VIII

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    Je le jure, un jour je briserais ce réveil. Le cadrant de l'objet meurtrier affiche 7h30. Généralement je n'aurais rien dis et ne me serais pas réveillée de mauvaise humeur mais, aujourd'hui nous sommes samedi. Le samedi est fait pour dormir le plus possible, dormir à en être dégoûté. Le pire dans toute cette histoire c'est que je suis la seule responsable de ce massacre. Si mon cerveau, aussi dénué de neurones soit-il, avait pensé à éteindre cette machine de la mort, à l'heure qui l'est, je serais toujours plongée dans mes rêves. Sachant très bien que, malgré la fatigue  toujours présente , je ne pourrais pas me rendormir, je mis à profit ce temps de sommeil perdu. Comme à chaques réveils, l'une de mes mains attrape mon téléphone, bien trop froid à mon goût, et le rapproche de mon visage encore endormi.  Je frappe mon code pour déverrouiller ce petit boîtier, et survole les quelques notifications présentes. Sans vraiment m'en rendre compte, ma curiosité prit le dessus sur tout mon être et guida mes yeux sur la conversation avec le frustré. J'ai reçu une réponse, un message très matinal. En effet, la réponse avait été envoyée à 6h00 ce matin.
« Moi frustré ? Tu n'es pas ma priorité, loin de là »

   Je trouve sincèrement que les hommes sont de mauvaise foi. Jamais ils n'auront le courage pour admettre qu'une femme a raison. Je ne vais pas rentrer dans un débat féministe, qui est d'ailleurs l'un de mes sujets préférés, parce que sinon j'en ai pour au moins quatre heures. Juste pour l'introduction de mes propos.
« Je ne suis pas une priorité ? Dit-il après m'avoir envoyé une dizaine de messages parce que je ne répondais pas. »
   Je n'ai même pas le temps de changer de conversation que sa réponse apparaît  devant mes yeux, rapide le petit. Et après ça je dois encore croire que je ne suis pas une priorité. 

« Personne ne me fais attendre, je n'aime pas parler dans le vent sache le »
  Mais pour qui se prend-t-il ? J'ai réellement envie de le faire attendre pour mon prochain message, histoire de le provoquer. Je suis comme ça, j'aime tenir tête. Mais encore une fois ma curiosité prend les commandes. Je veux comprendre deux ou trois petites choses. 
« Très bien, alors réponds à ces questions et après peut-être que je ne te ferrais plus attendre. » 
  « Je t'écoutes »
  Aller c'est partit pour un interrogatoire digne des plus grandes séries policières.
« Quel est ton prénom ? Je te l'ai dis, parler avec un inconnu me dérange. » dis-je sans vraiment y croire.
  Je parle souvent à des gens que je ne connais pas , et la plupart du temps, je ne suis  pas aussi dure avec eux. Mais je me méfie beaucoup de cet étranger, il a exactement tout ce que je déteste chez un humain.
«Valentin, maintenant je ne te dérange plus ;) »
    Je dois admettre que ce prénom lui correspond  plutôt bien.
« Quel âge as-tu ? Ne mens pas, je sais détecter les vieux pervers. » ajoutai-je avec une pointe d'humour.
« 18 ans, j'espère être plus vieux que toi, l'inverse serait perturbant pour un couple »

   Un couple ? Sans m'en rendre compte, un fou rire s'empare de moi. Moi, lui, un couple ? Il faut que quelqu'un lui remette les idées en place. Je n'ai jamais eu de relation et ce n'est pas maintenant que je vais m'encombrer avec quelqu'un. Encore moins avec une fausse racaille de la campagne. 

  « J'ai 16 ans, beaucoup trop jeune et beaucoup trop désintéressée par ta candidature. Revenons à mes questions. Où habites-tu ? » en espérant qu'il habite très loins d'ici. 
  « Tu oses me traiter de vieux pervers mais là c'est plutôt ton rôle hein. J'habite dans le sud de la France et toi ? »

  Un soupire de soulagement se dégage de mes lèvres, je n'aurais donc pas à croiser ce Valentin. Déjà que sortir est un supplice alors si je fais de mauvaises rencontres dehors, autant m'enfermer pour toujours.
« Paris » répondais-je avec un semblant de fierté.
Peut être allait-il abandonner à cause de la distance.
« Ce n'est donc pas un mythe, les parisiennes sont sublimes. Une autre question peut être ? »
  Je déglutis, « sublime », quand est ce qu'il va  comprendre que je ne suis  pas intéressée. Ce genre de techniques totalement nulles me donnent juste envie de vomir.

  « Pourquoi me parles-tu ? N'insinue plus jamais que je suis sublime. » lâchais-je légèrement sur les nerfs.

  « Je te parles parce que je te trouves sublime ;) »

    Il veut que je m'énerves, c'est ce qu'il recherche mais je ne lui ferrais pas ce plaisir. Je sais garder mon sang froid et ce n'est pas un gamin qui va me le faire perdre. Pendant quelques secondes, je continue de chercher  des questions mais rien ne vint. Mes pensées étaient occupées par le mot « sublime » je haï ce mot du plus profond de mon coeur.

~~

    Je cours le plus vite possible dans l'herbe de mon jardin. Mes petites chaussures blanches sont désormais totalement vertes. Mais ce n'est pas grave, je dois courir vite pour qu'il ne m'attrape pas.
« Attention j'arrive !!! »
   Je rigolai doucement en essayant de me cacher. Si il me trouve je vais avoir le droit à tout un tas de chatouilles et il va encore me manger mes bonbons. J'étais cachée derrière un arbre, c'était la planque parfaite ! Je n'étais pas plus haute que trois petites pommes alors il ne me trouverait pas, c'est sûr !
  « Où es-tu petit coeur ? »
   Par réflexe, je criai «ici ! » mais après plusieurs secondes, je me retrouvais en l'air portée comme un sac à patates. Mon rire cristallin résonnait de tous les côtés. J'aimais être sur ses épaules, il était tellement grand que j'avais l'impression de toucher les étoiles. Mes pieds touchèrent enfin le sol, et Thomas me déposa sur le canapé.
  « Alors petite sœur, tu croyais réussir à m'échapper ? »
Je rigolai, et hochai la tête de gauche à droite, je le savais au fond de moi, qu'il me retrouverait toujours et qu'il serait toujours là pour moi, où que je sois.
  « Dissss Thomas on peut regarder les dessins animés ? »
Il me regarda et sourit. Il alluma la télévision et me fixa quelques secondes avant de me chuchoter
  « N'oublie jamais ça petit coeur, tes yeux sont sublimes, tout comme ceux de ton papa.»
Je me retournai vers mon grand frère et lui dis « Toi aussi tu as des beaux yeux mais pas autant que les miens. »
Il rigola et je finis par m'endormir dans ses bras.

~~
  Me sortant de ma rêverie, le son d'une notification apparue dans mes oreilles. J'essuyais une larme qui perlait au coin de mon œil et ouvris le message.
« J'ai le droit de connaître ton nom ? Ou c'est trop confidentiel ? »
   Sans vraiment  comprendre ce que je faisais, mes doigts frappèrent mon clavier.
« Luna.»

Ouvre les yeux.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant