53

60 17 2
                                    

La première chose d'anormal, c'est cette odeur de tabac, froide, qui flotte dans ma chambre comme si la toxine était la maîtresse de l'occupant.
Sauf que récemment, ce n'était plus ma chambre. C'était celle de Jimin. Manifestement, il a recommencé à fumer. C'est rien, ça va. Ça ne m'étonne pas.
Les paquets de chips éventrés, les volets fermés, le bordel... ça ne me dérange pas. J'ai vraiment peur de l'état dans lequel il sera, à vrai dire.

D'un coup de bras, j'hôte les quelques détritus présents sur mon lit et m'écroule dessus. Puis grogne et tire ce qui me blesse le dos. C'est un grand carnet à spirale. Je le repose aussitôt le plus loin de moi. C'est son carnet de dessin, à lui.
Je ne veux surtout pas le blesser plus.
Je ne veux surtout pas l'exposer plus.

Un soupir.
Bon, il faut ranger ce bazar.

~

Lorsque Jimin ouvre la porte, je suis assis sur le lit et je le regarde.
L'ambiance est inexplicable.

Il a premièrement vu que la chambre était rangée, puis il a posé ses yeux moi. Poser, c'est exactement le mot. Il les a posés, sans réaliser, sans réagir. Puis il baisse la tête, viens s'asseoir à côté de moi, et, toujours visage baissé, dit :

-Bonjour, Hyung.

Le hyung est dérangeant, le hyung est de trop, trop poli, trop présent, trop formel. Je pose la main sur son épaule, en quête du vrai Jimin, et il se dégage doucement, comme si c'était la suite naturelle de mon geste.
Je repose la main sur son épaule ; cette fois, il ne bouge pas. Et c'est encore plus triste.

-Jimin...

Il ne répond rien, les prunelles opaques, les mains sur les genoux. Il a une cicatrice sur le haut de sa joue, tâche ronde, blanche sous ses cils d'Ébène. Par réflexe, je lève son visage pour observer avec plus d'attention la petite imperfection, cependant de nouveau il s'évade de mon attention et murmure avec un petit sourire :

-Qu'est-ce que tu fais là, hyung ? Je pensais que tu restais deux mois là-bas ?

Je fixe cet étrange et grossier sourire tant il est mal fait, sans savoir quoi faire. Puis, pose la question la plus stupide au monde.

-Jimin... est-ce que ça va ?

Il pourrait dire oui. Il pourrait hocher la tête. Il pourrait sourire, agiter les mains, et rire un peu. Mais il ne le fera pas. Il ne le fera pas parce qu'il a confiance en moi, parce que j'ai confiance en lui. Parce que c'est Jiminie. Et en effet, il ne dit rien pendant un instant, puis son visage se creuse, sa main droite est saisie d'un spasme ; pour la faire cesser, il agrippe sa propre cuisse ; il souffle un peu, ses lèvres se détendent vers l'avant dans cette expiration ; je remarque qu'il les a sèches, vallonnées.

-Oui, ça va. Mais tu n'as pas répondu à la question, pourquoi es-tu là, alors que tu devais revenir dans un mois ?

Mes pensées se figent. En le scrutant, je me rends compte que ses yeux qui, auparavant, me donnaient toutes les réponses que je voulais, sont désormais insondables. Le personnage en entier est devenu étranger à mes observations. Il m'éloigne de lui. Jimin m'éloigne de lui.

-Tu es sûr que ça va ?

-Oui, oui.

Non ! Non, ça ne va pas, non ! Je sais que ça ne va pas, idiot ! Je le sais, arrête de mentir ! Arrête de te faire du mal, je suis là, je peux t'écouter comme avant ! Ne m'ignore pas !! Tu es ridicule à me mentir, tu- tu...

Tu réagis tout à fait comment moi j'aurais réagi, et je ne veux pas. Je ne veux pas Jimin, je ne veux pas que tu te voiles la face, je ne veux pas que tu t'enterres tout seul.

Mind FuckOù les histoires vivent. Découvrez maintenant