III Marché conclu

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Camilo s'avança dans l'étroit passage, avançant vers le fond du wagon, à la recherche de sa place. Le train était bondé de passagers, ce qui était tout à fait normal pour un samedi midi. La ligne entre Louisville et Lexington était très fréquentée, et ce même durant la semaine. Il avait dû prendre son billet longtemps à l'avance. Heureusement qu'il ne voyageait qu'avec une simple sacoche, sinon les choses auraient été beaucoup plus compliquées. Enfin, il repéra le siège numéro 174 : celui-ci était parmi les derniers du compartiment, côté couloir. Comme il l'avait spécifié.

Camilo vit que son voisin avait déjà pris place à côté de la fenêtre. Rassuré, il s'avança rapidement jusqu'à sa place, débloquant ainsi le passage pour ceux qui le suivaient. En arrivant à son niveau, il remarqua que ce dernier avait posé son sac sur le siège qui lui était réservé. Le jeune homme ne l'avait pas vu venir, s'étant installé dans une position propice à l'assoupissement. Camilo se râcla la gorge.

-Excusez-moi mon garçon...

Il n'eut pas le temps de finir que celui-ci avait déjà libéré son siège, calant son sac sur ses genoux.

-Toutes mes excuses monsieur, je ne vous ai pas vu venir...

Camilo sourit, indulgent.

-Ce n'est rien jeune homme, je comprends que vous soyez fatigué...

Ce dernier fronça les sourcils, étonné par sa réponse. Puis, il haussa les épaules, et s'évertua à retrouver une posture confortable, avant de fermer les yeux. Camilo se tourna vers lui pour l'observer : il était assez petit, mais possédait une forte carrure. Sa jeunesse contrastait avec son crâne rasé, qui portait encore les traces d'une chevelure brune. Son visage imberbe possédait des traits endurcis, et sa pomme d'Adam était singulièrement anguleuse. Un nez à l'arrête tordue, un front large à la peau claire, des oreilles plaquées contre son crâne, et d'épaisses lèvres gercées... il n'inspirait absolument pas confiance. Sa puissante mâchoire s'accordait avec ses pommettes et ses joues : il semblait avoir été taillé dans le roc. Le garçon était vêtu d'un anorak bleu marine, d'où s'échappait une capuche d'un blanc sale. Ses bras étaient croisés sur son sac, et ses épais gants de cuir achevaient de lui conférer un air de skinhead. Ce dernier point confirmait qu'il s'agissait bien de l'individu qu'il recherchait.

Le train démarra, et tous les passagers finirent par trouver leur place. Les minutes s'écoulèrent lentement, sans que Camilo ne fasse le moindre mouvement. Son voisin avait le regard fixé vers l'extérieur, ignorant complètement sa présence. Il ne faisait que passer d'un état rêveur à somnoleur, et vice-versa. Au dehors, le temps était radieux : l'automne était déjà bien avancé, et cela se voyait dans les teintes qu'avait pris la végétation.

Camilo y jetait un regard de temps à autre, songeur. Il espérait que les choses allaient bien se passer. Il n'avait pas la moindre idée de ce à quoi il devait s'attendre ; la prudence était donc de mise... Ce ne fut qu'au bout d'une quarantaine de minutes qu'il se mit en mouvement.

Il se pencha en avant, observa les passagers situés devant eux : il s'agissait de deux adolescents, complètement absorbés par leurs game-boys. Quant à leurs voisins de gauche, ils étaient déjà un peu plus éloignés, et il s'agissait d'un vieux couple. L'homme, assis de son côté, portait un sonotone. Camilo sourit : la chance était avec lui.

Il déplia la tablette qui se situait devant lui, et ouvrit sa sacoche pour en sortir une bouteille de soda. Il ouvrit légèrement cette dernière, laissant le gaz s'échapper. Ceci ne manqua pas d'éveiller l'intérêt de son voisin. Faisant mine de ne rien avoir remarqué, Camilo ôta le bouchon, et se mit à boire. Longtemps, en savourant la boisson. Une fois qu'il eût vidé la moitié de la bouteille, il la reposa sur la table, et poussa un soupir satisfait. Du coin de l'œil, il vit que son voisin l'observait intensément. Envieux.

Eximius : Crâne d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant