partie 19

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-Ça va mieux ?

Des volutes grises dansent avec Jimin, le traversent, tournoient. Et des étoiles, insaisissables, perçantes, se balancent de haut en bas, j'ai vraiment froid.

-J'ai... j'ai froid... je peux avoir... une autre couverture ?

-Je ne sais pas où est-ce qu'il y en a d'autres...

-Dans mon armoire... tout en haut. S'il te plait. Merci.

Rapidement, il va chercher la couverture en se hissant sur la pointe des pieds, puis la dépose sur mes épaules.
Je déteste être malade... mais je suis bien, je ne tremble plus.

Je me doute bien que Jimin est mal à l'aise, pas à cause de mon état, plus parce qu'il ne sait pas quoi faire. J'engage encore une fois la conversation, tentant de ne pas bafouiller.

-Tes... parents, reviennent dans combien de temps ?

Il baisse le regard et se mord fort la lèvre, en serrant le couvre-lit.

-Ils... ils ne reviendront pas.

-Oh.

Une douleur m'envahit les tempes en ouragan. J'enfouie mon visage à moitié sous la couverture, esperant qu'un peu moins de lumière me fasse du bien.

-Tu peux éteindre la lumière ? Ça me fait mal aux yeux.

-Oui, bien sûr.

Le calme de l'obscurité m'enveloppe et le soulagement s'empare de mes prunelles qui aussitôt papillonent avec délices, recouvrant peu à peu la vue.

L'ambiance est tellement plus douce, dans le noir...

-Pourquoi est-ce qu'ils sont partis ?

-Je... j'ai fait mon coming-out... ils n'ont pas bien réagi, et après le dispute, mon père a claqué la porte et est parti au volant de sa voiture. Je me suis précipité à la fenêtre et je t'ai vu te balader. Le lendemain... personne à la maison. Et c'est comme si j'avais toujours vécu seul, aucune trace de mes parents. Je... je savais qu'ils allaient fuir, comme ça. Ils ont toujours fuit. On a déménagé parce que je me faisais harceler et parce qu'ils ne voulaient pas s'attirer d'ennuis. Donc, euh... voilà. Je suis un peu perdu, maintenant.

-Woaw. Sacré soirée.

Jimin est tout seul. Vraiment tout seul.

-Du coup, t'es quoi ?

-Moi ? Ben, tu sais, je suis genre, heu... je suis pas trop trop fille, tu vois, donc-

-Ouais, t'es gay.

-Hum... ouais. Un peu. Je crois. J'en sais rien du tout.

Il est drôle, quand même.

-T'as déclaré à tes parents un truc qui allait te pourir ta vie familiale, sans en être sûr ?

-Oui. Ça te dérange ?

L'aplomb avec lequel il me répond me fait esquisser un sourire, puis je réponds :

-Non, je m'en fous. Dis-toi qu'au moins ils t'ont laissé la baraque, non ?

Un instant tendu, Jimin pouffe de rire.

-Ouais. Et le chat, aussi.

Dans l'obscurité, il détourne le regard et déglutit, gêné.

-Puis tu sais... ça n'allait pas très-

-Hep. Excuse-moi de t'interrompre alors que c'est moi qui t'ai mis dans l'embarras, mais je m'en fous réellement. C'est pas à moi de juger le fait que t'aies dit ça à tes parents, point. J'aurais dû me taire.

-O-ok... merci. C'est cool de parler avec toi.

-Bref. Du coup tu seras tout seul ?

-Jusqu'à nouvel ordre... oui, j'imagine.

-Ben... dis-toi que si t'as un problème, un jour, tu peux me prévenir. Tu vois, au cas où je puisse t'aider, ou... un truc comme ça. En remerciement pour aujourd'hui.

-Aujourd'hui ? Qu'est-ce que j'ai- ah, ça ? C'est pas important. Je pense que t'aurais fait la même chose, non ?

Eum... non. Non, en fait, je ne serai même pas aller chez quelqu'un d'autre. Sauf que je ne pense pas qu'il ait besoin de le savoir.

-Pas vraiment.

-Et, euh... toi, du coup... t'es genre... quoi ?

-De quoi tu parles ?

-De... d'orientation sex- 'fin truc, là.

-Tu me demandes quelle orientation sexuelle j'ai ?

-Oui. Si c'est pas... privé.

Je fixe quelques secondes une parcelle de douce nuit dans un coin de ma chambre, et soupire.

-C'est pas privé, juste inexistant.

Il écarquille les yeux.

-Tu... tu n'as jamais... rien ressenti ? Je veux dire... de ce côté-là ?

De nouveau, je ne sais pas quoi répondre. Mal à l'aise, je fini par répliquer en soufflant.

-Peut-être. Je ne m'en suis jamais réellement préoccupé. Ça enlève un paquet de problème, tu sais ?

Mais pourquoi, pourquoi est-ce que j'essaie de me justifier ?

-Ouais, cependant, un paquet de découvertes aussi... puis on a dix-sept ans... c'est bête de ne rien essayer... on est jeunes ! Du coup... si tu ne penses pas à tout ça, à l'amour, les gens, le- tu fais quoi ?

-Dis, est-ce qu'il faut vraiment qu'on parle de ça ?

-Si ça te dérange... non. Mais... moi, ça m'interesse...

Je le regarde, puis d'un mouvement de tête, lui dit :

-Sors ton livre, là, la Face cachée de Margot.

Il bougonne un peu, puis va allumer la lumière et sortir son livre.

-Je ne veux pas que tu sois gêné, Yoongi, c'est qu'on a fait que de parler de moi et j'aurais bien aimé te connaitre un peu mieux...

-Tout d'abord, je ne suis pas gêné. Ensuite, je veux lire ce livre. Et pour finir... la prochaine fois, on parlera de moi, si tu veux. Avec modération, sans abus.

Il s'apprête à répliquer, les yeux brillants mais sa sonnerie de téléphone nous interrompts.

Il décroche, et aussitôt son visage se fait grave. Une soudaine révélation le laisse baba. Il balbutie quelques mots et raccroche, avant de darder ses yeux vers moi dans un long silence.

-Je crois que je n'ai plus que le chat.

Après un autre silence, comme si c'était la seule chose sur laquelle il pouvait se concentrer sans craquer, il dit doucement :

-Ils l'ont viré en même temps que moi, le pauvre.

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Mind FuckOù les histoires vivent. Découvrez maintenant