Le vieil homme marchait le long de la route. Sa barbe, blanche et duveteuse, et ses longs cheveux lui revenaient dans la figure à chaque fois qu'une voiture le croisait en sens inverse. Les mains dans les poches de sa veste de cuir élimée, deux besaces en travers du torse et un chapeau de laine bleue enfoncé jusqu'aux yeux, il quitta soudain la route pour s'engager sur un chemin de terre sèche à peine visible entre deux buissons.
C'était l'hiver actuellement sur la partie nord du monde, et le fond de l'air était sec et le froid piquant. Mais il n'y avait pas de neige, il n'y en avait pas eu depuis plusieurs hivers, du reste. De toute façon, là où le vieil homme se rendait, qu'il y ait de la neige ou non l'importait peu.
Le chemin de terre battue était inégal et les articulations du vieil homme en pâtissaient. Néanmoins, il ne disait rien, les lèvres serrées. Concentré sur ses pas, il n'avait pas envie de se tordre une cheville maintenant.
Au bout d'une bonne dizaine de minutes, après avoir longé un ruisseau figé dans la glace et passé entre des branches d'arbres nues qui lui griffèrent la barbe comme des doigts crochus, le vieil homme arriva à un endroit vaste et plat, recouvert d'herbes, mais dénué d'arbres ou de buissons : une prairie.
Il s'arrêta au beau milieu de la lande secouée par un petit vent glacial qui pénétrait le plus épais des pulls de laine et, sortant les mains de ses poches, il repoussa son bonnet fatigué, recousu en plusieurs endroits, puis dégagea ses cheveux de ses yeux. Là, il se redressa et, tendant le bras droit devant lui, doigts de la main écartés, il se mit à psalmodier. Les mots furent emportés par le vent, mais quiconque les aurait entendus n'aurait pu les comprendre car ce n'était autre que de l'Ancien Langage.
Emrys passa sa langue sur ses lèvres sèches puis reprit sa litanie. Lentement alors, devant lui, le paysage se modifia. Une brume apparut en nuages qui se roulaient les uns sur les autres, puis ce fut au tour d'un clapotis de se faire entendre, un clapotis d'eau au beau milieu des terres...
Baissant les yeux, Emrys sourit au milieu de sa barbe touffue et recula d'un pas. De l'eau était apparue à ses pieds, une eau claire qui léchait le sol comme l'aurait fait l'eau d'un paisible lac... un lac recouvert de brumes.
— Avalon... murmura alors le vieil homme.
Il y eut soudain un grand bruit d'eau et une barque dégoulinante s'approcha de la rive comme si elle était reliée à un rail au fond du lac. Elle s'arrêta dans le sol meuble de la rive et Emrys enjamba le rebord et monta dedans en s'accroupissant. Il se laissa ensuite emporter et bientôt, le tumulte de la route départementale dans son dos laissa place à un pesant silence tandis que le brouillard estompait la lumière du soleil.
Enveloppé par la brume, Emrys s'assit au fond de la barque et ouvrit l'une de ses besaces. Il en tira un rouleau de parchemin usé par les manipulations et le déroula avec précaution.
Depuis des siècles, tous les dix ans, il venait ici, sur l'Île d'Avalon, dans l'espoir qu'un jour, la magie de l'endroit lui révélerait enfin qu'un nouveau Roi est né, mais chaque décennie c'était la même chose, la tombe d'Arthur Pendragon restait muette. Emrys, autrefois connu sous le nom de Merlin, repartait alors, le cœur plus lourd et les épaules plus voûtées encore...
Mais cette fois-ci, il y avait quelque chose de différent dans l'air, Emrys le sentait. Il se passait quelque chose dans les mondes cachés et la magie s'agitait de partout. Les habitants actuels de ce monde ne comprenaient pas ce qui se passait, ils avaient peur et craignaient les inondations, les tremblements de terre et les éruptions volcaniques, mais Emrys, lui, savait que toutes ces perturbations n'avaient rien à voir avec une planète en colère, non, c'était simplement que quelque chose se préparait dans les mondes invisibles. Quoi, il l'ignorait, et secrètement, il espérait que cette chose était l'avènement d'un nouveau Roi, un nouveau-né à qui il faudrait tout apprendre, ou bien, mais l'espoir était mince, qu'il allait enfin pouvoir retrouver son Roi, Arthur Pendragon, après tant d'années de séparation...
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✔️ J'ai attendu si longtemps...
Fanfiction[MERTHUR] Mille cinq cents ans se sont écoulés depuis la mort d'Arthur Pendragon, assassiné par Mordred pendant la bataille de la Passe de Camlan. Merlin, ou Emrys, le Magicien Immortel, a survécu aux Temps, il a vu le monde changer, les malheurs...