Chapitre 1: Le cahier

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Tout a commencé avec un poème, un cahier de poèmes que j'ai perdu entre la deuxième et troisième heure. J'étais paniqué. Je me suis rongé les doigts, mordu les lèvres, pleuré.

Je l'avais tout le temps sur moi. Toujours. Comment ai-je pu le perdre? Je suis une idiote. Une idiote maladroite, rêveuse et inutile. Bon sang!

"- Vous avez pas vu un carnet, bleu, avec des fleurs rose et une étiquette ? Je demande à la secrétaire.
- Mais non! Enfin!"

J'ai agressé la secrétaire une centaine de fois. Toujours la même question, toujours la même réponse. J'espérais qu'un miracle se produise, mais non. La file s'allongeant et sa patience atteignant ses limites, Madame Perez, la secrétaire m'a fait monter en cour.

je suis donc montée, poussée par la foule qui s'écrase mutuellement. Les gens se poussent, comme si c'était normal. Ils ont ça dans le sang. Moi, je ne sais jamais comment les éviter.
Normalement, je me débrouille toujours pour sortir avant tout le monde et éviter la foule. Mais là, j'étais trop stressée pour réfléchir.

J'attendais dans le couloir que la prof arrive. J'étais perdue dans mes pensées et dans l'angoisse qui me rongeait le cœur. Mes cheveux noirs étaient dans tout les sens, bien que j'ai pris deux heures à les coiffer le matin même.

Le couloir se vidaient peu à peu mais l'air était toujours irrespirable : les fumeurs, ceux qui mettait trop de parfum, les gens qui ne connaissent pas le déodorant, les goûters qui ont fondu dans les sacs et ceux qui ne côtoie pas la brosse à dents.

Puis comme un ange, Rudy est apparu. Il avait les cheveux châtains, courts, une peau pâle, marquée de tâches de rousseur, qui lui rendait un air enfantin. Ses yeux noisettes pétillaient, lui donnant un côté espiègle, et son sourire, avec une dent légèrement cassée, le définissait parfaitement : parfait.

Je me souviens de nos conversations par cœur.

"- Tu connais un Jonas? Demanda-t-il.
- C'est moi."

J'ai regardé à terre, honteuse. Mes parents et leur idées bizarre. Ils ont eu la bonne idée de m'appeler comme un garçon pour je cite: " Prouver qu'une personne n'est pas défini par son sexe." C'est quand-même une bonne cause. Mais à chaque rentrée les élèves et les profs me regardaient interrogatifs. "Est-ce qu'il a changé de sexe? Est-ce qu'il est trans?"

Il a esquissé un sourire gêné en coin. Il transpirait la confiance en soi, mais en même temps, il était rempli de doute, comme si, en l'espace d'un instant j'avais tout changé.

"- Euh... J'ai trouvé ce cahier avec des poèmes. Il est à toi. Enfin, tu le sais, mais... Enfin, je l'ai retrouvé quoi.
- Merci.
- J'ai beaucoup aimé "Avec l'amour vient". C'est touchant.
- Merci, j'ai répété.
- Tu connais que ce mot là, hein?
- non, mais je l'utilise bien.
- Tu les utilises tous bien. Au faite,  je m'appelle Rudy.
- Enchantée.
- enchanté. "

Je me suis sentie rougir, et lui aussi. Il a fait un de ses sourire gêné, il a recoiffé ses cheveux châtains, et a rejoint sa classe.

Je suis rentrée en classe d'anglais et j'ai relu le poème sous ma table, en prenant soin de cacher mon carnet:

" Avec l'amour vient l'ivresse,
Vient la joie et l'allégresse,
Vient mon cœur entre tes mains
Et ton regard plongé dans le mien.

Fais-y attention,
Un cœur se brise et se casse
Ce n'est pas qu'une illusion,
Ce n'est pas qu'une erreur qui s'efface.

Avec l'amour vient les disputes,
La colère et l'adrénaline,
Mais je ne changerai nul,
Je sauterai dans le vide

Avec l'amour vient la tristesse,
Vient l'eau dans les prés,
Mon tendre ne fait pas de politesse
Je t'aime que vient après ? "

J'ai souris et j'ai vu un petit mot écrit en marron, avec un petit dessin en bas du poème. C'était un cœur, simple, avec des petits traits, comme des confettis.

" Belle œuvre, le poète !"

J'ai souris, et j'en ai écrit un autre qui ne devait rester que pour moi.

Aujourd'hui, je me remémore que douloureusement ce souvenir qui me faisait tant sourire. Et puis j'ai une idée. Ce soir, j'écrirai mon dernier poème.

Je rentre chez moi, l'esprit fixé sur ma pensée. J'écris un premier couplet.

" Blanches sont les lèvres du garçon,
Qui gît sur le sol,
Rouges sont les yeux de la fille,
Qui a pleuré toute la nuit,

La rivière coule,
Et le temps passe,
Mais rien ne change.
Les lèvres restent blanche.

Seuls les yeux blanchissent et sèchent,
Pour a leur tour devenir,
Pareil que les lèvres. "

Je contemple mon travail insatisfaite. Puis je verse une larme. Puis une autre, puis tout un fleuve que rien n'arrête. Car il n'y a que lui qui pouvait les arrêter : Rudy.

A bout de souffle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant