Après la vérité

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Tout s'était écroulé en moins de quelques minutes. Sa défaite face au second élu l'avait privé de la destinée à laquelle il s'était préparé toute sa vie. Quelques mots hurlés dans l'immensité de sa salle du trône avaient balayé tout ce qu'il avait cru savoir. Lorsqu'il tentait de se remémorer cet instant, l'univers se brouillait autour de lui. Il n'y avait soudain plus que lui,  sa fureur d'avoir été vaincu par un enfant, ses hurlements, ses propos, le mépris glacé que lui renvoyait son œil unique.

Son statut de roi n'était qu'une illusion. Son noble idéal qu'une couverture pour des rêves qui n'étaient pas les siens. Ses croyances... rien de plus que le fruit d'une éducation savamment orchestrée. C'était ce qui le distinguait du genre humain naguère, la connaissance du bien et du mal. Lui seul savait ce qu'il était bon de faire pour améliorer ce monde. Tout mettre en place pour arriver à cette fin était donc son devoir naturel. Son devoir naturel. Son devoir naturel. Naturel. Naturel. Naturel.

Plus rien ne l'était désormais, naturel. Toute sa vie, il s'était épanoui dans une forteresse d'illusions dont chaque brique était un mensonge proféré par Ghetis. Maintenant qu'elle avait volé en éclats, il se tenait debout parmi ses vestiges, cherchant désespérément à s'accrocher à quelque chose qui aurait pu adoucir l'amère réalité. Ce ne pouvait tout de même pas être si terrible. Sa vie ne pouvait se résumer à n'être qu'une marionnette dont l'once de volonté propre ne mènerait nulle part. Il y avait certainement quelque chose. Il devait y avoir quelque chose. Après tout, il était sûrement en vie pour une raison.

Bien sûr. Bien entendu. Bien évidemment.

Il y avait une raison à cela... Mais elle demeurait bloquée en travers de sa gorge. Comment la chérir à présent qu'il la regardait sous la lumière de ce qu'il venait d'apprendre ? Il aurait dû mourir à l'âge de cinq ans. Il aurait dû croupir au fond des bois où il avait été délaissé par les autres villageois. N'était-ce pas pour cela qu'il y avait été abandonné ? Pour qu'il disparaisse en bonne et due forme et cesse enfin de déranger le commun des mortels par son comportement inattendu ? À moins que ce ne fût pour le ramener à l'état sauvage, où était véritablement sa place. Mais contre toute attente, il n'en était pas mort. Alors qu'il avait passé des jours sans autre compagnie que celle de Pokémon qui devinrent ses plus chers amis, une main étrangère lui fut tendue. Et tout changea à compter de ce jour où ce géant borgne le recueillit sous son toit et devint son père adoptif. Cet homme lui offrit un foyer : le palais souterrain où il vécut les quinze dernières années. Cet homme lui offrit une instruction : la souffrance de chaque Pokémon bafoué lui était une leçon de vie. Cet homme lui offrit un nom : Natural Harmonia Gropius.

Mais Ghetis n'avait rien du salvateur qu'il prétendait être. L'être déniché au fond des bois n'était pas destiné à devenir son enfant, mais un pion d'honneur sur son échiquier géant. Que méritait-il de plus, de toute manière ? Ghetis l'avait bien dit, il n'était rien de plus qu'une créature sans cœur et sans âme. Lorsque son père s'était permis de le qualifier ainsi en grand public, l'assemblée s'était indignée. Mais N ne pouvait qu'approuver. C'était tout ce qu'il pouvait espérer être... Une abomination qu'aucun esprit sensé n'aurait su concevoir sans l'aide de substances illicites. Une pauvre chose brisée dès le berceau, incorrecte et aberrante, dont sa propre famille n'avait pas voulu. Même avant Ghetis, personne ne s'était privé de l'informer qu'il n'était qu'un imposteur. Il fallait bien qu'il sache qu'il n'était pas de ce monde. Il n'aurait plus manqué qu'il prenne ses aises alors qu'il avait volé la place d'un enfant bien formé. C'était dans l'espoir de retrouver ce fils disparu que les autres l'avaient perdu dans la forêt, espérant le retourner aux obscures peuplades auxquelles il appartenait réellement. Oh, cela faisait si longtemps... Les souvenirs de son ancienne vie s'étaient profondément tapis dans sa mémoire pourtant gigantesque, alors pourquoi refaisaient-ils surface maintenant ? Étaient-ce les mots de Ghetis qui avaient éveillé les bribes de ce passé qu'il croyait révolu ? Même ses douleurs les plus anciennes faisaient sens, désormais. N s'était toujours cru plus proche des Pokémon que de ses pairs, mais il n'aurait jamais cru que ce pût être une mauvaise chose. Le regard que les autres lui portaient n'était guère différent que celui qu'ils réservaient à des bêtes, alors...

Après la vérité - OS PokémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant