Les Guerriers des limbes

Chapitre 10 : Primitif

Chapitre 10 : Primitif

« Mes cauchemars anciens reviennent.

Cette nuit, j'ai senti quelqu'un accroupi sur moi, et qui,

sa bouche sur la mienne, buvait ma vie entre mes lèvres.

Oui, il la puisait dans ma gorge comme l'aurait fait une sangsue.

Puis il s'est levé, repu, et moi je me suis réveillé,

tellement meurtri, brisé, anéanti, que je ne pouvais plus remuer. »

Maupassant, Le Horla

TRIBU

- Tribu, bonjour. Je t'attendais.

- Tu savais que je viendrai ?

- Bien sûr. Je sais à quel point je te manquais...

Apatê se défait de son costume de général. De dos, Tribu la voit perdre quelques centimètres. Ses cheveux deviennent plus soyeux, toujours tressés et flottant jusqu'aux bas de son dos, cambré maintenant, frôlant ses fesses rebondies. Elle est presque nue, telle que Tribu l'a connue dans les limbes. Il devine sa généreuse poitrine d'après la contraction de ses trapèzes et la fixité de son regard turquoise grâce à la raideur de sa nuque. Apatê se retourne enfin. Elle sourit. Elle s'approche de Tribu et entame sa parade.

- Je t'ai manqué aussi semble-t-il, souligne Tribu en feignant d'entrer dans son jeu.

- Oui et non, avoue Apatê. Je n'étais jamais très loin...

Tribu flaire le piège. Apatê tourne autour de lui comme un rapace autour de sa proie. Sa démarche est aérienne. Tribu se méfie.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Mon omniscience t'inquiète ?

- Cesse de répondre à mes questions par d'autres questions, rétorque Tribu un brin irrité.

Apatê s'offusque. Elle affiche une mine boudeuse.

- Très bien, cède-t-elle pour son plus grand plaisir. Vous avez mis du temps à traverser après nous. Cela nous a suffi pour tout mettre en place.

Elle bat des cils devant Tribu pour s'assurer de son attention. Il reste faussement impassible. Apatê poursuit.

- Il a été facile de corrompre la capitale. Une fois nos places assurées, nous avons découvert des tas de choses divertissantes et des plus intéressantes. Par exemple, savais-tu que la mère d'Opale était morte de la main du frère aîné d'Ambroise ? Et que son père, fou de chagrin s'est enfui en mer pour y périr ? C'est fascinant, n'est-ce pas, comme les gens peuvent être liés...

Tribu se tait.

- J'ai appris aussi que la futée Sitiv, ton amie d'enfance, appartient à une catégorie de personnes rares. On qualifie leurs capacités cérébrales de « haut potentiel intellectuel et émotionnel ». Ils ne correspondent qu'à trois pourcents de la population, tu te rends compte ?

Apatê a l'air fasciné par chacune de ses propres paroles.

- Trois pourcents ! Je comprends que tu l'aies choisie comme alliée. Autre information incroyable : ton cas à toi. J'avoue avoir été un peu impressionnée par ton charisme mais si j'avais su que j'avais affaire au dernier primitif en vie, oh ! Dans quel état d'excitation j'aurais été !

- A quoi nous mène cette conversation ? la presse Tribu.

- Sois patient...

Elle lui caresse le torse en minaudant.