Près de toi 1 - Madeleine Petit (Terminée)

57. Elle est de retour

C'est toujours quand on dit que ça ne pourra pas être pire que ça le devient. Je trouvais mes corvées pénibles, mais je me rends compte désormais qu'elles étaient un cadeau à côté de ce qui m'arrive...

— Madeleine ? Tu me reconnais pas ?

Est-ce la seconde partie de ma punition pour l'exclusion ? Non, on ne peut pas me faire une chose pareille. C'est comme me tuer... Pire encore, c'est de la torture ! Parce que c'est sans fin contrairement à la mort.

Je refuse d'obéir docilement. Certes, je n'ai que quinze ans, mais j'ai le droit de choisir avec qui je souhaite vivre. Je ne veux pas devenir un zombie ou être à nouveau un vieux meuble.

Kyle qui est sur la hanche de ma génitrice se met à pleurer et j'en profite pour prendre la poudre d'escampette.

Je dois absolument voir papa. Je dois lui demander de ne pas la laisser me reprendre. Je ne veux pas retourner sur Paris. Je ne veux pas quitter la ferme, ma famille, mes amis et Gontran. Je dois le faire changer d'avis. Je dois lui faire comprendre que cette fois-ci, la punition est trop abusée. On ne m'a jamais dit que j'étais en période d'essai ici. Et puis même si ça a été le cas, les deux premiers mois sont passés. C'est fini maintenant !

Je traverse la cour en sprintant. Je manque de me gameler en arrivant devant le pas de porte à cause de la grille qui n'a pas été remise en place, sous le paillasson. Je ne prends pas la peine d'enlever mes bottes et entre dans la maison. Angelina, qui s'occupe de la couture, relève la tête en me voyant débouler dans le salon.

— Où est papa ?

Ma voix tremble et je suis essoufflée. Mais en ce moment, tout ce qui compte, c'est de trouver mon père. Le reste m'importe peu. Les saletés que je viens de faire rentrer dans la maison... Mon visage rouge et en nage... Je m'en fous complètement.

— Maddi, qu'est-ce qu'il se passe ? demande ma belle-mère en se levant.

Elle abandonne la chemise qu'Émile a fait craquer la semaine dernière et qu'il n'a toujours pas réparée car la couture « c'est super chiant et qu'il n'a pas le temps ». Angelina lui avait bien dit qu'il avait pris du muscle et qu'il risquait de l'abîmer. Mais il n'en a fait qu'à sa tête. Résultat, il s'est retrouvé avec une aisselle à l'air en plein milieu d'un rendez-vous amoureux avec Sacha.

— Où est papa ? m'énervé-je. Je veux voir mon père !

On dirait presque que je suis folle à crier ainsi. Mais il faut que je trouve mon père... Il faut que...

— Émile ! hurlé-je en voyant mon frère descendre dans les escaliers.

— Oula, lâche-t-il quand je fonce dans ses bras.

La tête contre son torse, je laisse couler mes larmes. Je ne veux pas partir. Elle n'a pas le droit de débarquer comme ça, sans prévenir. Elle n'a pas le droit de m'arracher à la ferme du jour au lendemain. Elle n'a pas le droit !

— Ne la laisse pas m'enlever. Je ne veux pas partir, suffoqué-je. Je t'en prie Émile, fais quelque chose.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

La voix de notre père me fait relever la tête. Vu sa tenue et ses manches relevées, je comprends qu'il était en train de faire les comptes. Il a voulu m'apprendre, en novembre dernier, mais je lui ai dit que je m'en foutais. Je regrette. Peut-être que si j'avais passé plus de temps avec lui, il ne voudrait pas se débarrasser de moi désormais.

Sans plus attendre, je fonce vers lui et éclate en sanglots.

— Ne la laisse pas me prendre, papa. Tu ne peux pas me faire ça ! Je sais que je n'ai pas été facile durant tous ces mois. J'ai fait du mal, à tout le monde ici. Mais je te jure que je peux m'améliorer. Je peux être une meilleure fille et une meilleure sœur. Puis je sais que je n'aurais pas dû me battre. La violence ne résout rien. Je suis désolée. Je ne recommencerai plus. Je ferai tout ce que tu voudras. Je m'occuperai des corvées de la ferme durant les deux prochaines semaines et après aussi si tu veux. Je ramènerai de meilleures notes. J'irai m'excuser auprès de Justine s'il le faut, mais ne me renvoies pas là-bas !