Chapitre 4 : Aenigmata superefficientis

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Chapitre 4 : Aenigmata superefficientis


Ambroise lança un regard en arrière pour s'assurer qu'Opale était toujours là.

Elle n'avait pas fui dans ses cauchemars à nouveau.

Il faisait mine de savoir où aller pour qu'elle garde confiance. Il se voulait rassurant. Il l'avait déjà perdue deux fois. Il avait trop peur du dicton. Il ne voulait pas remettre ça. Ses blessures étaient encore trop vives.

La première fois, elle l'avait rejeté, prétextant que ses sentiments n'étaient pas réciproques et qu'elle avait joué avec lui. Elle lui avait brisé le cœur. Il n'avait pas honte d'en parler en ces termes. Il était assez fort pour assumer ses sentiments. Il avait grandi. Il s'était construit comme un homme, solide et ouvert aux autres, compréhensif, confiant. Cette distance qu'elle avait instaurée entre eux l'avait largement ébranlé. Il avait réagi avec moins de recul qu'il ne l'aurait cru à l'époque. Il s'en rendait compte à présent. Opale avait ce regard qui n'aurait pas dû le berner. Car ce regard, il l'avait lui-même abhorré un certain nombre de fois. Ambroise avait compris depuis qu'Opale avait menti. Elle ne voulait pas s'impliquer dans une histoire trop belle pour qu'elle y croit. S'il avait réalisé tout cela plus tôt, il ne l'aurait pas perdue une seconde fois. Il n'aurait pas eu cette conversation désastreuse avec elle. Opale n'en aurait pas fait le responsable indirect de sa solitude, de son manque et de son chagrin. Ambroise trouvait cette réaction injuste. Mais il aimait trop cette femme pour éprouver une quelconque rancœur envers elle. Pire, il parvenait presque à la comprendre. Il lui semblait que son cœur ne faisait qu'un avec le sien, et de la façon la plus naturelle, comme s'il en avait toujours été ainsi. Il était mort. Elle était morte aussi. Mais tous deux avaient été rappelés. Il avait été envoyé à elle. Elle, amnésique et perdue. Il voulait croire en sa chance. Il voulait saisir cette opportunité offerte par le destin de remplacer les pires souvenirs par de meilleurs. Des souvenirs de partage, de sécurité et d'amour. Il voulait la ramener à la vie.

Au fil des pas, Opale semblait se laisser apprivoiser. Elle était moins craintive qu'au moment de leur rencontre. Moins silencieuse aussi. Peut-être était-ce dû à sa maladie. Elle comprenait à quel point elle avait besoin de lui. De temps à autres, elle l'interrogeait. Sur lui, sur elle-même, sur les autres. Il essayait de répondre du mieux qu'il pouvait. Mais il était souvent confus. Il n'avait jamais su tenir de longs discours. C'était un homme d'action et d'écoute. Il avait peur de trop en dire, ou pas assez. Il souhaitait raviver ses sentiments, mais pas sa colère ou sa haine. Il espérait rallumer la flamme sans déclencher un autre incendie destructeur. Bien sûr, elle, elle ne se doutait de rien. Elle avait choisi de lui faire confiance, sans doute en écoutant son instinct comme elle l'avait toujours fait. Mais elle ignorait le fond de la pensée d'Ambroise. Comment aurait-elle pu le deviner ? Rectification. Elle aurait pu le deviner. Elle était très intuitive. Empathique. Explosive. Ambroise lui avait énuméré ces qualités. C'était d'ailleurs l'une des premières choses qu'il avait faites pour la convaincre de le suivre encore et encore à travers le désert. Il n'avait pas encore décidé si c'était une bonne ou une mauvaise chose de l'avoir aussi facilement persuadée. Peut-être aurait-il aimé avoir à se battre un peu plus.

Voilà qu'il allait se plaindre d'un excès de simplicité. Lui qui avait toujours subi des relations et réactions trop compliquées. Quelle blague.

- Qu'est-ce qui t'amuse ?

Opale avait rattrapé Ambroise, enfin. Il n'avait pas réalisé qu'elle l'observait.

- Ça fait longtemps que t'es à-côté ?

- Juste assez pour te voir marmonner et sourire. A quoi tu pensais ?

- A rien. Je me disais juste que les choses n'étaient pas simples, mentit le jeune homme en souriant.

Les Guerriers des limbesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant