Chapitre 6

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Il fallut plus d'une semaine à Merlin pour préparer la potion qui lui redonnerait définitivement l'apparence d'un jeune homme. Comme celle qui lui avait donné son apparence de vieil homme, à Camelot, n'était pas permanente, il avait fait en sorte que celle pour sa jeunesse, le soit. Ainsi, depuis plusieurs jours, sur la table dans la chambre de la taverne, trônait un réchaud électrique avec une casserole en fonte dessus, dans laquelle Merlin jetait herbes, fleurs et vidait le contenu de fioles toutes plus colorées les unes que les autres.

— C'est normal qu'on ne sente aucune odeur ? demanda Arthur un matin en se levant.

Merlin était déjà levé depuis longtemps apparemment et s'affairait autour de la table surchargée.

— C'est presque prêt ? demanda le jeune Roi.

Pas de réponse.

— Ohé, Merlin, je te parle...
— Hein ? Mouis, c'est presque prêt, encore quelques petites choses...
— Et pour l'odeur ?

Merlin agita la main et aussitôt, une puanteur atroce envahit la chambre et poussa Arthur à se détourner pour aller ouvrir la fenêtre.

— Quelle horreur ! s'exclama-t-il. Merlin, enlève ça tout de suite ! On dirait des animaux crevés !

Il se mit à tousser et Merlin agita de nouveau la main. L'odeur disparut aussitôt et Arthur inspira et expira à la fenêtre de la taverne.

— Sortilège ? demanda-t-il en la refermant pour laisser l'air froid dehors.
— Oui, ce sont les petits sortilèges inutiles, mais indispensables, que tout Sorcier ou Magicien doit connaître... répondit Merlin d'une voix chevrotante.

Arthur le regarda en s'asseyant sur le rebord de la fenêtre. Malgré la semaine écoulée, il n'arrivait pas à se faire à l'idée que le vieillard branlant qu'il avait devant lui était Merlin, son meilleur ami. De même qu'il avait bien du mal à réaliser qu'il avait passé mille cinq cents ans loin de tout le monde... et que lui aussi était dans ce monde terriblement hostile à ses yeux...

D'un air distrait, il regarda une voiture se garer sur le parking de la taverne. Une famille de quatre personnes en sortit en discutant joyeusement et Arthur s'attarda un moment sur les deux enfants, deux filles, d'une dizaine d'années. Elles se ressemblaient tellement qu'il avait l'impression de voir le reflet de l'une des deux marcher près d'elle. Il comprit alors qu'elles étaient des jumelles et soupira. À son époque, lorsqu'une femme mettait au monde des jumeaux, elle en réchappait peu souvent, ou alors l'un des bébés était trop chétif et finissait par mourir. Mais à cette époque-là, cette époque tellement bizarre à ses yeux, avoir des enfants ne semblait plus poser des problèmes.

Une pensée le frappa soudain et il regarda Merlin avec surprise.

— Pourquoi me regardez-vous comme ça, Sire ? demanda le jeune sorcier sans lui adresser un regard.

Arthur haussa les épaules, passant sur le fait que Merlin avait su qu'il le fixait sans même le regarder.

— J'étais en train de me demander si pendant tous ces siècles à parcourir le monde, tu avais pris le temps d'avoir une famille, Merlin... dit-il.

Les gestes de Merlin se figèrent et il soupira alors. Il pivota sur sa chaise et regarda Arthur.

— En effet, répondit-il. J'ai été marié, à de très nombreuses reprises, et j'ai eu des enfants, plus qu'un homme normal ne pourrait en avoir au cours de sa vie, mais ils sont tous morts depuis bien longtemps maintenant.
— Depuis quand ta dernière famille... ? demanda Arthur, un peu gêné que Merlin parle d'une telle chose avec autant de détachement.

✔️ J'ai attendu si longtemps...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant