Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)

9. Ça fight au self

De toutes les meilleures amies que j'aurais pu avoir, je le sens et donc je crois pouvoir le dire avec certitude que Mélissa est la meilleure d'entre toutes.

C'est jeudi et toutes les deux côte à côte, nous déjeunons au self. Comme d'habitude, j'ai du mal avec le goût de la nourriture mais d'après les employés du restau, ce sont nous, les adolescents, qui avons un problème. De toute façon, c'est toujours comme ça la guerre entre les adultes et les jeunes...

— Mon père a une nouvelle lubie, m'informe Mel. Il s'est mis en tête de retaper la maison que mon grand-père, tu sais le tas de ruines dont il a hérité. Bref, depuis le début de la semaine, il projette même d'y faire des chambres d'hôtes. Selon lui, le fait que la maison soit un peu éloignée de la ville est un plus. Si tu le voyais... Tu ne peux pas faire un pas sans te retrouver devant un de ses plans.

Moi au moins, mon père ne nous embête pas mon frère et moi avec sa ferme. Certes, nous vivons tous là-bas et donc devons nous coltiner les moutons, les cochons et toute la boue ainsi que les crottins qui vont avec, mais après, nous sommes assez libres de faire ce que nous voulons. Émile est la plupart du temps en train de bosser au garage ou bien en train de bricoler, quant à moi, il n'est pas rare que j'aille me promener dans la petite forêt derrière la ferme. Comme je vous ai déjà dit, c'est mon repère pour aller pleurer mais aussi pour me ressourcer.

Alors que je m'apprête à prendre une nouvelle bouchée de mon plat sans saveur, mes yeux se posent sur la silhouette de Gontan truc muche, à quelques mètres de ma table. Le plateau à la main, il se dirige vers un coin de la grande salle et ignore par la même occasion l'appel de Justine, la super nana de seconde que tous les mecs veulent se faire.

Ne me jeter pas de pierre, ce ne sont pas mes termes mais les leurs.

— Pff, sale chieur.

— Quoi ? demande Mélissa en fronçant ses sourcils foncés et épais.

D'un signe du menton, je montre le destinataire de mon insulte et mon amie s'empresse d'attraper mes mains. À cause de précipitation et de sa prise, j'en échappe ma fourchette qui vient s'écraser dans la sauce. Génial ! Je vais être obligé de nettoyer le manche si je ne veux pas en avoir plein les doigts maintenant.

— J'ai entendu dire qu'il était en 2nde 5.

— Oui merci Mel, c'est moi qui te l'ai dit.

Mon amie grimace, gênée.

— Désolée. Mais pour me rattraper, j'ai aussi entendu dire qu'il était le fils d'un riche. Enfin, d'autres ont dit au contraire qu'il était dans une famille pauvre et qu'il vendait de la drogue pour se payer ses vêtements de rebelle.

Ah les ragots... Au secours ! Tuez-moi. Qu'est-ce que j'ai horreur de ça.

— Laisse-moi deviner, d'autres ont même dit qu'il avait été adopté ?

Mélissa se mord les lèvres, comprenant où je veux en venir.

— Je m'en fous pas mal d'où il vient et pourquoi il est venu là. Moi, ce que je retiens, c'est que c'est un chieur qui a tout fait capoter à propos de ma pièce de théâtre et qu'il a osé dire devant Alexandra et Martial, à la fin du cours, que je ne m'impliquais pas beaucoup dans les changements du projet. Il ne manque pas de culot celui-là, il ne fout rien durant les trois quart du temps et se permet de me critiquer.

— Ouah, c'est l'amour fou entre vous deux, ironise mon amie.

Bien que je sais qu'elle plaisante, je ne peux pas m'empêcher de dire que je préfère mourir plutôt que devoir traîner avec lui.