Chapitre 8 : La pomme de la discorde

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Chapitre 8 : La pomme de la discorde

« What, drawn, and talk of peace !

I hate the word, as I hate hell, all Montagues, and thee :

Have at thee, coward ! »

Shakespeare, Romeo and Juliet

AMBROISE

Scène 1

Tribu, Ambroise, Opale, Sitiv

Une plaine. Nuit.

Ambroise surgissant de nulle part et s'écroulant au sol.

SITIV, chuchotant : Il n'a pas l'air bien.

Sitiv s'agenouillant puis passant sa main devant la bouche d'Ambroise entrouverte.

SITIV, à Tribu à voix basse : On dirait qu'il ne respire pas.

Sitiv prenant le pouls d'Ambroise et comptant. Ambroise parcourut d'un frisson. Sitiv reculant.

AMBROISE, ouvrant les yeux : Ça a marché ?

***

Ambroise grommela. Trois voix s'agitaient doucement autour de lui. Il ouvrit un œil discrètement. Il vit d'abord l'herbe et la terre. Puis des pieds. Trois paires de pieds. Il fut tiré vers le ciel et se retrouva debout sans avoir rien demandé. Tribu, Sitiv et Opale le dévisageaient. Etrangement. Tribu se risqua un geste et dressa ses deux index au-dessus de sa tête. Ambroise glissa ses mains dans ses cheveux et y rencontra deux cornes et deux oreilles. Les éclairs du portail avaient dû titiller son don de métamorphose autant que son ubiquité. Il la savait d'ailleurs perdue à jamais, sacrifiée pour que, scindé en deux, une partie de lui puisse regagner la terre quand l'autre resterait prisonnière des limbes. Il toucha les cornes et fit disparaître ces irrégularités aussitôt. Grisé par cette énergie, Ambroise changea finalement d'avis. Les cornes reparurent avant tout le reste.

- Je vais faire un tour, annonça-t-il seulement aux trois autres.

Et il partit en courant.

Ses pas s'enfonçaient légèrement dans la terre meuble. C'était une sensation bien plus agréable que le sable rugueux qu'il avait connu ces derniers mois. Les odeurs de la nuit firent frémir ses narines. Et les bruits vivants... Un mulot dans l'herbe fit croustiller une branche. Ambroise tendit les bras vers le ciel. La chouette cuivrée tournoya au-dessus de sa proie et poussa un hululement frais. Elle fondit sur le mulot. Mais Ambroise était bien trop heureux pour avoir faim. Ses pattes de chat se posèrent sur le sol, encadrant le mulot tremblant. Le chat voulait jouer. Il soulevait une patte, offrant une porte de sortie à son nouvel ami, puis le poursuivait un instant, le bloquait, le contournait. Puis à nouveau, recommençait. Il le laissa finalement s'enfuir le cœur battant. Le chat se roula dans l'herbe pour en savourer le contact. Une chatouille sur son museau lui hérissa le poil. Une araignée grimpait sur sa tête. Il éternua pour la chasser et son souffle se mua en ébrouement. L'étalon cabra avant d'enfoncer ses pattes avant brutalement dans le sol. L'araignée fila sans demander son reste. Le cheval de cuivre secoua sa crinière pour mieux éprouver le vent qui l'agitait. Que c'était bon de vivre à nouveau. Ambroise était sur le qui-vive, prêt à bondir, à danser, vibrant au rythme des sons nocturnes. Puis lorsque le jour vint, il voulut faire la fête au soleil qu'il n'avait pas vu depuis trop longtemps. Il s'étendit comme un lézard, avide de chaleur.

Il ne recouvra sa forme humaine que lorsqu'Opale montra des signes d'impatience. L'orage éclata.

***

Les Guerriers des limbesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant