Chapitre 3

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Le soleil avait dépassé son zénith quand Merlin termina son récit. Tout en parlant, il avait fait du feu et préparé à manger. Il avait continué de parler en mangeant, Arthur en faisant autant, pendu aux lèvres de son ancien valet.

À présent, un silence pesant régnait. Kilgarrah dormait toujours au soleil, son souffle créant une brise chaude qui venait jusqu'aux deux garçons.

— En quelle année as-tu dit que nous sommes ? demanda soudain Arthur en dépiautant une pêche pour en retirer le noyau.
— Deux mille douze, Arthur, répondit Merlin. Cela fait plus de mille cinq cent ans que j'erre sur cette terre dans l'espoir de vous retrouver un jour. Je ne pensais pas que cela prendrait si longtemps...
— Alors je suis mort ?
— Vous l'avez été. Mordred vous a tué. Lors de la bataille de la passe de Camlann. Il vous a passé Excalibur au travers du corps après que vous en ayez fait de même pour lui. Il est mort dans vos bras et moi je vous ai ensuite emmené avec moi dans les bois, dans l'espoir de rejoindre Camelot. J'ai tout fait pour vous empêcher de mourir, mais hélas, vous m'avez abandonné...

Merlin serra les paupières puis détourna la tête. Arthur le regarda avec étonnement. Il jeta le noyau de sa pêche dans le feu de camp et se redressa ensuite.

— Merlin... Je suis là maintenant et...
— Oui, mais vous ne pourrez jamais comprendre à quel point j'ai été anéanti par votre mort... répondit Merlin en reniflant. J'avais perdu mon Maître, mon meilleur ami, l'homme pour qui je vivais... J'ai été tellement détruit par votre mort que je suis allé trouver Morgana et que je l'ai tuée. J'ai détruit son corps comme elle l'avait fait avec vous, mais malgré cela, je sais qu'elle est toujours quelque part ici, qu'elle attend son heure...

Arthur avait pâli entendre la tirade de Merlin.

— Tu as... tué Morgana ? dit-il. Mais...
— Peu importe, Arthur, le coupa Merlin. J'ai attendu mille cinq cents ans que les Dieux vous ramènent vers moi, pendant un millénaire et demi, je suis venu ici, tous les dix ans, dans l'espoir qu'un signe, n'importe quoi, m'indique que quelque part dans le monde, mon Roi était né. Mais j'ai attendu, en vain...
— Pas tant en vain que cela, je suis là, et je...
— Oui, vous êtes là, maintenant, parce que je l'ai demandé. J'ai supplié que les Dieux vous ramènent parce que j'avais suffisamment attendu...

Arthur plissa les yeux.

— J'ai peur de ne pas comprendre, Merlin. Tu dis avoir attendu pendant des siècles, et le jour où tu demandes aux Dieux de me ramener, ils le font ? Pourquoi alors...

Merlin serra les mâchoires.

— Parce que jusqu'à il y a peu, je n'arrivais pas admettre que cette si longue attente n'était qu'une punition.

Arthur avala un morceau de pomme et regarda Merlin avec stupeur.

— Une punition ? Mais pour quelle faute ?

Merlin serra les mâchoires. Devait-il tout dire à son ancien Maître ? Il décida que oui.

— Celle de vous avoir aimé, mon Roi, de vous avoir aimé au point de me mettre systématiquement en danger pour vous. Les Dieux ont vu en cela des sentiments prohibés, de l'insolence, mais moi, je n'ai jamais vu en cela qu'une dévotion sans nom pour un être au Destin grandiose...

Il y eut un grondement un peu plus loin et Arthur tourna la tête dans la direction de Kilgarrah, qu'il ne pouvait pas voir. Il soupira alors par le nez et ramena ses jambes contre lui.

— Alors, toutes ces années de souffrance n'étaient qu'une punition pour m'avoir aimé... répéta-t-il. Quel genre de Dieux sont-ils pour faire subir une telle chose à un homme, pis à un sorcier ? Merlin, comme tu as dû souffrir, si seul pendant si longtemps...

✔️ J'ai attendu si longtemps...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant