Partie 24

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Dans la cuisine, le chaton boit en lappant tranquillement son petit bol.

Voir Jimin le regarder avec envie me fait sourire, et je vais ouvrir le frigo pour aller chercher de quoi nous nourrir. Je finis par trouver des sachets de chips au fond du placard, nature. Je lui passe sans le regarder, captivé par le mien.

-Tiens.

-Merci beaucoup !

Le silence est ponctué des craquements des chips et des bruits du chat, finalement c'est bien comme ça.
Dans notre petite pièce, tout les deux à manger des chips, séparés par un chaton et le silence.

-Yoongi ?

-Quoi ?

-Tu me parles de toi ?

Cette petite question ne trouble en rien l'instant. Elle se laisse porter, c'est le bon moment, le moment de vide tranquille.

-De quoi veux-tu que je te parle, Jimin ?

-De ta famille. De pourquoi tu m'as défendu. Quelques trucs, quoi.

Il croque une chips et regarde dans le vide, vers le haut, pas du tout embarassé. Plutôt pensif.

-T'es pas du tout mystérieux, il n'y a rien de mystique, autour de toi. Mais je veux voir ton côté humain. Je ne trouve pas que tu sois comme... une personne cool, froide... avec un passé difficile. Je m'en fiche de ton passe. Je pense que t'es juste un mec paumé. Je veux te rencontrer en vrai.

Touché.
J'aime ces mots. Beaucoup.

Je me lève brusquement en toussant, et vais me chercher de l'eau et un autre paquet pour garder contenance.

Il détourne son regard vers moi, ses yeux clairs.
Ces derniers me donnent un top que j'attrape difficilement, bourru comme à mon habitude.

-Je... j'ai toujours été comme ça. Je veux dire... sec, introverti. Mes parents se disputaient sans cesse, ils se jetaient leur haine à la figure en permanence. J'étais entre eux et ça n'a pas donné de bonne suite.

Je me tais.
Comme si j'allais arrêter l'histoire là, et Jimin ne bouge même pas d'un cil.
Alors je continue.

-J'ai dis à ma mère que c'était une salope. J'avais quatorze ans, j'étais furieux. Je l'avais vu en train de tromper mon père, je lui ai dit que c'était dégueulasse, qu'elle me faisait honte. Puis, peu après, j'ai appris que mon père faisait la même chose. Là, je ne savais plus. De quel côté me mettre, qui avait raison. En un sens, je ne savais pas si c'était juste. Je ne savais pas si je devais engueuler mon père aussi, ou m'excuser auprès de ma mère. Est-ce que c'est normal de tromper son compagnon s'il fait de même ? J'étais perdu.

De nouveau, je fais une pause pour manger une chips, aller caresser le chat. M'appuyer contre le frigo, mal à l'aise.

-Du coup, j'ai rien fait. Enfin si. J'ai refusé tout contact, tout essai de communication. Et j'ai...

Déglutissant, je lui jette un coup d'oeil. Pas vraiment fier, non. J'inspire. C'est un gros morceau.
Gros morceau degoûtant.

-C'était mon anniversaire. Ma mère était devant moi, les yeux brillants. Première fois que je sortais de ma chambre depuis des mois. Il faut savoir que, outre leurs disputes, ils étaient de parents fantastiques. Me soutenant. Me complimentant. M'en...

Ma gorge se noue. Trop de souvenirs.

-M'encourageant, tout le temps. Alors ils étaient là, incroyablement heureux que leur... petit saligaud de fils se soit enfin bouger le cul. Ma mère... ma mère...

De nouveau, je fais une pause.

-Ma mère m'a... m'a offert une photo de nous. Dans un cadre. Elle a dit que c'était fini. Qu'on était redevenu une famille ! Elle était bé... béate de joie. Ouais. Pile l'expression. Mon père aussi rayonnait comme jamais. J'ai détesté ça. Les voir sourire, alors que... que j'avais "tellement" souffert. Que ça ne se faisait pas, de dire que tout va mieux, comme ça, du jour au lendemain. La vérité, c'est que j'étais dégoûté de ne plus avoir d'excuse pour être détestable. Donc... donc...

Pas sûr de vouloir continuer, je m'interromps. Mais, les regrets se faisant plus fort, je reprends la parole.

-Je l'ai repoussée. Ma mère. Et... et j'ai foutu le cadre par terre. Il s'est brisé. Puis j'ai craché dessus. Toujours... toujours plus, hein ? En sortant, lorsque je me suis retourné pour leur dire que c'étaient des enfoirés d'hypocrites, j'ai vu ma mère. Elle était comme... perdue. Comme si un cauchemar venait d'interrompre son rêve. Brisée aussi. J'ai pas pu finir ma phrase, je me suis cassé.

Je m'assois doucement. Je ne veux plus rien. Juste partir. Comme je le souhaite. Rejoindre ma mère, lui dire que je suis désolé. Ici, c'est fini. Mon père est devenu quelqu'un d'autre. S'est marié avec quelqu'un d'autre. Je suis le seul de cette maison à avoir garder le nom de "Min". Tandis que je réalise ça, je continue de parler, machinalement.

-Après, ça a dégénéré. Tout a recommencé. Et ma mère est partie avec Holly. Voilà. Tu vois qui je suis, maintenant ? Un mec dégueulasse, égoïste, pervers. Je me dégoûte, bordel. Tout le monde me dégoûte, et moi en premier. On est tous si... superficiel. Toujours à se mettre en colère pour rien. À hurler de rire pour rien. Faudrait qu'on se la ferme, parfois, c'est tout. Prendre le temps de ressentir, d'être raisonnable.

-Et pourquoi tu m'as défendu, en classe ?

Surpris, je le regarde. Il s'est levé, et de là où je suis, me parait comme... irrité ? Le fait qu'il change brusquement de sujet est étrange.
Mais cette impression l'est plus encore.

-Et... mon histoire ? Tu n'as rien à dire ?

-Je m'en fous. Je t'ai demandé de me raconter qui tu étais, pas ton passé. Je t'ai dis que je m'en carrais de ton passé sombre et douloureux.

Il tape durement du bout de son index ma poitrine.

-T'es qui, toi, au présent ?

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Mind FuckOù les histoires vivent. Découvrez maintenant