43. Danger pour autrui

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Apparemment, enfin d'après Émile, je suis un danger pour autrui...

Sauf que si on part du principe que ce sont mes pieds qui ont touché les pédales de la voiture et que c'est l'accélérateur qui a été enfoncé lorsque je suis montée sur la bosse au milieu du chemin de terre, alors c'est surtout cette partie de mon corps qui l'est... Bon O.K., c'est vrai que ce sont mes pieds, donc moi, mais il n'y a pas d'intention malsaine dans mon esprit, juste de la panique du fait de sentir cette voiture avancer et que je sois celle qui la commande !

À mon retour à la ferme, en début d'après-midi, j'ai appris que le garage où bosse Émile était exceptionnellement fermé. Mon frère était donc à la maison, et pour une fois, c'était mon père qui avait décampé pour aller à un marché, tôt le matin et il n'était toujours pas rentré.

Bref, tout ça pour dire qu'il est venu me chercher à l'arrêt de bus et que je n'ai pas eu à faire de marche à pied. Seulement aussitôt a-t-il vu mon visage qu'il a compris que quelque chose n'allait pas. Il m'a demandé si je voulais en parler, mais comme j'avais peur qu'il répète l'histoire de Mélissa à quelqu'un et que ça fasse le téléphone arabe, j'ai répondu que ce n'était rien.

Comme Émile se sentait mal à l'idée de me laisser pleurer dans mon coin, il a déclaré qu'il allait m'apprendre à conduire. Après tout, ce n'est pas comme si je lui demandais depuis cet automne de le faire ! Mélissa elle, sait conduire (du moins les bases) et son père, puisque c'est lui son moniteur personnel, est vachement détendu et plutôt spécial.

La dernière fois que la voiture s'est emballée, d'après les dires de la brune, son paternel regardait par la fenêtre et prenait son bain de soleil. Mel a paniqué et a failli se prendre un tronc d'arbre. Son père a tiré le frein à main puis tout en secouant sa cigarette par la vitre lui a dit : « cool, relaxe ma fille, y a pas mort d'homme ».

Y a pas mort d'homme ? Je vous avais dit qu'ils sont chelou ses parents !

— C'est bien, me félicite Émile tandis que les doigts crispés sur le volant, je ne quitte plus la route des yeux.

J'ai une crampe à la jambe gauche et mes épaules sont toutes tendues.

— Attention, tu rases le bord là... Redresse-toi. Sur la gauche Madeleine ! Sur la... Attention ! Et voilà ! se marre mon frère tandis que la voiture vient de monter sur une bosse et que nous avons été secoués comme des pruniers.

— Désolée, soufflé-je en grimaçant, les yeux toujours grands ouverts et fixant le chemin.

La voiture fait soudainement un drôle de bruit. Oh oh... Qu'est-ce qu'il se passe là ?

— Embraye... Embraye Madeleine.

— Mais c'est ce que je fais ! râlé-je.

— Non, tu débrayes là...

Bah quoi ? Ce n'est pas la même chose « embrayer » et « débrayer » ?

— Bon, relève le pied de l'embrayage... Souviens-toi, on doit jongler avec les pédales. On ne doit pas débrayer à fond en même tant que l'on accélère.

Ah oui, c'est vrai. Sinon ça fait un boucan monstrueux, comme précédemment.

— Allez, maintenant on accélère et on va essayer de passer la troisième.

— Quoi ? paniqué-je. Non ! Je ne me sens pas prête. Attends attends, c'est où déjà la troisième ?

— Milieu.

— Euh... mais... milieu haut ou milieu bas ? Émile ! m'emporté-je en voyant que je fonce dans l'herbe.

— Ralentis Madeleine. Ralentis ! Et débraye. Débraye ! Là, range-toi sur le bord.

Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant