4- Le marché

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La lumière inondait la petite chambre au confort sommaire mais tant appréciable après avoir passé tant de jours dans un cachot froid, humide et puant. Amaï, les sens de plus en plus réveillés après ces cinquante années scellé avec cette maudite sorcière ne demandait pas plus qu'un peu de repos avant de reprendre sa traque.
Il interroge régulièrement Skäldrün, l'esprit du dragon qui scellé en lui depuis qu'il a dévoré son cœur. Sa maîtresse, Shireen, reste toujours à la portée de son attention. Cette créature immortelle et presque indestructible a donné tant de pouvoirs à Amaï que cela lui échappe parfois et certaines catastrophes ne sont dues qu'à son incapacité à maîtriser les pouvoir démesurés du reptile. Tous les jours, Amaï lui demande de l'aide, chaque jour, il lui demande de lui obéir, chaque jour, il lui demande de maîtriser sa colère et sa puissance, mais la créature reste fermement silencieuse.
« Bordel de reptile, tu pourrais te bouger un peu! », gronde intérieurement le mercenaire, lassé de cette comédie. Mais même les insultes, ne font pas réagir le dragon. « Il fut une époque où tu était plus susceptible mon vieux », continue Amaï, mais toujours sans résultats. Hélas, Skäldrün n'émet aucun signe de vie, comme s'il avait totalement disparu du corps de son chasseur.
Une certaine crainte se mêle aux sentiments du mercenaire. Et si l'esprit du dragon l'avait protégé du sceau lancé par la sorcière cinquante années plus tôt? Se pourrait-il que la créature qui l'habite soit affaiblie voir même morte? À cette pensée, un frisson d'horreur parcours l'échine de l'homme, préférant rejeter cet hypothèse. Depuis le temps que Amaï a chassé cette bête sur les terre de Broceliande en Bretagne, depuis ces siècles qu'il vit avec ce cracheur de feu, son sale caractère et ses remarques désobligeantes, il ne se sent pas prêt à perdre l'esprit de cet animal qui l'a tant aidé dans les moments difficiles, malgré sa haine envers le mercenaire.
Assis sur son lit d'une place, simplement recouvert d'un oreiller et d'une couverture blanche, l'homme vêtu d'un pantalon et d'une chemise en lin blanche se remémore les fois où le dragon c'est manifesté pour le soutenir ou bien le sermonner. Sans un mot, face à la fenêtre en bois clair, les mains croisées sur ses genoux, il sourit en regardant le sol en bois usé et vieilli par le temps.
Quelqu'un frappe à la porte.

- Amaï, ouvre, ordonne une voix féminine.

Il s'exécute sans un mot, reconnaissant la voix de Rose. Se dressant devant elle, imposant sa carrure haute et musclée, il regarde ce petit bout de femme ne mesurant pas plus d'un mètre soixante et attend patiemment qu'elle parle. Certes elle lui avait offert plus de confort, mais elle l'avait aussi abandonné dans cette petite pièce sans aucun droit d'y sortir avec des gardes redoutables pour l'empêcher d'aller contre les ordres de la femme aux yeux azur. Vêtue de cette même longue cape blanche à la capuche qui recouvre presque totalement son visage, elle attend face au mercenaire que celui-ci s'excuse pour ses propos. Mais l'homme ne semble ni enclin à les présenter, ni même conscient d'avoir vexé Rose.
Après de longues minutes de silence, alors que la petite femme s'apprête à tourner les talons, Amaï s'agace de la situation et grogne:

- Tu as quoi exactement à me reprocher pour m'aider puis m'enfermer ici avant de disparaître pendant des jours?

Rose lève ses yeux vert lui, laissant apparaître son visage rougis par la colère et plonge ses yeux dans ceux du mercenaire, espérant qu'il comprenne sa frustration. Mais rien.
Elle fini par se jeter sur lui, comme une gamine et de ses bras maigres, frappe le torse de Amaï qui ne réagit pas. Lorsqu'elle se calme enfin, à bout de souffle, la honte s'empare d'elle et l'oblige à détourner son regard du mercenaire.

- Tu n'as plus de forces, tu t'énerves pour un rien et finalement tu tourne la tête, comme lorsque tu boudes, constate Amaï, non, vraiment tu n'as pas changée Rose.

- Tais-toi, rugit elle en se dressant devant lui, mais n'osant pas plonger ses yeux à nouveau dans les siens.

Il dépose alors une main sur le sommet de sa capuche, comme le ferait un père avec son enfant. La taille de sa main, contrastant avec cette petite femme, englobant presque tout le sommet de son crâne. Il approche doucement son visage, observe cette fluette créature de sa vue qui a enfin décidée d'être plus précise et murmure:

Cœur de ronces Où les histoires vivent. Découvrez maintenant