VII

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« Ça va ? »
Agréablement surprise par le fait qu'il ait correctement orthographié cette courte phrase, habituellement ruinée par les gens, je décide  de poursuivre la conversation.
« J'irais beaucoup mieux si je ne parlais pas à un inconnu. »
« Dis tout de suite que tu veux apprendre à me connaître ;) »
Le pauvre, il va vite être très déçu.
« Est ce que te bloquer serait une preuve suffisante pour te prouver que je ne m'intéresse ni à ton identité, ni à ta vie ? »

Sans attendre de réponse, je jette un coup d'œil rapide vers le haut de mon écran pour apercevoir l'heure. Comme je m'y attendais, l'horaire prévue pour mon appelle vidéo avec Zack venait d'apparaître sur mon téléphone. Sans plus attendre, après quelques manipulations la voix roque de mon meilleur ami se fit entendre.
« Allô chaton ? Comment tu vas ce soir ? »
A l'entente de ce surnom totalement stupide qu'il aime utiliser pour me désigner, un petit sourire prit forme sur mon visage. Je n'ai jamais sus pourquoi, mais cette appellation provoque chez moi une sensation de bien-être.
« Comme d'habitude et toi ? » dis-je sachant pertinemment qu'il allait commencer son récit.
« Moi je vais bien, je vais toujours bien. D'ailleurs tu ne devineras jamais ce qu'il m'est arrivé aujourd'hui ! »
Son enthousiasme me fait  toujours rire. Chaque soir c'est la même routine, il ne peut s'empêcher d'être surexcité quand il s'agit de me parler de ses aventures. Son sourire est tellement grand que l'on pourrait couvrir la distance Paris Dakar avec.
Pour toute réponse, ma tête hochait de gauche à droite pour lui confirmer que je ne devinerais jamais et que par conséquent il devait tout me raconter.
Il prit une grande inspiration et débuta son récit.
« Alors déjà, ce matin je me suis fait contrôler par les poulets. Je me fais toujours contrôler par les flics » dit-il avec une pointe d'énervement. « Je suis sûr qu'ils n'aiment pas ma gueule de toute façon. Enfin bref, après cette courte entrevue avec les forces de l'ordre, je me suis rendue en cours.. en retard. Justement à cause des poulets ! » hurlait-il.

Un léger rire provenant de mes lèvres se fit entendre. Si vous voulez mon avis, je suis persuadée que Zack finira flic, mais ça ne reste que mon avis.
« Donc j'ai séché ma première heure, comme pratiquement tous les jours. » ajoutait-il avec banalité. « Pendant cette heure, je me suis retrouvé avec Maxime, tu sais le toxico, je t'en avais parlé. »

Je ne dis pas un mot mais mon esprit lui, est  contrarié. Zack ne se sortirai jamais de toute cette merde si il continuait à avoir ce genre de fréquentations. Mais encore une fois, qui suis-je pour juger, étant moi même une certaine forme de « mauvaise fréquentation ».
« On a partagé un joint et on a parlé de la pluie et du beau temps. Il est vraiment cool ce gars, il faudrait que tu le rencontre. L'heure où je dû le quitter est arrivée plutôt vite à vrai dire, mais les heures de cours, elles bien au contraire, étaient mille fois trop lentes. Je penses que tu connais ça. »
Mon téléphone, pendant le récit de Zack, n'arrête pas de vibrer et d'émettre le son d'une notification. J'ai eu beaucoup de mal à me concentrer sur son histoire ce soir là, je dois bien l'avouer. Sans m'en rendre forcément compte, je me demande bien qui est  entrain de m'harceler. Littéralement. Mais pour découvrir l'identité de mon «admirateur» je dois  quitter la conversation vidéo avec Zack. Par expérience, je sais que faire ça allait le rendre triste. Zack a besoin d'attention, il a besoin de se sentir écouté, et je suis sa seule oreille. Alors, me rappelant que mon meilleur ami a  besoin de moi, je mis de côté les messages et me concentre sur ses péripéties qui prirent fin deux heures après le début de notre appel.

Le délinquant qui me sert de meilleur ami vient tout juste de raccrocher sous le coup de la fatigue. Même si il a  trouver le moyen de faire passer cet arrête brutal pour l'une de ses bêtises. «  Je vais aller fumer » m'a t-il dit.
Zack ne dévoile rien, pas la moindre faiblesse, même être fatigué est une forme de faiblesse pour lui. Une fois, une seule fois, durant ses longues années d'amitiés, j'avais eu l'occasion de voir Zack s'ouvrir à moi. C'était .. un moment difficile et y repenser me foutait le cafard.

Aussi rattrapée par le sommeil, je fais un dernier tour de mes réseaux sociaux avant d'aller dormir. Comme un flash, je me souviens  des nombreux messages reçus pendant ma conversation vidéo. Sans plus attendre, mes doigts me firent entrer dans l'application Ins. Sans trop d'étonnement, j'ouvre les messages de Monsieur la racaille de la campagne, et vois  une dizaine de petites bulles.
« Tu n'oserais pas »
« Madame ne répond plus »
« Attend tu m'as bloqué ? »
« Depuis quand on me bloque comme ça, elle est folle elle »
« J'espère pour toi que t'es juste occupée »
« De toute façon les filles avec un minimum de charme se prennent pour des princesses, on peut même plus les approcher »
« Toi et moi on finira par parler tu verras »
« Bonne nuit Madame je fais ma princesse »

Je suis partagée entre le rire et le dégoût. Alors pour simple réponse, j'inscris ces quelques mots.
« Bonne nuit Monsieur le frustré. »

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