Mon calendrier de l'Avent

J-8

Bon, que faire de cette information ? C'est la question que je me suis posée toute la nuit. J'ai tourné, retourné dans mon lit pour trouver une réponse en vain. J'ai fini par regarder The Umbrella Academy le restant de ma nuit blanche. Quand Emy s'est réveillée, elle a fait les gros yeux et elle m'a demandé si je n'étais fatiguée à force de ne pas dormir. Je lui ai répondu non, ça a eu l'air de la convaincre puis nous sommes partis en cours pour une nouvelle journée palpitante. 

Je me décide à parler de cette révélation à midi avec elle pour qu'on puisse en débriefer. En tout cas c'est ce que je comptais faire avant qu'elle me dise que mon amour l'avait inspiré en cours de sport. Je me suis donc préparée psychologiquement à la voir m'annoncer qu'elle avait un nouveau mec. Au lieu de ça elle m'a dit je cite "Je pense que cette fois si ça sera plutôt une fille." suivi du regard ténébreux habituel. J'ai donc naturellement demandé à mon amie d'éclaircir un peu la situation.

"- Tu es bisexuelle ? 

- Je crois oui, ça te dérange ? 

- Pourquoi ça me dérangerait ? Moi je veux juste que tu sois heureuse. Je te demandais pour être sûre d'avoir bien compris. Tu peux me passer ta gourde ? J'ai soif 

-  Oui bien sûr tiens. En fait, quand j'ai fait ton calendrier, j'ai rencontré Lysandre. Elle me plaît beaucoup. Tu penses qu'on pourrait tenter un rapprochement ? 

- La dernière fois qu'elle est sortie avec quelqu'un c'était au collège et c'était avec Zack. Depuis plus rien. Donc je sais pas, tout peut être envisageable à mon avis. 

- Tu pourrais peut-être te renseigner auprès de Zack non ? 

- Je veux bien, pas sûre qu'il en sache davantage mais pourquoi pas. Dois-je lui dire que c'est à ta demande que j'enquête ? 

- Zack est déjà au courant que j'aime autant les mecs que les filles. Il m'a vu flirter avec une blonde un soir alors que je sortais au bar. J'ai fini par l'embrasser devant lui. 

- Zack va au bar ? Tu vas au bar ? 

- On y est allés une fois pour organiser ton calendrier. Je lui ai demandé de l'aide pour les personne que je ne connaissais pas forcément.  

- D'accord. Au fait il faut que je te parle très sérieusement ce midi. J'ai appris un truc au sujet de mon père.

- Oui tu me diras quoi ! me dit-elle avant de repartir pour une course de 10 minutes autour d'une piste mouillée de 200 m toute en ovale."

Je n'ai jamais aimé et je n'aimerais jamais courir par zéro degrés, en plein hiver, à huit heures alors qu'on pourrait faire du badminton à cette période. En plus je suis un désastre en course. Emy s'en sort assez bien par rapport à moi.

Le prof nous réunit à la fin du cours. 

"Bon alors je vais pas vous mentir, certains dans la classe n'auront pas la moyenne en demi-fond au BAC s'ils continuent comme ça (il me lance un regard souligné). Vous avez de la chance d'avoir les vacances de Noël pour vous entrainez un peu. Essayez de progresser, je ne veux pas mettre des notes en dessous de la moyenne, je trouve que ça décourage à faire du sport. Malheureusement nous avons des critères imposés et surtout je serais assisté d'un autre prof pour la notation qui ne sera peut-être pas aussi clément que moi. Je voudrais que le sport soit une bonne note pour vos examens. Avec un peu d'entraînement tout se fait. Bon je vous lâche, vous avez cours après."

Ce que mon prof de sport m'a dit m'a fait cogiter pendant tout le cours de philo. Je devrais essayer de gratter des points où je peux. Je n'ai pas étais très performante fin première. Les circonstances étaient particulières, certes, mais le sport est une matière où je peux réussir si je me bouge un peu. J'ai fait du judo et de la natation artistique. Je devrais pouvoir me motiver pour un peu de course. En plus j'ai déjà un super coach en tête. 

Ce midi, je parle à Emy de ce que ma grand-mère m'a révélé. Elle a l'air de le prendre mieux que moi. Elle dit que selon ce que je lui rapporte ma mamie ne sait pas exactement ce qu'il s'est passé et que donc pour elle la discussion avec mon père est toujours d'actualité. 

"- Je ne veux plus rien à voir avec lui. Tu imagines cinq secondes. Il a quitté ma mère, enceinte qui plus est, pour vivre son aventure.

- Est-ce que c'est ce que ta grand-mère t'a dit ? 

- Non, mais c'était assez explicite.

- Je pense, d'après ce que tu me rapportes de cette conversation, que ta grand-mère veut surtout éviter de se mouiller dans une affaire qu'elle ne maitrise pas."

Je réfléchis à ça tout l'après-midi. On dit que le sport à des vertus psychologiques. Je vais essayer de courir pour me vider la tête et mieux dormir ce soir. 

Arrivée chez moi, je dis à Zack de mettre sa tenue de sport et de se préparer à me coacher pour aller courir afin d'augmenter ma note au BAC (et aussi, non dit, pour calmer mes pensées). Il sourit et part se changer. Puis il me regarde avec un sourcil relevé.

"- Tu avais pas sport aujourd'hui ? 

- Oui, mais j'ai pas vraiment couru. J'ai marché dès que le prof regardait pas. C'est pour ça qu'il a dit qu'on devait s'améliorer. Alors je veux courir pour de vrai là.

- On va commencer par un petit tour rapide pour voir où tu en es. Tu vas pas courir ce que je fais en triathlon tout de suite."

Je hoche la tête, motivée.

Je n'aurais jamais dû. Mon cerveau fuse. J'aurais dû prendre mes écouteurs, mais je voulais pas paraître égoïste en me retirant dans mon monde alors que c'est moi qui ait demandé à Zack de m'aider. Mes pensées vont plus vite, comme si le fait de courir les faisait s'accélérer aussi. Tout ressort d'un seul coup comme une cocotte-minute sur le point d'exploser. Au bout de quinze minutes sur vingt de course, je dis essoufflée à Zack "Arrête".

Il s'exécute si vite que je lui fonce dedans. " Y a un problème ?" me demande t-il 

Je reste fixée sur son cou avec la nette impression que je retiens tout depuis trop longtemps et que ça va ressortir dans les secondes à suivre. Pourtant j'ai pleuré sous la pluie dans ma rue. J'ai failli étranglé Phil aussi. Je pensais naïvement que j'avais fait un pas en avant. Mais non, je suis restée au même stade. 

Zack me prend le menton est m'oblige à le regarder. Je vois tellement d'inquiétude dans ses yeux que ça finit de m'achever. Je fonds littéralement en larmes. Je m'écroule sur le sol en sanglots, absolument incapable d'avancer ou de faire le moindre mouvement. 

" Bon laisse moi faire Abby. Je vais nous ramener à la maison. Je veux pas que tu pleures en pleine rue." 

Je hoche la tête. Alors il me prend dans ses bras, comme une princesse, ce qui apaise un peu ma douleur. Il ne me demande rien avant d'arriver dans ma chambre et d'avoir fermé la porte sans avoir adresser un mot ni un regard à Emy qui s'est demandé ce qu'il se passait. 

"- Dis moi tout. Comment je peux t'aider ? Qu'est ce qu'il s'est passé ? Je croyais que tu allais mieux. Qu'est ce qui t'a mis dans cet état.

- Pas ... mieux... pareil ... avant... je réussis à prononcer entre mes larmes.

- Arrête de dire ça, c'est faux. Tu as fait beaucoup de progrès. On s'en est rendus compte avec Emy. Je t'ai emmené voir cette psy pour t'aider à poursuivre tes efforts. Alors dis moi. Qu'est ce qu'il s'est passé depuis hier midi et ce soir qui te met dans cet état ? 

- Père ... trompé ... mère... 

- Qui t'a dit ça ? 

- Mamie ...

- Elle est sûre de ce qu'elle dit ? 

- Suis ... pas ... sûre ... à ... 100... %...

- Bon alors ce qu'on va faire déjà c'est que tu vas aller te laver. Ensuite tu vas manger un bout et ce soir on dort ensemble. Ne me regarde pas comme ça je sais très bien que tu n'as pas dormi hier. Deal ? "

Je hoche la tête