7- Qui es-tu?

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Il aura fallu du temps à Shireen pour s'endormir. Ce n'est pas la literie parfaitement moelleuse qui l'aura contrariée, mais plutôt son esprit vagabond, s'égarant sur la seule personne qui lui serve encore de repère sur Terre: Amaï. La sorcière s'énervait de savoir quand cet imbéciles de mercenaire allait ressurgir, le maudissant d'être si long à apparaître. Dans le fond, même si l'homme chassait cette ténébreuse créature depuis déjà quelques siècles, elle avait fini par l'accepter dans son décor tortueux et triste à souhait. Il lui rappelait par sa présence et son envie de la tuer qu'elle était encore un être vivant. Et puis, ils avaient déjà vécus tant de choses a deux. De près, comme de loin, par l'envie d'étriper comme celle d'aimer avec fougue, leur destinées est liées depuis ce jour ou la tête du roi de France est tombée. Ils se connaissent si bien sans presque jamais ne s'être parlés. Mais pourquoi les mots quand rien qu'un regard permet d'exprimer tellement plus encore?
Shireen se souvient de cet homme naïf, gentil et doux. Elle se remémore le jour où elle a tué celui qu'il admirait le plus: Amaury, son père et chef d'un clan de mercenaire très réputé. La haine qui a envahi son regard après la peine et la peur a laissé la sorcière dans un mélanges de remords et de satisfaction. Le faire souffrir la torture, mais c'est aussi grisant. Ses sœurs, cela lui a fait la même sensation le jour où elles ont fini sur le bûcher, les unes empilées sur les autres et brûlées vives en même temps, le tout formant un amas de femme hurlant de douleur, hurlant à la mort.
L'image de cette scène restera gravée dans son cœur à jamais.

Bien qu'elle soit en sécurité, dans le confort d'un lit agréable et offert par la bonté d'un ange, Shireen pleure. Des larmes chaudes, presque brûlantes, roulent sur son visage étonnement rosie par l'émotion. Et ça, seul Amaï a pu le voir un jour et rien que pour cela, elle est attachée à cet homme qu'elle a tant fait souffrir.
« Amaï », soupire la belle dans un sanglot qu'elle étouffe sur l'oreiller en plaquant son visage fermement dessus.
C'est le nom d'un être meurtrier, d'un tueur fort et puissant, discret et rapide, des qualités indispensables pour être un chasseur de sorcière.
Et puis, épuisée par ses ruminations nocturnes, par ses retournements intempestifs dans ce grand lit, par son esprit torturé, la belle fini par tomber de sommeil et s'éteint sans même s'en rendre comptes jusqu'au lendemain, le corps seulement recouvert à moitié par la couverture légère d'été, parfaitement nue en dessous pour le reste.

Quelqu'un frappe à la porte. D'abord doucement, puis avec plus d'énergie. Mais puisque la sorcière ne répond pas, toujours profondément endormie, la porte s'ouvre dans un craquement de gonds en métal et une voix de femme éraillée résonne dans la chambre.

- Bon, il est temps de se lever la belle, hein! Il est déjà tard, tu pique le lit de mon fils et en plus... mais attend... tu es nue, s'exclame Monique, hors d'elle.

Shireen sursaute et plaque la couverture contre son corps. Mais que fait cette idiote ici sans permission? Puis elle se remémore la vieille dame démente de la veille. Sur le réveil placé à la droite du lit, elle y lit six heures trente-sept. Mais avant même que la belle n'aie le temps de répliquer, des bras enlacent la dame menaçante se tenant dans l'encadrement de porte.

- Maman, tu exagères, laisse donc mon amie tranquille! Je l'ai invité alors elle a le droit de se reposer voyons.

Félix, embarrassé, fait disparaître Monique dans une pirouette et referme la porte qui claque violemment en laissant Shireen sans voix face à cette situation peu commune.
« Je n'ai plus qu'à me lever », se dit la sorcière qui n'a plus sommeil.
Tandis qu'elle se change, passe dans la salle de bain discrètement et profite d'une bonne douche, Félix a réussi à détourner l'attention de sa mère, qui fini par se calmer en préparant le petit-déjeuner. Son sourire et sa bonne humeur reprennent le dessus et la dame sexagénaire se met à chantonner, oubliant que Shireen est une petite ingénue dans les draps de son fils et doublée d'une fainéante qui se lève après six heure trente!
Le premier repas de la journée pris, l'ambiance douce et agréable d'une matinée d'été, laissent les mauvaises impressions qui hantes la sorcière depuis la mort de ses sœurs au placard. Pour la première fois depuis très longtemps, elle ressent l'envie de se promener, de voir du monde, d'être dans la nature et ... de faire de la magie, celle qui n'est que joie, plaisir, paix et lumière. La belle se souvient de sa jeunesse auprès de sa mère, une sorcière originelle elle aussi. Ses yeux bleus, ses longs cheveux blonds et longs comme les siens, son teint pâle et sa peau si douce. Elle se souvient de ses enseignements, de la magie bienfaitrice qu'elle propageait autour d'elle, de l'amour qu'elle recevait de cette femme et qu'elle lui rendait encore plus fort.

Cœur de ronces Où les histoires vivent. Découvrez maintenant