Seconde partie : SEVISSES
Chapitre 7 : Pécher par orgueil
« Et iam
Iunonia laeua parte Samos [...]
dextra Lebinthos erat fecundaque melle Calymne,
cum puer audaci coepit gaudere uolatu
deseruitque ducem caelique cupidine tractus
altius egit iter »
Ovide, Les Métamorphoses, « Icare »*
* Traduction du latin « Déjà, sur leur gauche se trouvait l'île de Junon, Samos [...] ; sur leur droite se trouvaient Lebinthos et Calymné, riche en miel. C'est alors que l'enfant se sentit grisé par son vol audacieux, et cessa de suivre son guide ; dans son désir d'atteindre le ciel, il dirigea plus haut sa course. »
OPALE
J-10
Une nuit s'est fermée. Un jour s'ouvrit. Je venais de traverser. J'humai l'air du monde, le vrai, le vivant. Une secousse me croqua le ventre. Je m'éloignai pour vomir. Mes amis me demandèrent si je me sentais bien. Je me redressai. Je ne m'étais jamais sentie aussi bien. Mon mal s'était envolé d'un coup. J'ai simplement suffoqué. C'était comme si j'avais été enfermée dans une boîte et que soudain, on m'en libérait. J'ai senti les décharges dans tout mon corps. Elles m'ont ramenée à la vie. La fièvre avait baissé. La fatigue avait été remplacée par une énergie neuve et l'encrassement de mon âme purgé. Plus de trace de la furie et de son passage, comme si cela n'avait jamais existé. J'avais l'esprit embrouillé pourtant. Ma mémoire était fragile. De nouvelles images s'immisçaient en moi, comblant certains vides laissés par mon pouvoir, en creusant d'autres plus sombres et plus perturbants. Je ne me sentais pas moi-même.
C'était la fin de journée. Une journée... J'avais eu peur d'oublier le temps. Mais il n'en était rien. Il me sembla n'avoir jamais quitté ce monde. Le soleil achevait sa course pour disparaître derrière les montagnes. Le ciel se teintait de couleurs froides à mesure que l'astre décroissait. D'abord orangé et chaud comme le feu, il devint rose poudré puis violet et indigo.
Il faisait nuit.
Je n'avais pas vu la nuit depuis des mois. Ni l'herbe. Ni les étoiles si brillantes que je crus rêver. Je revenais de loin. Dans ma tête, les pensées se bousculaient. Je repris pourtant peu à peu le contrôle de mon esprit et de mon cœur, en découvrant qui j'étais et ce que j'avais fait.
J'avisai Ambroise, allongé dans l'herbe. Il était réveillé mais n'osait bouger pour ne pas me brusquer. Je me relevai pour le laisser respirer. Il se redressa. Son mutisme m'inquiétait. Je n'en dis rien. Je le vis regarder autour de lui. Je fis de même, en espérant que cela débloquerait la situation.
J'observai l'horizon.
Toujours pas de mots échangés avec Ambroise. Je ne tins plus.
Je m'assis à ses côtés sur un rondin de bois égaré par quelque bûcheron improvisé qui ramenait chez lui de quoi se chauffer pour l'hiver.
Ambroise ne releva même pas la tête vers moi.
- Est-ce qu'on peut discuter ? demandai-je imprudente.
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Les Guerriers des limbes
FantasiaQuatre guerriers se réveillent dans les limbes. Ils sont perdus. Ils ignorent comment ils sont arrivés là. Mus par leurs instincts, ils réalisent qu'ils doivent trouver au plus vite un moyen de revenir sur terre. Une invasion démoniaque s'y profile.