby,

Comme tu le sais, je m'inquiète beaucoup pour toi au quotidien.
Comme tu le sais aussi, c'est bientôt Noël.
Aujourd'hui nous entrons dans la période de l'Avent ( les gens du lycée dans lequel nous sommes nous diraient sûrement de profiter de cette période pour donner son ammmooourrr aux autres ).
Tu ne vas pas échapper, cette année, à Noël et toutes ses conséquences que ta mère s'efforçait à éloigner de toi et Marilyne.

Alors j'ai fait quelque chose pour toi.

Un truc qui entre dans la "magie de Noël".

Je t'ai crée un calendrier.

Bon ok, là tu te dis " Elle est devenu complètement conne ma pote, elle sait que j'aime pas Noël. Bon ben si c'est ça jvais me coucher."

Sauf que non, tu ne vas pas aller te coucher ma petite Abby.

Parce que mon calendrier de l'Avent, c'est pas du chocolat qu'il t'offre chaque jour. C'est du contact humain. Dieu sait que tu en as besoin. 

La règle est la suivante. Chaque jour, à 18 h, une personne viendra toquer à ta porte. Et tu as obligation de l'accepter . Cette personne devra passer deux heures chez toi. Vous faites ce que vous voulez, ça me regarde pas, même s'il est probable que je te demande ce qu'il s'est passé le lendemain. Et ensuite, bah il ou elle part quoi. Faut pas le ou la séquestrer toute la nuit.

Ne t'inquiètes pas, ton adresse n'a pas été donné à n'importe qui.

Et dernière précision, puisque tu lis toujours ton courrier à 17 h 30 grâce à mon habile subterfuge par message, je peux affirmer qu'il te reste moins de vingt cinq minutes pour ranger ta maison et te préparer pour ton premier invité.

Sur ça, je te souhaite une bonne fin d'après midi et on se voit demain pour le premier débrief croustillant de ce que tu appelleras bientôt ton quotidien.

Bisous de ta meilleure amie chiante.

Emy."

17 h 37.
J'ai 23 minutes.
Quelle connasse !

J'ai des questions à lui poser demain, mais pour l'instant je me prête au jeu. Je décide de lui faire confiance. C'est ma meilleure amie après tout.

23 minutes plus tard, la maison est nickel mais je n'ai pas eu le temps de me changer. Tant pis, il ou elle fera avec.

La sonnette retentit.

Qui cela peut bien être ? Qui Emy m'a t-elle envoyé ? Qui pour commencer ce jeu, ce calendrier ?

J'ouvre la porte.

Emy...

Phil, de son nom complet Phileas, mon ancien crush et actuellement ami se trouve devant moi, un grand sourire illuminant sa gueule d'ange.

"- Salut Abby ! me lance-t-il en me tirant de mes pensées.
- Salut Phil ! Entre, ne te gêne pas."

Pendant ces deux heures, nous faisons des trucs de potes. Nous discutons joyeusement pour tout et n'importe quoi, nous mangeons, nous regardons un film.

"- Comment ça va avec ta meuf ? je demande entre deux chips.
- On s'est quitté, y a une semaine.
- Désolée.
- Je suppose qu'on était pas fait l'un pour l'autre."

Ainsi donc, le mec sur lequel je fantasmais pendant plusieurs années est aujourd'hui célibataire. Très intéressant, mais je suis passée à autre chose donc bon ce n'est pas moi qui vais lui sauter dessus.

Plus tard, alors que Phil remet son manteau pour repartir, il me demande

" - Qu'est ce que tu as mis sur ta liste au Père Noël ?
- Tu sais, ma mère n'aimait pas Noël, donc j'ai jamais vraiment fait de listes pour Noël.
- Alors qu'est ce que tu mets cette année ?
- Je suppose que j'y mettrai des demandes impossibles à réaliser.
- Je veux savoir ce que je pourrais t'offrir pour Noël.
- Venant de toi, tout me va.
- J'abandonne. Tu es vraiment trop bornée quand tu t'y mets."

Je lui fais un câlin pour lui dire au revoir. Il recule sa tête.

" - Sous cet angle, t'es plutôt mignonne.
- Ah bon ? je rigole."

Et là, non prévu au programme, il m'embrasse.

Je reste paralysée.

" - Ca va ? me demande-t-il 

- Euh je sais pas trop.

- Je fais souvent cet effet là aux filles." 

Mais quel égocentrique ! Comment est-ce qu'il peut penser être irrésistible à ce point ? Il est vrai, à une époque je faisais partie des filles qui l'auraient suivie n'importe où mais ce temps est révolu ! 

"- Ca va les chevilles ? Non si je dis que je sais pas trop c'est que je suis pas forcément amoureuse.

- Ca viendra Abby, ca viendra.

- Je crois pas non, pas avec ce genre de remarques en tout cas. Tu peux rentrer chez toi maintenant."

Il me prend dans ses bras, je ne ressens que du dégout, je suis à deux doigts de vomir.

"- J'ai dit non espèce de crétin, qu'est ce que tu comprends pas là-dedans ! Pars j'ai dit

- Oh ben si tu le prends comme ça alors salut Abby." 

Quel mufle ! Phil est un bon ami mais dès qu'il a décidé de sortir avec une fille il devient condescendant. Je ne savais pas que j'étais sa prochaine cible. En plus il a quitté sa copine il y a une semaine. Il est plutôt rapide dans son genre. 

Emy, si ton calendrier provoque ce genre d'évènement tous les jours je ne sais pas comment je serais le 25 décembre. 

Mon calendrier de l'AventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant