Réconfort

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Dans le cadre de mes nouvelles de Noël 2018, une des lectrices de mon roman "Ezéchiel" m'a demandé de lui écrire une nouvelle mettant en scène Ginny Weasley et Luna Lovegood. 

Le résultat n'est pas un OS humoristique (pas du tout même ^^), mais je me suis dit qu'il aurait sa place ici, au milieu de mes autres OS Harry Potter. 

Enjoy ! 

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A la descente du Poudlard Express, Ginny ne se joignit pas à la foule des élèves en liesse qui se pressait pour rejoindre le château. Non, elle resta là un long moment, à contempler l'allée qui serpentait vers les hauteurs de l'école. On pouvait distinguer les fenêtres de la Grande Salle, d'ici. Les quatre immenses tables des quatre maisons de Poudlard devaient déjà crouler sous les victuailles à l'heure actuelle, guettant l'arrivée des nouveaux élèves, et le retour des anciens. Toute trace de la Grande Bataille aurait-elle vraiment disparu de ces murs ? Le sort du monde sorcier s'était joué en ces lieux. Harry Potter avait vaincu le plus grand mage noir de tous les temps. Et Fred était mort.

Frissonnante, Ginny s'approcha des diligences qui conduisaient depuis des temps immémoriaux les élèves jusqu'au grand hall de l'école. Elle laissa ses camarades la dépasser, monter dans les voitures qui s'éloignaient les unes après les autres. Elle ne voyait que les Sombrals.

Bien qu'elle les ait étudiés en cours, et même si elle en avait chevauché un dès sa quatrième année aux côtés d'Harry pour se rendre au Ministère de la Magie, Ginny avait toujours eu du mal à appréhender ces créatures invisibles, délicats équidés aux yeux laiteux qui n'apparaissaient qu'à ceux qui avaient vu la mort de trop près.

Jusqu'à présent, Ginny avait toujours été incapable de les percevoir, et elle en bénissait les cieux. Mais plus maintenant. A présent, Ginny découvrait dans toute leur inquiétante étrangeté ces créatures graciles, maigres et pourtant sublimes, qui tendaient vers elle leur encolure torturée en espérant une caresse.

Elle la leur accorda de bonne grâce. Quelque chose s'était pétrifié au fond d'elle-même. Le visage de son frère, et de l'instant où elle l'avait vu sombrer, lui apparaissait dans le reflet de ces yeux vides, et dans la douceur silencieuse des Sombrals. Elle aurait pu rester ainsi pour l'éternité. Elle n'était plus vraiment vivante depuis que Fred était mort. Quelque chose avait changé au sein même de son foyer, chez ses frères et chez ses parents. Même chez Harry. L'absence de Fred hurlait dans tous les recoins de la maison. Et même l'annonce de la réouverture de l'école n'avait pas suffi à dissiper cette horreur omniprésente.

- Ils sont beaux, n'est-ce pas ?

Ginny sursauta. A côté d'elle, Luna venait de lui poser une main sur l'épaule, de son air posé que Ginny avait toujours apprécié.

- C'est la première fois que tu les vois ?

Ginny acquiesça. Les larmes lui nouaient la gorge. Elle en avait presque mal.

Sans dire un mot, Luna lui passa un bras autour des épaules et l'encouragea à monter dans la dernière diligence. Aussitôt, les Sombrals s'ébrouèrent, comme conscients de leur retard. Il n'y avait plus personne sur le quai du Poudlard Express plongé dans le noir.

Ginny profita de cette relative obscurité pour laisser s'écouler ses larmes. La présence de Luna à côté d'elle ne la dérangeait pas. Elles étaient amies, toutes les deux. Elles avaient partagé des épreuves qui se passaient de mots. La grande histoire ne retiendrait pas ce qu'elles avaient fait à Poudlard, lors de leur sixième année, alors que l'école était livrée aux Mangemorts et qu'il n'y avait qu'elles pour organiser un semblant de résistance. Avec l'aide de Neville, elles avaient ressuscité l'A.D. Elles avaient bravé des punitions plus terribles que les sournoiseries d'Ombrage pour protéger les plus faibles et résister contre la terreur mise en place. Elles avaient chacune payé leur courage à leur manière, bien sûr. A Noël, Luna avait été enlevée et enfermée au Manoir Malefoy. A Pâques, Ginny avait dû fuir chez sa grand-tante Muriel, avec le reste de sa famille. Mais toutes deux étaient revenues pour la bataille finale. Bien sûr qu'elles étaient revenues.

- Comment va Arnold ? lui demanda Luna innocemment.

- Il chante, sourit Ginny en essuyant timidement ses larmes. Depuis que Fred est mort, il... Il chante, le soir, avant que je m'endorme.

- C'est parce qu'il sent que tu es triste.

- Je croyais qu'ils ne chantaient que les lendemains de Noël.

- C'est un Boursouflet très spécial. C'est le tien.

Ginny acquiesça tristement. Elle se rappelait bien sûr que Luna pouvait voir les Sombrals, elle aussi, car elle avait vu sa mère mourir lorsqu'elle était enfant. Ce lien terrible la fit se sentir étrangement mieux. Elle prit la main de la jeune fille dans la sienne et la serra fort, puisant dans ce rapprochement la force qu'il lui manquait pour continuer à respirer.

- Je suis désolée pour Fred, Ginny, murmura alors Luna, avec son habituelle franchise mêlée de délicatesse.

Ginny fondit en larmes. Luna la prit dans ses bras, sans lâcher sa main, sans chercher à l'apaiser autrement que par sa seule présence réconfortante. Lorsqu'enfin, elles arrivèrent devant le portail de Poudlard, Ginny se sentait enfin prête à retrouver ces lieux qui avaient tout changé, pour elle et pour tant d'autres élèves. Elle profita de la relative solitude du grand hall pour se tourner vers Luna :

- Merci, dit-elle, infiniment reconnaissante. Je ne sais pas ce que je ferais sans une amie comme toi.

- Tu es plus forte que tu ne le penses, Ginny, répondit Luna en essuyant une dernière larme sur sa joue. Tu mérites d'être heureuse. C'est ce que Fred aurait voulu.

Alors, avec la tendresse qui était la sienne, Luna déposa un baiser, très doux, très bref, sur les lèvres de la jeune fille.

Ginny battit des yeux quelques secondes, sa main toujours perdue dans la sienne. Luna ne lui offrit qu'un sourire, aussi énigmatique qu'elle, puis elle l'abandonna pour rejoindre la table des Serdaigles.

Le cœur battant, Ginny franchit les portes de la Grande Salle. Toujours en deuil, bien sûr, et les yeux gonflés de larmes. Mais prête à accueillir en elle un nouvel espoir.  

Recueil d'OS (supposément) drôlesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant