Le lendemain matin, elle fut réveillée par le son de l'eau coulant sous la douche. Elle poussa un soupir qui ressemblait plutôt un grognement, se leva péniblement, prit son peignoir et ses affaires de toilettes et se dirigea vers la salle de bain en traînant des pieds.
« Robin! Dépêche-toi ! Il est six heures trente et si je suis en retard par ta faute...Tu sais très bien de quoi je suis capable ! Et je te signale que tu commences à neuf heures! », hurla Jenny en toquant à la porte.
Elle entendit l'eau se couper puis son frère ouvrit porte de la salle de bain, il avait ses cheveux encore en bataille et mouillés et avait noué une serviette autour de sa taille. Robin n'avait rien dans son visage qui laisser paraître qui l'avait passé une quasi nuit blanche mais il paraissait quand même très irrité.
« Je te signale que c'est TOI et pas MOI qui débute à neuf heures et même si je commençais à neuf heures, j'utilise la salle de bain quand je veux et ce n'est pas toi qui va venir m'hurler dessus à six heures du mat' alors que tu n’as même pas attendu quelques minutes ! Tu sais ce qu'est la PATIENCE!? Ah mais non, j'oubliais ! TU AS UNE VÉRITABLE PASSION POUR SON ANTONYME. Et au fait, je cite :"LA JOURNÉE APPARTIENT À CEUX QUI SE LÈVENT TÔT !" DONC DE L'AIR, MERCI », cracha Robin, hargneux.
Il était rancunier par rapport à la soirée, il n'y avait aucun doute. Jenny savait qu'il avait raison sur toute la ligne mais cela ne l'empêchait pas d'être quand même de mauvaise humeur et énervée. En plus, elle avait totalement oublié que son professeur de géographie était absent ce matin-là. Mais elle était quasiment sûre que son frère devait commencer à neuf heures mais bref, sûrement un déplacement de cours ou quelque chose du même type, pensa-t-elle. Elle glissa contre le mur et s'assit sur le sol en attendant que son frère daigne sortir. Sa mère devait sûrement être déjà en route pour son bureau et son père, n'ouvrant pas son cabinet de généraliste le lundi, dans sa chambre en train d'écrire son prochain roman. Six minutes plus tard la porte s'ouvrit sur son frère en peignoir mais toujours les cheveux en bataille. Il lui fit signe de rentrer puis disparut dans sa chambre. Jenny pénétra donc dans la salle de bain, prit une rapide douche, enfila son peignoir et sortit. Elle retourna dans sa chambre, décida de lâcher ses cheveux, enfila un chemisier noir et un jean blanc, mit ses mini-bottes noirs, jeta son sac sur son dos, prit un livre qu'elle souhaitait lire et sortit de sa chambre. Elle descendit tranquillement les escaliers, s'assit sur le fauteuil de l'entrée, sortit son livre et commença à lire. Quelques minutes plus tard, son frère arriva, le sourire au lèvre.
« Je commence à neuf heures! Cours déplacé annulé! Tu fais de la divination ou quoi Jenny?!
-J'ai toujours raison, dit-elle avec assurance en levant les yeux de son livre.
-J'ai tout mon temps maintenant, Jen'! Et je n’ai pas maths! Il se mit à danser puis monta les escaliers en hâte. Il redescendit quelques secondes plus tard, armé d'un ballon de football.
-S'il te plaît Jen', juste des tirs au but ! Et puis, il est seulement sept heures et demie !, fit son frère à Jenny.
-Qui a dit que j'allais refuser?, minauda tout d’abord Jenny, puis en voyant la mine dubitatif de son frère, Bon d'accord, le foot n'est pas mon sport préféré mais là je dois tuer le temps et puis on peut changer de temps en temps!
-Bah...Euh...d'accord! »
Ils prirent donc la direction du jardin et Jenny se plaça au milieu des cages, prête à arrêter un canon s'il le fallait.
« Foot en chemisier et bottes, bravo Jenny !, railla son frère.
-Quand j'aurais arrêté tous tes tirs, tu rigoleras moins, fit Jenny.
-Laisse-moi rire ! Tu n'en arrêtes jamais aucun! Mais ce n’est pas ta faute si tu as affaire au plus talentueux garçon de tous les temps ! Je suis juste trop fort pour toi !, s'exclama-t-il avec désinvolture.
