Chapitre 5 : Résurgences méphistophéliques

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Chapitre 5 : Résurgences méphistophéliques


Tribu s'était isolé.

Ils avaient fait une pause dans leur errance, car bien que le voyage à deux soit plus agréable que la folie, il n'en restait pas moins assommant. D'autant plus quand on était aussi perchée et concentrée que Sitiv. Tribu ne voulait pas être celui de trop, celui qui dérange. Comme avec Ambroise et Opale, il l'avait senti. C'était comme s'il avait interrompu quelque chose, une parole, un mouvement, qui ne demandait qu'à se préciser mais qui en avait été empêché par sa simple présence...

Il s'était isolé.

Allongé dans le sable, la tête sur les mains, il songeait. Il sentait depuis un moment déjà un mal-être en lui. C'était une douleur, bien plus physique que psychologique ou émotionnelle, mais qui n'avait rien à voir avec son corps en voie de guérison. Cette douleur venait du ventre et de la poitrine. Elle n'était pas lancinante mais permanente, sans être assez profonde pour qu'il puisse en déterminer la source. Pour autant, son corps ne se trouvait pas affecté d'une quelconque manière, ni son esprit non plus. Il restait vigoureux et énergique. Il en déduisait donc que ce mal relevait davantage de l'impression que de l'infection, de même que l'empathie fait ressentir la joie et la tristesse, la colère et la peur, alors même que l'émotion n'est pas nôtre.

Il pensa à Opale.

Elle seule pouvait le plonger dans un tel état. Elle était toujours aussi malade. Bien vivante, ce qui s'avérait somme toute une excellente nouvelle, mais très malade. Tribu perçut bien vite le danger que son amie télékinésiste et télépathe encourait et il fut immergé dans une mer d'impuissance où il refusait de se laisser sombrer. Pourtant, il se concédait des moments de répit, conscient que ses craintes ne devaient en rien affoler Tiv, déjà anxieuse. Elle n'avait pas constaté de ses yeux l'état d'Opale comme lui-même avait pu le faire.

Dans ces pauses, nécessaires donc mais non moins pesantes, Tribu profitait de cette alchimie avec l'esprit d'Opale pour la soutenir. Il lui envoyait ses pensées les plus belles et son courage. Il lui transmettait sa force, à distance, grâce à un réseau dont seuls ceux qui ont frôlé la mort peuvent user. Il espérait que cette communion soit réciproque davantage qu'il n'en était convaincu. Mais ne pouvant agir directement pour son amie, ignorant tout de l'avancée de son mal, ces messages spirituels devenaient son unique ressource.

Il en était là de ses préoccupations lorsqu'un son étrange l'interpella. Sans bouger, il tendit l'oreille.

« Tribu... »

C'était un appel.

« Tribu... »

Une voix douce, profonde et presque enfantine.

« Tribu. »

Un chuchotement dans la brume.

Tribu se redressa. Il observa autour de lui. Son premier réflexe fut de se tourner vers Sitiv. Mais elle semblait en grande réflexion. Elle l'ignorait totalement.

« Tribu... Tribu... Tribu... »

Les murmures s'intensifièrent. La voix se fit plus insistante et se perdit en échos singuliers.

Tribu plissa les yeux. Au milieu de la brume, il décela une ombre. Immobile. Attendant.

Le jeune homme se leva. Il fit quelques pas dans cette direction. L'ombre disparut.

Tribu secoua la tête, les yeux fermés, pour se remettre les idées en place. Il se frotta vigoureusement le visage. Mais de nouveaux chuchotements l'empêchèrent de revenir à lui pleinement.

Les Guerriers des limbesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant