Ouvre les yeux.

XII

« Allô ? » sa voix grave du matin retentit dans mes oreilles.
« Chaton ? Ça va ? Il est super tôt, qu'est-ce qui ce passe ? »

  Mes larmes perlent sur mes joues, et le vent froid du matin vient me percuter à toute allure. J'essaie de prononcer quelques mots, une phrase, mais rien ne sort. Ma gorge est comme envahie de larmes, je n'ai pas la force de faire fonctionner ma voix.

« Tu m'inquiètes, j'entend que tu pleures Luna, raconte moi, je suis là pour toi tu sais. »

  Après un effort ultime, un mot, un son arrive à se faire entendre.

« Papa. »

  Ma voix se casse et mes larmes ne cessent de couler, je ne peux plus m'arrêter de pleurer. Ma respiration est courte et saccadée. La voix de Zach fait échos dans mes oreilles mais je ne discerne même plus ce qu'il me dit, je suis aveuglée par la douleur de ce jour.
Un dernier mot prononcé par mon meilleur ami, est bien le seul que j'arrive à discerner.

« J'arrive. »

  Après ça, plus rien, il a raccroché.
Il arrive ? Impossible, Zach est si loin de moi, mon meilleur ami est loin, mon frère est loin, mon père n'est même plus là. Je suis seule, beaucoup trop seule.

  Je suis seule dans la ville du matin, les voitures roulent autour de moi, les gens passent, les commerces  s'ouvrent et le monde se réveil. Pourtant, je ne ressens plus aucune once de vie en moi. A vrai dire je ne ressens plus rien.
Je ne perçois rien et tout en même temps. Le bruit est si fort, tout hurle dans mes oreilles. C'est infernal. Il faut que ça s'arrête, il faut que je trouve un endroit calme, il faut que je retrouve mes esprits.
J'avance doucement dans ce brouhaha en quête d'une place plus saine, je marche pendant des minutes qui paraissent des heures, sans vraiment savoir où je vais.

  Après trente-cinq minutes de marche, mon corps rejoint mon esprit. Je suis arrivée là où je devais être. Au cimetière.

  Quatre heures. Quatre heures que je suis assise devant la tombe de mon père. Je n'arrive plus à me relever, je n'arrive plus à sortir de ce lieux calme et apaisant. Je ne sais pas pour vous, mais je trouve que les cimetières sont les endroits les plus reposant et les plus rassurants.

  Mon téléphone vibre énormément depuis ce matin, c'est sûrement Zach. Jusque-là je n'ai pas eu la force de regarder mon écrans. Ni la force, ni l'envie d'ailleurs alors, je l'éteint tout simplement.
Rien n'a le droit de perturber mon moment avec mon père. Je lui raconte, entre chaque larmes, les aventures aussi pauvres les unes que les autres, qui prennent place dans ma vie. J'attend sa réponse comme si elle allait arriver. J'essaie de me souvenir de sa voix. Cette voix qui m'a bercé durant toutes ces années.
Il est à jamais mon exemple et ma force. Je vais continuer d'affronter le Monde, jusqu'au jour où je le rejoindrais.

  Me voilà enfin sortie de cette accalmie. Je déambule comme un mort vivant le soir d'Halloween. Mes jambes me guident et mon esprit est ailleurs.
Je décide de rallumer mon téléphone, enfin.

         { 15 appels manqués de Zach💞 }
« Luna ? »
« Je viens de prendre mon billet de train.»
« J'arrive chaton, ça va aller. »
« Je devrais arriver vers 13h30. »
« Je m'inquiète énormément. »
« Réponds moi au plus vite. »
« Oublie pas que je t'aime fort. »

  13h30 ? C'est dans exactement 45minutes, je vous laisse faire le calcul. Je ne réalise pas bien que je vais le voir. Je vais enfin voir mon meilleur ami. Celui qui me fait rire et qui m'énerve à la fois.
Tout ce que je sais, c'est que sa présence va me faire un bien fou.

  Je me dirige, en me pressant légèrement vers la gare qui doit accueillir le train de Zach. Je stresse. Je tremble et j'ai les mains moites. Ma respiration est saccadée et mes yeux toujours embués de larmes.

  Plus que 10 minutes. J'attrape mon téléphone et décide d'envoyer un message à mon meilleur ami.

« Je t'attend, je ne sais pas quoi faire entre partir en courant ou faire un malaise. J'espère que tu es dans le même état que moi. »

« Je crois que jamais, je n'ai eu autant envie de vomir. Pourtant, crois moi que la vodka est devenue mon sang. »

  J'esquisse un léger sourire à sa blague nulle.
Aujourd'hui je me suis rendue compte que sans lui, je ne serais personne. Il est mon pilier.