-Nan mais OH ! Ça va les chevilles? Tu ne fais que confirmer comme quoi que la définition de Robin BLACKMOON est : Un être immodeste, égocentrique, arrogant, excessivement confiant, railleur de première classe, moqueur impertinent, blagueur de mauvais goût.
-Je suis unique, je n'ai pas de définition, fit Robin, les mains dans les poches.
-Hilarant, bref j'attends tes "MAGNIFIQUES" tirs, éluda-t-elle.
-Attention les yeux ! »
Robin prit son élan et tira, la balle rentra sans aucun soucis.
« Alors, on s'endort?
-La ferme.
-Ne t’énerve pas enfin ! Ce n’est pas ta faute si tu es totalement nulle. Je compatie. »
Jenny ressentit une violente colère la submerger. Elle devint aussi rouge que ses cheveux et hurla :
« TIRE POUR VOIR! ALLEZ TIRE. »
Robin écarquilla les yeux mais obtempéra.
La balle vola en direction de la gauche, Jenny, elle, se tenait à droite. Elle fit un incroyable salto avant, attrapa le ballon entre ses pieds puis elle atterrit sur le sol.
Robin écarquilla encore une fois les yeux et devint encore plus pâle que son teint blafard inné.
« Mais qu'est-ce que...Jenny ! »
Jenny, de son côté, était tout aussi médusée et angoissée. Elle était figée sur place, ses yeux fixant Robin.
« Je...Je…Co...Co...comment ? », bégaya-t-elle.
C'était flippant, oui elle pouvait le dire, flippant. Elle tremblait mais sa colère avait complètement disparu, d'ailleurs elle ne savait même pas pourquoi elle s'était autant énervé pour les habituelles moqueries de son frère, cela ne lui ressemblait pas. Elle s'était sentie comme... Non, elle avait tout simplement mal dormi et elle était irritée. Il n'y avait rien de bizarre là-dedans. N'est-ce pas? Mais cette figure...Tout ceci lui avait paru si...Si naturel, si intuitif...Comment avait-elle pu faire cela ? Elle ne savait même pas faire la roue correctement ! Mais non, elle avait dû sans doute eu une poussée d'adrénaline et de confiance ce qui avait fait qu'elle avait réussi cette prouesse. Oui, c’était l'hypothèse la plus plausible. Elle avait bien trop d'imagination. Tout ceci était tout ce qu'il y a de plus normal. « NORMAL. », se persuada-t-elle.
Pourtant son frère ne semblait pas être du même avis. Il ouvrit la bouche pour parler mais Jenny fut sauver par la sonnerie du téléphone de ce dernier qui se déclencha.
Il sortit son téléphone, répondit mais adressa un regard à Jenny qui laissait transparaître qu'il ne s'en tiendrait pas à là.
Le blond se retira dans la maison, la laissant se retourner l'esprit.
Il fallait qu'elle s'en aille. Elle allait arriver très en avance mais ce ne l'importait guère du moment qu'elle retardait au maximum cette conversation avec son frère même si quoiqu'il arrive, et elle le savait, elle devrait s’expliquer tôt ou tard.
Son sac ! Jenny l'avait laissé dans le hall d'entrée. Comment faire ? Elle décida de risquer le coup.
Pitié qu'une seule chose au moins se passe bien dans cette journée !, implora-t-elle intérieurement.
Jenny entra donc par la porte de devant sans faire de bruit, elle entendait son frère parler dans la cuisine. Elle fut partagée entre le soulagement et l'exaspération de voir son frère dans la cuisine. Quel gourmand ! Jenny jeta son sac sur son épaule et fila dehors.
Elle traversa le jardin à toute vitesse, passa le portail en essayant de ne pas le faire grincer et se mit à marcher en essayant de garder son calme. Peine perdue. Les événements de ces derniers jours se bousculaient dans sa tête. Mais que se passait-il ?
Qu'est ce qui lui arrivait ?
Ce n'était que dans les films que ces choses-là arrivaient, or elle était bien réelle dans un monde réel. Tout ceci n'avait aucun sens. Trouver une explication rationnelle, trouver une explication rationnelle, ne cessait-elle de se répéter. Elle se mit donc à trouver une solution pour chaque évènement :
Pour la roue, adrénaline.
Pour les tremblements de parquet...une armée de termites avait élu domicile sous son parquet.
Pour Frederik, petit génie trop malin.
Pour les inondations...oh et puis zut !
Le bus arriva et coupa court à ses pensées de « dérangée», selon elle.
Elle voulut monter mais fut bousculer par Hélène Derilea, la fille trop gentille, trop serviable , trop intelligente, trop belle et trop sympathique que tout le monde adorait.
Jenny ne pouvait pas la détester et elle détestait cela.
Trop c'était trop, excès de qualités, c’en était inhumain. Cette mielleuse jeune fille cachait forcément un côté sombre ou n’importe quoi qui pourrait la rendre détestable par quelques personnes, ou au moins humaine, Jenny en était convaincue et elle attendait avec impatience le jour où elle découvrirait quelque chose qui confirmerait sa théorie.
« Oh désolé, je ne voulais pas te bousculer, ça va ?, demanda Hélène.
-Oui merci, ça va , grogna Jenny , de mauvaise humeur. »
Hélène lui fit un sourire poli puis monta dans le bus.
Jenny monta à sa suite et s'assit seule au fond du bus.
Elle observait le paysage quand soudain une voix l'interpella:
« Euh, désolé est-ce que...je...Je peux m'assoir, il n'y a plus de place dans le bus. »
Jenny se retourna, un garçon qu'elle n'avait jamais vu auparavant au lycée se tenait dans l'allée et des regards nerveux autour de lui.
« Hum...oui bien sûr, assis toi, répondit la rousse.
-Merci. »
Il s'assit et elle prit soin d'éviter son regard, même si cela n’était pas réellement nécessaire puisqu’il fuyait également tout contact visuel.
Mais elle était tellement curieuse ! Qui était-il ? Quel âge avait-il? Et puis mince, pensa-t-elle.
« Tu es nouveau ?, croassa Jenny.
-Oui je suis nouveau, fit le mystérieux garçon sans toutefois la regarder.
-Tu as quel âge ?
-Seize.
-Tu rentres donc en première ?
-Oui, répondit-il tout aussi sèchement que les fois précédentes ,puis après une longue hésitation au cours de laquelle il semblait avoir fini par conclure qu’il valait mieux prendre part à la discussion s’il voulait que cette rousse inconnue stoppe ses questions, il daigna demander, Et toi aussi ?
-Oui, première S, déclara-t-elle, légèrement surprise par le fait qu’il rengage la discussion, elle qui s’était déjà tourné vers la fenêtre et qui avait commencé à s’agacer contre elle-même et son attitude sociable inhabituelle.
-Pareil, tu t'appelles comment ?, demanda-t-il en la regardant droit dans les yeux, ce qui semblait lui demander de fournir un effort.
-Jenny, Jenny Blackmoon, murmura-t-elle, gênée par ce soudain changement d’attitude de la part de son interlocuteur.
-Anglaise ?, demanda-t-il en détournant les yeux, visiblement aussi gênée qu’elle.
-D'origine, et toi tu t'appelles comment ?,dit-elle.
-Ethan Vatan, répondit-il avec une moue défaite.
-Oh mon pauvre ", pouffa-t-elle.
Il lui lança un regard noir et elle se ressaisit derechef.
« Tu habitais où avant ?, demanda-t-elle afin de changer de sujet.
-Toujours à Tisarapaire mais plus au sud, dans un autre lycée, souffla-t-il, ailleurs.
-Tu sembles nerveux, releva-t-elle, presque impoliment.
-Ce n'est pas une question, que veux-tu que je réponde à une phrase qui n'est même pas une question et à laquelle on ne peut pas répondre car c'est une affirmation ? », éluda-t-il d'un trait avec habileté. Jenny ne trouva rien à répliquer, consciente d’avoir dépassé les limites de la bienséance.
Il se racla la gorge et continua ses coups d’œil à la ronde.
Jenny reprit sa contemplation du paysage.

VOUS LISEZ
Jenny Blackmoon
PertualanganJenny vit paisiblement avec ses parents et son frère. Depuis l'anniversaire de ses seize ans, des inondations inexpliquées surviennent chez elle et des bourrasques de vent apparaissent au sein de sa demeure tandis que les fenêtres sont parfaitement...