Prologue : Rétablir l'ordre

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Calvin eut un frisson. Une légère brise s'était levée, le prenant au dépourvu. Satisfait de cette surprise, il s'extirpa hors de son sweat et le plaça sur son épaule gauche.

Il était difficile d'imaginer que, quelques heures plus tôt, il régnait une chaleur insoutenable. C'était le propre des endroits désertiques ; si l'on avait pas succombé sous un coup de chaleur dans la journée, alors on avait la chance de pouvoir profiter d'un véritable rafraîchissement une fois la nuit venue. Et au mois de mai, les températures pouvaient déjà atteindre les quarante degrés à midi.

Calvin se redressa, inspira profondément, et reprit sa marche le long du bitume. Les étoiles scintillaient au-dessus de lui, joyeuses et lointaines. Avec la lune à demie pleine, elles conféraient assez de lumière pour éclairer le paysage autour de lui. Des plis rocheux à perte de vue, qui finissaient par boucher l'horizon nocturne en de véritables montagnes. Le tout était ponctué d'une maigre végétation. De la poussière et des cactus : c'était ce qui constituait la majorité du parc national de Los Padres. Calvin regrettait de ne pas pouvoir passer plus de temps dans ce genre d'endroit. Il aimait se trouver seul à seul avec la nature. Face à son aspect le plus rude et le plus impitoyable.

Cela lui rappelait quelle place il occupait.

Soudain, un faisceau lumineux vint le frapper par derrière. Il vit sa silhouette se découper nettement devant lui. Elle se raccourcit rapidement, annonçant l'approche d'un véhicule. Calvin se décala davantage sur la droite, s'éloignant de la route, par prudence. Il fut presque aussitôt dépassé par un véhicule particulièrement rapide. Il crut entendre de la musique à son passage, mais la voiture s'éloignait déjà à toute allure. Son instant de sérénité était brisé.

Il n'avait même pas pu apercevoir sa couleur.

Subitement, il s'aperçut qu'une autre source de lumière avait apparu dans son champ de vision. Sans s'en rendre compte, il était arrivé à sa destination : l'aire de repos qui se situait sur la route n°5, entre les comtés de Lebec et Gorman.

Ayant ainsi retrouvé son optimisme, Calvin s'avança avec entrain. La lumière provenait de deux lampadaires rachitiques, disposés sur un semblant de parking à six places. Il n'y avait qu'une seule voiture stationnée : un mini-van qui devait appartenir à une compagnie de gaz ou d'électricité. C'était difficile de définir à cette distance, et après tout, ce n'était pas ce qui intéressait Calvin.

Celui qui devait être le conducteur se tenait un peu à l'écart, sous le lampadaire de droite. En l'apercevant, Calvin sentit une pointe d'appréhension apparaître dans ses entrailles. Il allongea sensiblement le pas, et en une trentaine de secondes, il se trouvait à son niveau. L'homme ne semblait pas l'avoir remarqué, tout occupé qu'il était à allumer sa cigarette. La nervosité de Calvin se transforma en excitation : jusque-là, tout se déroulait à merveille.

-Tu permets ?

Il s'était adressé à l'individu d'un ton poli et avenant. L'homme eut un sursaut de frayeur, posa des yeux stupéfaits sur lui. Sa cigarette pendait mollement entre ses lèvres, et il tenait encore son briquet à proximité. Calvin eut un sourire courtois, sorti son zippo de sa poche.

- On fait plus confiance à ça qu'à un briquet, dit-il en l'actionnant.

Ses épais gants de cuir ne semblaient pas le déranger. Toujours confus, l'homme bredouilla un petit merci en s'approchant avec sa cigarette. Il inspira profondément, tandis que Calvin maintenait la flamme près de lui. Celui-ci en profita pour observer le fumeur :

L'homme le dépassait d'une tête, et il devait avoir entre vingt-cinq et trente ans. Les traits de son visage étaient fins et marqués, avec des pommettes saillantes. Sa chevelure brune était coiffée de manière impeccable, en accord avec sa moustache délicate. Il portait des lunettes nacrées. Son accoutrement consistait en une épaisse veste de velours grise, avec un jogging noir assorti à ses baskets en cuir.

Eximius : Crâne d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant